Intercommunalités de France, Interco’ Outre-mer et l’association des intercommunalités de Mayotte alertent sur une « loi de programmation » sans programmation

Les présidents d'Intercommunalités de France, d'Interco Outre-mer et d'Interco 976 (Mayotte), alertent sur la contradiction majeure entre une volonté politique et le projet de loi qui doit la traduire. Ils soulignent que le texte, en l'état, ne s’apparente pas à une loi de programmation réelle et ne donne pas aux territoires les moyens de la mettre en œuvre, risquant ainsi de transformer une promesse d'avenir en une crise durable.

Dans un courrier adressé au ministre des Outre-mer, Manuel Valls, les trois présidents (Sébastien MARTIN, Lyliane PIQUION-SALOME, et Ali Moussa MOUSSA BEN) reconnaissent des signaux positifs, notamment la création d’un établissement public dédié, ainsi que la qualité du dialogue sur le terrain. Cependant, malgré la démarche de co-construction engagée et les multiples propositions détaillées depuis janvier, ils déplorent que leurs contributions soient restées sans écho dans le texte de loi. « Ce silence est assourdissant », écrivent-ils, soulignant le risque d’une refondation décidée sans les territoires. Les trois associations pointent les conséquences potentielles d’une loi qui, sous couvert d’agir vite, risque « d’obérer l’avenir ».

Une refondation en trompe-l’œil et une crise de confiance

Manuel Valls, audition, projet de loi refondation, Mayotte
Manuel Valls est revenu sur les principaux articles du projet de loi refondation de Mayotte hier à l’occasion d’une conférence de presse (illustration/ Capture d’écran AN)

Les crédits de plus de 3 milliards d’euros annoncés sont quasi exclusivement fléchés sur des projets d’État déjà préexistants au cyclone. La loi omet les 10 milliards d’euros d’investissements estimés par les acteurs locaux pour la reconstruction des services essentiels portés par les collectivités mahoraises (eau, déchets, voirie, habitat), pour lesquels ils avaient proposé une maquette financière pluri-fonds (État, Union européenne, privé). Pire, le fonds d’amorçage de 100 millions d’euros annoncé apparaît comme très insuffisant, alors que six mois après la catastrophe, les collectivités « attendent toujours le remboursement des fonds promis par l’État » pour les dépenses d’urgence, provoquant des ruptures de trésorerie et une seconde crise économique.

En ignorant les demandes des élus locaux, et en présentant une loi imparfaite dans la précipitation, l’État risque d’aboutir à l’inverse de l’objectif recherché : des « difficultés sociales, économiques et politiques immenses » et le sentiment pour la population d’être « abandonnée ».

En l’état, la loi « laisse une part croissante de la population dans une situation indigne, bien en deçà des standards minimaux de la République ». Faute de moyens pour une reconstruction résiliente, elle ne prévient pas les futurs risques, mais programme au contraire les prochaines catastrophes.

Ali Moussa Moussa Ben, président de l’association « Interco 976 »

« Nous voulons croire à la refondation. Le travail engagé sur le terrain avec les services de l’État est prometteur. Mais il faut que la loi suive. Une refondation réussie à Mayotte peut ouvrir une voie ambitieuse pour la France dans l’océan Indien. Il serait dramatique que la Nation et Mayotte passent à côté de leur destin commun à cause d’une loi qui peut encore être améliorée », indique Ali Moussa MOUSSA BEN, président d’Interco 976.

Pour Lyliane PIQUION-SALOME, présidente d’Interco’ Outre-mer, « Le processus actuel, s’il n’est pas corrigé, laissera la population mahoraise dans une situation indigne. Ce qui est en jeu à Mayotte, c’est la crédibilité de la parole de l’État dans tous les Outre-mer, et notre capacité collective à ne pas sacrifier l’avenir à la précipitation ».
Sébastien MARTIN, président d’Intercommunalités de France considère lui qu’« Une loi de programmation doit engager l’ensemble des partenaires de la République. On ne peut afficher une ambition nationale et laisser les collectivités, qui sont les bras armés de l’action publique, sans visibilité ni moyens pour la mettre en œuvre. Cette cohérence est une condition de la confiance et de l’efficacité ».

 

Partagez l'article :

Subscribe

spot_imgspot_img

Les plus lus

More like this
Related

Au lycée de la Cité du Nord, la possible fin des récréations embrase la communauté éducative

Entre la contestation de la suppression des récréations, des pannes informatiques persistantes et des locaux dégradés, les enseignants du lycée du Nord dénoncent une situation de plus en plus intenable.

Air Austral déplore un manque de repères pour poursuivre sa croissance

Hugues Marchessaux, président du directoire d’Air Austral et président d’Ewa Air et Drissa Samaké, directeur général d’Ewa Air, ont dressé, ce mardi 24 juin, le bilan de l’exercice 2024-2025 des deux compagnies. Avec des résultats d’exploitation positifs, malgré les événements perturbateurs et les contraintes, l’avenir semble prometteur, mais le manque de visibilité à moyen et long terme, notamment sur les infrastructures, laisse planer le doute.

La chambre régionale des comptes salue les mesures de redressement du budget de la commune de Kani-Kéli

Dans son avis du 19 septembre 2024, la chambre régionale des comptes (CRC) avait arrêté le déficit du compte administratif 2023 de la commune de Kani-kéli à 1.863.108 euros. La CRC avait alors proposé à la commune un plan destiné à permettre le retour à l’équilibre budgétaire à la fin de l’année 2028.

Les sinistrés climatiques déposent un recours devant le Conseil d’Etat

Face au manque de réponses du Gouvernement depuis le 8 avril dernier, associations et sinistrés climatiques, dont Racha Mousdikoudine, de l’association Mayotte à Soif, déposent un recours devant le Conseil d’Etat, ce mercredi 25 juin, afin de l’obliger à renforcer ses politiques d’adaptation au dérèglement climatique. Il sera accompagné d’une lettre ouverte adressée au Président, Emmanuel Macron.