C’est le 3e CIOM depuis 2009. Le dernier avait eu lieu en 2023 quand Elisabeth Borne était alors Première ministre. Comme nous l’a indiqué une source gouvernementale, « c’est un CIOM de l’urgence, de l’immédiateté, consacré principalement à la refondation de Mayotte mais aussi à la vie chère dans les Outre-mer, ainsi qu’à l’insécurité dans ces territoires ».
Le projet de stratégie pour la refondation de Mayotte validé
Après avoir géré une situation de crise et d’urgence suite au passage de Chido (électricité, eau, intérêts vitaux…), le Gouvernement avait fait adopter la loi urgence pour Mayotte en février dernier. « Il y a eu un gros effort de la part du Gouvernement… près de 500 millions d’euros ont été débloqués pour gérer une situation de crise post Chido. La loi urgence a permis un report des charges notamment ou encore d’avoir des dérogations en matière d’urbanisme pour reconstruire plus vite. Il a fallu aussi adopter une stratégie de long terme car Chido a été le révélateur du retard de développement de Mayotte, il faut maintenant rattraper ce retard », nous confie un conseiller du Gouvernement.

Ce CIOM a été, en partie, consacré à l’aboutissement de la « séquence Mayotte ». Car en effet, si ce comité interministériel a eu lieu ce jeudi 10 juillet ce n’est pas un hasard, cela coïncide avec le vote de la loi refondation de Mayotte par le Parlement (ndlr, la loi a été adoptée unanimement mercredi par les députés de l’Assemblée nationale et l’a été aujourd’hui par les sénateurs du palais du Luxembourg). Par ailleurs, le général Facon, chargé de la reconstruction de Mayotte, ainsi que le préfet François-Xavier Bieuville ont participé à ce CIOM. « Le principal objectif de ce CIOM est de valider le projet de stratégie du général Facon. Ces derniers mois il s’est rendu plusieurs fois à Mayotte afin de faire un bilan et identifier les différents besoins, à la fois en termes de planification mais aussi de construction à long terme », poursuit une autre source gouvernementale.

Le général Facon a ainsi mis en place une stratégie quinquennale : 2025-2027 va concerner la reconstruction à proprement parler. 2026-2031, il s’agira de refonder et développer. Post 2031, il conviendra de poursuivre les transformations. Après sa validation officielle, la stratégie va être transmise aux élus mahorais afin qu’ils en prennent connaissance. « Nous voulons laisser le temps aux élus locaux d’examiner cette stratégie…mais nous souhaitons aller vite afin qu’elle soit validée à la fin de l’été, sinon au plus tard en septembre ou octobre », raconte un conseiller du Premier ministre.
200 millions d’euros en plus pour aider les collectivités mahoraises qui s’accompagneront d’autres mesures
Parmi les différentes annonces dont on nous a fait part figure l’augmentation du fonds d’amorçage pour la reconstruction afin d’aider les collectivités mahoraises. Il était de 100 millions d’euros et sera complété de 200 millions d’euros en 2026 pour atteindre ainsi 300 millions d’euros. « Ce fonds est réservé uniquement aux collectivités afin de les soutenir. Elles auront ainsi 200 millions d’euros en plus dès l’année prochaine en autorisation d’engagement », ajoute un conseiller du Gouvernement.

En outre, le plan Mayotte va permettre de mettre en place un programme budgétaire unique où seuls le ministre des Outre-mer et le préfet seront à la manœuvre… « Cela doit permettre de laisser plus de souplesse au préfet », nous dit-on. Autre bonne nouvelle, si l’on peut dire, la hausse des effectifs pour la sécurité avec une centaine de militaires en plus sur le territoire à la fin de l’année 2026. Mais aussi deux nouveaux intercepteurs et deux nouvelles vedettes devraient être livrés d’ici la fin de cette année pour renforcer la lutte contre l’immigration clandestine (LIC) à travers le fameux rideau de fer, annoncé il y a quelques semaines par Manuel Valls.
Dans ce CIOM, consacré en bonne partie à la refondation de Mayotte, il a été aussi question de la titrisation afin de faciliter l’accès à la propriété. Il y aura ainsi un titrement complet du territoire d’ici 2035, grâce à la création d’un guichet commun de régularisation foncière (GCRF). Un volet consacré à l’environnement a également été examiné avec pour buts la préservation des espaces naturels (forêt, récifs coralliens, mangrove, etc.), mais aussi une meilleure gestion des déchets : améliorer le tri, la collecte et le traitement des déchets en tenant compte des caractéristiques du territoire.
Le sujet très important de la convergence sociale était également sur la table afin de garantir aux Mahorais une égalité de droits réelle avec l’ensemble des citoyens français, à l’horizon 2031 (santé, éducation, emploi, protection sociale). Le développement par le travail n’a pas été oublié : alignement rapide du SMIC net avec la réalisation d’un premier pas de convergence dès le 1er janvier 2026. Enfin dernière priorité de ce CIOM pour Mayotte, l’attractivité du territoire.
La vie chère dans les Outre-mer et l’insécurité
Le constat est implacable, le niveau général des prix dans les territoires ultramarins est fortement et durablement plus élevé qu’en Hexagone. Ce constat récurrent s’inscrit dans une problématique structurelle, aux conséquences directes sur le pouvoir d’achat des ménages, la cohésion sociale et l’égalité territoriale. « Le sujet de la vie chère n’a pas été éludé…nous souhaiterions que la loi contre la vie chère en Outre-mer soit adoptée avant la fin du mois de juillet », explique un conseiller à Matignon.

Pour cela un plan global est en cours de finalisation avec pour objectifs de capitaliser sur les travaux parlementaires existants et de se doter « d’un véhicule législatif réactif et adapté ». L’ambition est d’engager une réforme globale, durable et systémique, fondée sur cinq leviers d’action : concurrence, transparence, exigences, renaissance économique, et bon sens.
Concernant l’insécurité, le Gouvernement entend « rétablir l’autorité républicaine dans tous les territoires ». Pour cela, seront mis en place des contrôles renforcés aux ports, aéroports et littoraux, ainsi qu’un contrôle des flux migratoires qui déstabilisent les territoires ultramarins, a fortiori à Mayotte… Le Gouvernement compte également renforcer la coopération régionale pour contrer l’action des filières criminelles. « Ce CIOM de l’immédiateté, c’est l’affaire de l’ensemble des membres du Gouvernement qui se sont pleinement mobilisés », nous a dit un conseiller du Premier ministre.
Un autre CIOM sera organisé en fin d’année 2025, mais dans une forme « plus classique », où les thèmes de l’adaptation au changement climatique, la coopération et le rayonnement régional, les violences intra-familiales, la sécurité et la souveraineté alimentaire, ou encore la jeunesse et la culture, seront notamment abordés.
Benoît Jaëglé