Le tribunal administratif prononce la résiliation de la DSP du port de Longoni au 1er septembre 2026

Depuis 2013, une partie des usagers du port dénonçaient les manquements aux exigences de service public d’Ida Nel, présidente de MCG, dans sa gestion du port de Longoni. En indiquant qu’elle est « manifestement contraire à l'intérêt général », le tribunal donne raison à l’Union maritime et au Conseil départemental qui en demandaient la résiliation.

En raison de nombreux manquements et de graves dysfonctionnements dont nous nous sommes fait régulièrement l’écho – et le faux arrêté de tarifs portuaires n’en est pas le moindre – la pérennité de la Délégation de service public (DSP) allouée à la société Mayotte Channel Gateway (MCG) présidée par Ida Nel  est remise en cause par le délégant qu’est le conseil départemental. Lors du procès qui se tenait le 2 juin dernier, l’Union Maritime de Mayotte (UMM) en réclamait la résiliation « sous trois mois », appuyée par un Conseil départemental plus nuancé qui la demandait au 30 juin 2028.

En audience de première instance, le rapporteur public évoquait la liste des manquements et conseillait une résiliation de la DSP au 1er janvier 2026. Le jugement vient de tomber : le tribunal met fin à la délégation de service public du Port de Longoni à compter du 1er septembre 2026.

Cette DSP qui devait prendre fin au 31 octobre 2028, a été émaillé de sorties de route. Ce qui pouvait passer pour des investissements prometteurs en outillages portuaires s’avérait être un gouffre alimenté par la défiscalisation, donc l’argent du contribuable, amorti sur une courte période, impliquant une hausse exponentielle des tarifs portuaires, répercutée le long de la chaine des acteurs pour finir par gonfler les prix à la caisse.

« Obstruction à l’autorité de la concurrence »

Pour rentabiliser l’investissement, la femme d’affaire n’hésitait pas à investir dans la manutention, ce qui en tant que gestionnaire d’un port est interdit par la loi. Le jugement de ce lundi 16 juin mentionne ainsi que le rapport de mission réalisé en juillet 2019 par le contrôle général économique et financier des ministères économiques et financiers, « n’exclut pas » une « situation de conflit d’intérêt », et effectuait un signalement au procureur de La République de Mamoudzou le 30 août 2019 sur le fondement de l’article 40 du code de procédure pénale « pour suspicion de prise illégale d’intérêts et d’abus de bien sociaux « .

Sur ce sujet, l’Autorité de la concurrence s’est vue empêchée d’enquêter, par « obstruction » de MCG, donnant lieu en décembre 2021, à une amende de 100 00 euros, et a constaté un « abus de sa position dominante sur le marché de la gestion et de l’exploitation des infrastructures et installations du port de Longoni », en mettant en œuvre « un ensemble de comportements visant à accaparer les marchés de la manutention portuaire » et « en ayant imposé aux importateurs mahorais un ensemble de conditions de transaction inéquitables ».

« Dépourvus de base légale »

Ida Nel et son chargé de mission lors de remises des trophées de l’entreprise

Des tarifs dont Ida Nel ne parvenait pas à obtenir le niveau suffisant pour financer ses grues et RTG et qui amenait à l’établissement d’un faux, imitant la signature du président du CD, Soibahadine Ramadani, dont on ne connaît pâs encore l’auteur. Le tribunal administratif est explicite : « Dans sa décision le tribunal administratif a retenu que la société MCG ne respectait pas l’ensemble de ses obligations en matière de prévention des risques d’incendie, qu’elle avait appliqué aux usagers du service des tarifs dépourvus de base légale et leur avait facturé des prestations non demandées et non réalisées et qu’elle avait, à plusieurs reprises, fait usage d’un arrêté tarifaire frauduleux du président du département. »

Par ailleurs, le tribunal a constaté que la société MCG, ainsi que sa présidente, étaient mises en cause, au regard de situations de conflits d’intérêts, dans plusieurs procédures, « notamment pénale et devant l’Autorité de la concurrence ».

Des manquements imputables à la société MCG, « qui se sont poursuivis pendant plusieurs années », et qui « portent préjudice de manière grave et répétée au bon fonctionnement du port » et « traduisent une mauvaise gestion par le délégataire du service public ainsi qu’un mauvais usage des deniers publics qui y sont affectés ».

« Tarifs illégaux »

Mansour Kamardine alors président du conseil portuaire, avait dénoncé les nombreux écarts au droit

L’Union maritime de Norbert Martinez, Christian Corre et Gilles Perzo, l’a constamment dénoncé, et le tribunal l’écrit noir sur blanc : « La décision retient que l’application de tarifs illégaux depuis 2016 a nécessairement eu des répercussions sur le prix des biens et des marchandises et porte ainsi atteinte au bon développement de l’île de Mayotte ».

Il en déduit que la poursuite de l’exécution du contrat de délégation de service public est manifestement contraire à l’intérêt général.

L’ex-député Mansour Kamardine avait dénoncé cet état de fait et émis l’éventualité de l’existence d’un délit de concussion, « le fait, pour une personne dépositaire de l’autorité publique en charge d’une mission de service public, de sciemment exiger de percevoir une somme indue », rapportait-il dans nos colonnes.

Pour permettre au conseil départemental de se retourner, et d’organiser un nouveau mode de fonctionnement du port, le tribunal a prononcé la résiliation avec un effet différé au 1er septembre 2026. Il a, par ailleurs, dans son jugement, fait état des solutions juridiques qui permettront au département d’assurer la continuité du service public le temps d’organiser la gestion future du port.

Il en résulte que l’actuelle délégation de service public liant le département de Mayotte et la société MCG prendra fin au 1er septembre 2026.

Anne Perzo-Lafond

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