Le sénateur Saïd Omar Oili poursuit sa critique de la stratégie quinquennale pour la reconstruction et le développement de Mayotte, présentée au Comité interministériel des Outre-mer le 9 juillet. Dans un communiqué transmis à la presse, jeudi 24 juillet 2025, il annonce la transmission d’une contribution écrite au ministre des Outre-mer, Manuel Valls, d’ici la fin du mois d’août 2025. Le parlementaire entend y prioriser les politiques publiques majeures pour l’avenir de l’île.
Première cible : la gestion des risques naturels, qu’il juge mal cadrée, imprécise et insuffisamment financée. Il estime que ce chapitre, pourtant crucial notamment après le passage du cyclone Chido, « doit être revu en définissant des priorités, en précisant les acteurs et les moyens humains avec un calendrier réaliste pour atteindre des objectifs précis et quantifiables. »
Un plan jugé déconnecté du terrain et élaboré sans concertation

Dans ce communiqué, Saïd Omar Oili revient d’abord sur les conditions de présentation de la stratégie quinquennale pour la reconstruction et le développement de Mayotte 2026-2031, soumise, d’après lui, « sans concertation préalable avec les élus », bien qu’il s’agisse selon lui d’« une feuille de route pour la mise en œuvre de la loi de programmation et de refondation de Mayotte ».
Le sénateur indique qu’il transmettra d’ici fin août prochain, au ministre des Outre-mer, une analyse détaillée, précisant : « Ma contribution va prioriser les politiques publiques majeures pour le développement et la refondation de Mayotte. » Il déplore en particulier le traitement réservé à la politique de prévention des risques : « Le contenu du rapport est loin d’être satisfaisant dans le domaine des risques naturels », écrit-il, évoquant une stratégie trop générale, des objectifs mal définis, et une absence de moyens identifiés.
Des objectifs flous et une gouvernance incertaine

Dans la fiche d’analyse transmise en complément du communiqué, le sénateur examine la section 3.1.1 de la stratégie quinquennale, intitulée « Protéger les Mahorais face aux aléas naturels ». Il critique d’abord le cadre d’ensemble du plan : « Cet intitulé ne semble pas approprié : il aurait été plus logique de partir d’un bilan de l’existant dans ce domaine ». Il pointe également l’absence de mention du volcan sous-marin Fani Maoré, alors que le risque sismo-volcanique est mentionné ailleurs, notamment pour justifier la construction d’une piste longue.
La critique se concentre aussi sur les insuffisances opérationnelles : « Faut-il en conclure que les moyens humains destinés à ces objectifs sont insuffisants ? » interroge-t-il, en référence à un groupe de travail entre la Préfecture et la DEAL, et à la mention d’un renforcement temporaire du Service Interministériel de Défense et de Protection Civiles de la Préfecture (SIDPC).
D’après lui, l’objectif 11, tel que formulé dans le document, est jugé trop vague : « Sa rédaction s’apparente plus à des enjeux qu’à des objectifs précis et quantifiables », met-il en avant. Il en déduit que les effets attendus sont « trop vagues » et que le « déroulement prévisionnel » proposé dès 2025 présente une série d’actions « très foisonnante avec une absence de priorités ». Plus inquiétant, il note « une absence de clarification de la gouvernance » et s’interroge sur l’existence d’un référent opérationnel : « Qui a en charge l’animation et la mise en œuvre au niveau local ? »
Un doute croissant sur la sincérité de l’État

(photographie d’illustration/MAYOBS – IPGP/CNRS/Ifremer/BRGM)
Dans son communiqué, le sénateur rappelle plusieurs amendements qu’il avait portés dans le cadre de la loi de refondation pour la reconstruction de Mayotte. L’un visait à instaurer un observatoire sismo-volcanique pour Fani Maoré. Adopté à l’Assemblée nationale, il a été supprimé en commission mixte paritaire (CMP). Pour Saïd Omar Oili, cela « fait douter de la volonté d’un renforcement des moyens locaux dans le domaine des risques naturels ».
Il souligne aussi que la surveillance des phénomènes volcaniques reste assurée par l’Observatoire du Piton de la Fournaise, basé sur l’île de La Réunion, ce qui « donne un argument supplémentaire (…) pour la création de cet observatoire » directement à Mayotte.
Deux autres amendements avaient pourtant été retenus : l’un sur un bilan des dispositifs ORSEC « au plus tard au 1er mars 2026 », non mentionné dans le rapport, l’autre sur « la création d’une réserve de moyens destinée à la sauvegarde et au soutien des populations ». Le sénateur évoque enfin l’annonce d’un retour d’expérience sur le cyclone Chido, prévue pour septembre 2025, mais regrette que sa méthodologie ne soit pas précisée : « Ce RETEX constitue une pièce importante à cette évaluation de la gestion de crise de Chido. Toutefois, en raison de son origine, l’administration, ne peut être considérée comme objective, n’ayant pas la démarche du contradictoire instaurée par une commission d’enquête ».
Pour Saïd Omar Oili, ce chapitre crucial « doit être revu » en profondeur. Il en fait le point de départ de sa future contribution, en cours d’élaboration, et ambitionne d’ouvrir un débat de fond sur l’avenir institutionnel et opérationnel de l’île.
Mathilde Hangard