C’est devant ses ex-collègues du palais du Luxembourg que l’ancien sénateur de Mayotte s’est exprimé. Il a tout d’abord commencé son propos en rappelant que les territoires d’Outre-mer étaient trop peu développés « alors qu’ils possèdent un potentiel considérable pour le rayonnement de la France et pour leur développement ».
Le ministre a été interrogé par les rapporteurs sur les 3 bassins dans lesquelles se situent les territoires d’Outre-mer français, à savoir l’océan Atlantique, l’océan Pacifique, et bien sûr l’océan Indien, où s’est tenu le récent sommet de chefs d’État de la Commission de l’océan Indien (COI) fin avril.
Insérer davantage les Outre-mer dans leur environnement régional et dans la diplomatie française
C’est la priorité du ministre, de son propre aveu, faire en sorte de développer davantage la coopération de nos territoires d’Outre-mer avec leurs pays voisins. « Les territoires d’Outre-mer ont des liens historiques et culturels, et pas seulement économiques, avec leur environnement régional. Il faut consolider ces liens », a-t-il déclaré. Pour le ministre de la Francophonie cela doit passer par une baisse des barrières qui entravent la circulation des biens et de services pour fluidifier ainsi les échanges. « Il faut augmenter les investissements privés notamment, accroître la solidarité et lutter contre la vie chère ».

Il est également revenu sur la nécessité, pour que ces territoires se développent, d’améliorer les connectivités aériennes et maritimes, tout en indiquant que l’objectif de la France était de mettre en place des ambassadeurs de coopération régionale dans les pays voisins ainsi que des représentants des collectivités territoriales. « Il nous faut plus de liens, de décisions communes et de coopération ». Ainsi en avril dernier une convention a été signée avec le Conseil départemental de Mayotte pour envoyer des agents départementaux dans les ambassades de la région de l’océan Indien.
En outre, le ministre de la Francophonie soutient un grand nombre d’initiatives à l’instar de la coopération régionale avec l’Afrique de l’Est et notamment le Kenya, pays avec lequel l’ADIM et la CCI du Kenya ont signé un accord il y a quelques mois. Idem pour le programme INTERREG Canal du Mozambique que Thani juge « utile pour cette zone ».
Ainsi le but de la France est d’impliquer les territoires d’Outre-mer dans la politique étrangère de notre pays et dans sa diplomatie afin de contrer l’influence grandissante de nations comme la Chine, dont la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio considère que « la présence de la Chine est un vrai sujet pour nos Outre-mer… ».
Les Outre-mer des territoires fragiles, convoités, en proie à de nombreuses difficultés et qu’il faut développer
Lutter contre l’insécurité, contre les trafics en tout genre, contre la pêche illégale, la criminalité, les crises migratoires, la pollution maritime, développer la santé, … autant de thématiques communes aux 3 bassins océaniques de nos Outre-mer. L’océan Indien, qui comme les autres régions ultrapériphériques est une zone hautement stratégique, avec notamment le canal du Mozambique, « où réside plus d’un million de nos ressortissants, où circulent 1/3 des bateaux transportant des hydrocarbures et où se concentre environ 50% du trafic maritime mondial… ».

Aussi en tant que Mahorais, Thani Mohamed Soilihi souhaite que Mayotte intègre la COI. « C’est une priorité pour moi…nous avons fait de nombreux efforts, nous avons réitéré ce souhait avec le président de la République lors du Sommet des chefs d’État de la COI à Madagascar en avril dernier. Mais la résistance des Comores est forte… Aussi, je privilégie le dialogue et me rendrai prochainement aux Comores afin de trouver une issue et travailler avec les autorités comoriennes pour éviter les départs et lutter contre l’immigration ».
Accroître les échanges entre Mayotte et Madagascar
Le ministre a insisté par ailleurs sur l’importance de renforcer nos liens et nos échanges avec la grande île, souvent qualifiée de « grenier », notamment en matière agricole et alimentaire. « Notre coopération avec Madagascar est très bonne mais nous devons encore la renforcer sur les plans économique et agricole ». Selon lui, les échanges bilatéraux avec Madagascar représentent près d’1 milliard d’euros par an. D’autres secteurs comme l’énergie, le numérique, les infrastructures, le tourisme sont également prioritaires. Le Gouvernement souhaite ainsi mieux intégrer Mayotte dans son environnement économique régional avec une stratégie commerciale. Ainsi, plusieurs accords ont été passés à l’occasion de la venue du chef de l’État, le 24 avril dernier, notamment dans l’accès à l’eau et à l’énergie avec la construction d’un barrage hydroélectrique.
Enfin, à l’issue de l’audition, la délégation sénatoriale aux Outre-mer a indiqué au ministre qu’elle se rendra la semaine prochaine à Bruxelles, devant la Commission européenne, afin de faire en sorte d’élargir les normes des régions ultrapériphériques de l’Europe, mais aussi pour tenter d’étendre la Charte sociale européenne* aux territoires d’Outre-mer.
* La Charte sociale européenne garantit les droits sociaux et économiques fondamentaux (droits de l’homme, emploi, logement, santé, éducation, protection sociale et services sociaux).
B.J.