Ils viennent de loin, et ils visent haut ! Des terrains rugueux du centre de Mayotte au parquet bien ciré de Créteil, les hommes du Combani Handball Club débarquent aux Finalités Ultramarines avec plus de sueur que de subventions, mais un mental de granit. Oubliez les paillettes de la LNH : ici, c’est du handball à cœur battant, du vrai, du brut, avec des gars qui jouent leur vie à chaque montée de balle. Vainqueurs de la CCOI 2024, ces Mahorais aux bras musclés et à la foi chevillée au corps n’ont qu’un objectif : montrer que l’on peut venir d’une île fragilisée par le passage d’un cyclone sans précédent et faire trembler les filets comme les préjugés.
Un club forgé dans la patience et les titres

Fondé au début des années 2000, le Combani Handball Club (CHC) s’est hissé parmi les clubs phares de l’île grâce à son travail de formation, à son engagement associatif et à ses résultats réguliers. Dans un paysage où l’ASCT a longtemps accumulé les trophées, le CHC s’est affirmé avec caractère, notamment via son équipe féminine, sept fois championne de Mayotte. Aujourd’hui, c’est au tour des garçons de faire parler d’eux.
En 2024, les hommes de Combani ont frappé un grand coup en remportant la Coupe des Clubs de l’Océan Indien (CCOI), une compétition régionale exigeante, réunissant les meilleures équipes de Madagascar, La Réunion, Maurice, et d’autres îles voisines. Une victoire qui a consolidé l’esprit de groupe et renforcé la confiance d’une équipe composée d’une vingtaine de joueurs âgés de 19 à 39 ans, portée par la diversité, la solidarité et la passion.
Paris en ligne de mire

Du 9 au 16 juin 2025, le CHC participera aux Finalités Ultramarines à Créteil, dans la prestigieuse arène du Palais des Sports Robert-Oubron. Ce tournoi regroupe les meilleures équipes des territoires d’Outre-mer : Mayotte, La Réunion, Martinique, Guadeloupe et Guyane. À la clé : deux places pour les Finalités nationales, face aux meilleurs clubs de métropole de Nationale 2 et 3.
Le programme est dense, l’enjeu capital. Lundi 9 juin, le CHC ouvrira le bal à 13h en affrontant l’USC Citron de la Martinique, puis enchaînera à 16h face à Saint-Pierre HBC de La Réunion. Après une journée de repos, ils affronteront mercredi 11 juin, à 13h, la Jeunesse Trois-Rivières de Guadeloupe, puis le Geldar de Kourou à 16h pour clôturer les phases de poules. Noureddine Yahaya, secrétaire du club, affiche sa confiance : « Je sais qu’on peut gagner si on en a envie. Cela dépendra de l’état d’esprit, de l’organisation aussi. À Madagascar, on avait été très soudés. Si on met en place cette même ambiance à Paris, on pourra faire de belles choses. »
Un appel à la reconnaissance et au soutien

Mais derrière l’euphorie sportive, l’équipe dénonce un manque criant de reconnaissance locale. Dans une déclaration transmise à notre rédaction, le club exprime son incompréhension face à l’absence de soutien institutionnel : « C’est avec une pointe d’amertume que nous nous apprêtons à quitter Mayotte pour les finalités de Nationale 3. Aucune communication n’a été réalisée sur nos performances, aucun mot n’a été prononcé pour notre participation à cette compétition nationale majeure. Pire encore, aucune aide concrète ne nous a été accordée pour les démarches administratives et le financement du déplacement. Nous lançons un appel à la Ligue : il est temps d’assumer vos responsabilités et de soutenir réellement les clubs et les sportifs qui font rayonner Mayotte au-delà de ses frontières. »
Un cri du cœur que le club espère entendre enfin : « Comment peut-on légitimement laisser des athlètes, porteurs de l’image de Mayotte, se débrouiller seuls face à de tels défis ? » Le budget estimé à 32.000 euros pour le déplacement – hors hébergement et repas, devait initialement être soutenu par le Département, mais faute de délibération à temps, le CHC a dû activer ses réseaux pour trouver des partenaires privés. « Chaque année, c’est le même casse-tête. On veut représenter notre île, mais c’est difficile de trouver les financements », confie Noureddine Yahaya.
Un club ancré dans sa jeunesse

Le CHC, ce n’est pas qu’un palmarès : c’est une mission. Avec près de 180 licenciés, majoritairement des jeunes, le club se veut un acteur éducatif. « Notre mission, c’est d’accompagner la jeunesse, leur permettre de s’accrocher à quelque chose, de se construire dans le sport, ou de trouver un équilibre avec les études », rappelle le secrétaire. Malgré les obstacles, la détermination du CHC reste inébranlable : « Ce voyage à Paris, c’est un symbole. On a connu des saisons compliquées, avec peu de moyens, beaucoup de sacrifices. Mais on n’a jamais lâché. »
Des salles de Combani aux tribunes de Créteil, le CHC entend bien faire entendre sa voix – sur le terrain comme en dehors. Une voix qui réclame du respect, du soutien, et surtout, sa juste place dans le paysage sportif français. Du rouge de Combani au bleu de Créteil, le club est prêt à faire vibrer les filets. Et les consciences.
Mathilde Hangard