Sous les palmiers encore battus par les vents du cyclone Chido, la politique reprend ses droits. Ce lundi 23 juin, l’Assemblée nationale ouvre l’examen du projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte, promesse gouvernementale d’un nouveau départ pour le 101ème département français, éprouvé par les crises, les retards et les intempéries.
Dans ce moment charnière, une voix tente de conjuguer le temps parlementaire au temps local : celle de Kassandrah Chanfi, présidente du MoDem-Mayotte. Figure montante du Centre mahorais, elle mène de front discussions législatives, plaidoyer pour une reconstruction ambitieuse, et engagement politique en vue des municipales de 2026.
Une loi de refondation cruciale, mais sous surveillance

Adopté au Sénat le 27 mai dernier, le projet de loi de refondation entre cette semaine dans l’hémicycle de l’Assemblée. Il engage une enveloppe de près de 4 milliards d’euros sur six ans, de 2025 à 2031, pour refonder les infrastructures, redéfinir les compétences locales et repenser la gouvernance du territoire. Kassandrah Chanfi, qui a rencontré Marc Fesneau, président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, le vendredi 20 juin dernier, y voit un texte porteur d’espoir, mais non exempt de zones d’ombre. « Nous saluons une initiative attendue. Mais un projet de cette ampleur doit garantir les droits fondamentaux des Mahorais ».
Le 11 mai dernier, le MoDem-Mayotte avait notamment exprimé de vives réserves sur l’article 19, relatif aux procédures d’expropriation en cas de projet d’intérêt public. La version initiale, jugée trop brutale, menaçait selon la présidente du mouvement, de raviver un sentiment de dépossession foncière dans un territoire marqué par l’instabilité cadastrale. « Il fallait absolument intégrer des garanties, des mécanismes de concertation. Cela a été entendu », se félicite-t-elle désormais, sans relâcher sa vigilance.
Autre point de crispation : la suppression du séjour territorialisé, un régime dérogatoire propre à Mayotte qui empêche les titulaires de titres de séjour obtenus localement de circuler librement sur l’ensemble du territoire national. En commission des Lois à l’Assemblée nationale, les députés ont voté un amendement actant sa suppression à l’horizon 2030, une avancée saluée par les élus mahorais. Le MoDem-Mayotte se félicite de cette échéance, que sa présidente Kassandra Chanfi qualifie de « signal politique fort« , tout en appelant à un accompagnement rigoureux sur les volets sociaux, logistiques et migratoires.
Ce calendrier progressif, s’il est confirmé en séance, marquerait un tournant après des années de statu quo. Dans la perspective d’un futur statut de département-région, le MoDem-Mayotte plaide également pour une réforme du mode de scrutin inspirée des modèles guyanais ou antillais, afin de renforcer la stabilité politique et la lisibilité démocratique. « Il faut sortir du régime d’exception », insiste Kassandrah Chanfi.
Après Chido, reconstruire vite et mieux

Au-delà des joutes législatives, c’est une réalité bien plus matérielle qui structure l’agenda mahorais : celle d’une île abîmée. Six mois après le passage du cyclone Chido, survenu le 14 décembre 2024, Mayotte peine à se relever. « La Réunion, frappée elle aussi par un cyclone, a pu redémarrer en quelques jours. Nous, six mois après, nous en sommes encore à colmater », s’indigne la présidente du MoDem-Mayotte.
Pour elle, la loi de refondation constitue également un levier pour une reconstruction durable, pensée à l’échelle des communes. Elle mise pour un investissement fort dans les plans communaux de sauvegarde, les mobilités internes – notamment vers le futur aéroport de Bouyouni – et la résilience climatique. « Chido doit être une leçon. Il ne s’agit pas seulement de réparer, mais de reconstruire autrement. Mieux. Pour que la prochaine catastrophe ne nous prenne plus au dépourvu. »
Mamoudzou, ligne de front politique

En parallèle de ses combats institutionnels, Kassandrah Chanfi fait un pas de plus dans l’arène électorale de Mamoudzou. Sans viser la tête de la mairie, elle s’engage pleinement aux côtés d’Ahamada Haribou, en tant que co-listière sur la liste Rassemblons-nous. Ancien directeur général adjoint de la Ville, Haribou conduit une coalition large, soutenue par plusieurs anciens maires, dont Abdallah Hassani, Abdourahamane Soilihi et Mohamed Majani.
En 2020, ces figures politiques étaient éparpillées. Aujourd’hui, elles unissent leurs forces dans une logique de rassemblement et de reconquête face au maire sortant, Ambdilwahedou Soumaïla (LR). « Nous voulons incarner une alternative solide, compétente et proche du terrain », affirme Kassandrah Chanfi, qui promet des formations pour les futurs candidats et colistiers de son mouvement, tout en traçant une ligne claire : refonder sans exclure, reconstruire sans attendre, et représenter sans trahir.
Mathilde Hangard