Depuis plusieurs semaines, le Collectif CIDE fait entendre la voix des jeunes de Mayotte au plus haut niveau de l’État. En 2024, le 101ème département français a vu émerger une dynamique sans précédent mêlant recherche, plaidoyer, éducation et mobilisation citoyenne. Entre une thèse universitaire remarquée et des rencontres officielles à Paris pour de jeunes mahorais engagés, l’association trace une voie nouvelle pour la défense des droits de l’enfant.
Une jeunesse qui fait entendre ses préoccupations
En 2024, le 101e département français a vu émerger une dynamique mêlant recherche, plaidoyer, éducation et mobilisation citoyenne. Cette année, des jeunes mahorais engagés ont pris part à des rencontres marquantes à Paris et ont contribué à des débats sur des sujets cruciaux, comme l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS).

Pour la première fois, huit jeunes de Mayotte ont été reçus à l’Élysée lors des Débats jeunes 2024, un dispositif national de réflexion citoyenne coordonné par le Collectif CIDE. Yasna, Marina, Fatima et Nuruna, lauréats des collèges et lycées mahorais, ont porté leurs préconisations sur l’EVARS devant le conseiller Éducation nationale du Président de la République, Emmanuel Macron, et ancien Recteur de l’académie de Mayotte, Gilles Halbout.
Ils ont aussi rencontré des institutions majeures comme le ministère de la Santé, l’UNICEF France, le Sénat et bien d’autres. Ces échanges ont permis de mettre en lumière les difficultés spécifiques rencontrées par les jeunes à Mayotte, ainsi que des solutions locales pour prévenir les violences sexistes et sexuelles dès le plus jeune âge. Ce travail de plaidoyer est d’autant plus important à l’approche de la réforme des programmes scolaires intégrant l’EVARS. En mai 2025, la 3ème édition des Débats jeunes se tiendra au lycée de Pamandzi en Petite-Terre, et les finalistes auront l’opportunité de participer aux États généraux des droits de l’enfant au Sénat à Paris au mois de novembre 2025.
Un système judiciaire à repenser
Parallèlement à ces actions de terrain, le Collectif CIDE met en avant le travail de recherche d’un jeune docteur en psychologie et référent psychologue du collectif, Elie Letourneur. Sa thèse intitulée « Subjectivités face à l’État : représentations contemporaines de la justice à Mayotte » résume cinq années de recherche approfondie sur les représentations de la justice et la perception de l’État par les habitants de Mayotte, département français depuis 2011, mais toujours marqué par des tensions sociales et judiciaires.

L’étude révèle un système judiciaire perçu comme fragmenté et peu efficace, où la méfiance est généralisée, tant parmi la population que chez les professionnels de la justice. Les entretiens menés avec des magistrats, des policiers et des gendarmes soulignent des tensions internes et une fracture de confiance avec la population, poussant certains à recourir à la justice populaire.
En outre, la thèse aborde l’impact de l’histoire coloniale et des difficultés contemporaines de Mayotte, exacerbées par son isolement géographique. Ces facteurs, selon le chercheur, ont des répercussions profondes sur la psychologie des citoyens et des acteurs de la justice. Ces questions interrogent sur la manière d’adresser ces problématiques à une échelle nationale, tout en appelant à une réforme en profondeur du système judiciaire de Mayotte.
Mathilde Hangard