Ce jeudi 10 avril, le Conseil départemental devait impérativement rendre son avis sur le projet de loi programme, présenté aux élus le 20 mars dernier par le ministre des Outre-mer Manuel Valls, sous peine d’une acceptation tacite des 35 articles qui le compose. Et même si cet avis est uniquement consultatif, c’est-à-dire que le Gouvernement n’est pas tenu de le prendre en compte, la tension est montée à l’extérieur et dans l’hémicycle Younoussa Bamana, où les élus étaient rassemblés en assemblée plénière.
L’alignement des prestations sociales au cœur des revendications
Aux alentours de 9h30 ce sont d’abord les syndicats et l’association des femmes leaders qui ont fait entendre leurs voix.

« C’est la convergence sociale qui ne nous convient pas dans le projet de la loi-programme, celle-ci est prévue en 2031, alors que Manuel Valls nous l’avait promise pour 2025, et)-à » » »é elle n’est toujours pas là !
Le SMIC, les prestations sociales, la situation des retraités, les conventions collectives…, il faut un alignement immédiat, on court derrière la convergence depuis trop longtemps », lance Rakotondravélo Rivomalala, co-secrétaire du syndicat FSU-SNUipp, faisant référence au « document stratégique Mayotte 2025« , signé par Manuel Valls, le 13 juin 2015, lorsqu’il était premier ministre du Gouvernement Hollande.
L’objectif du document était d’accompagner le territoire, à l’aide de 324 mesures, vers une convergence sur les standards nationaux, dans de nombreux domaines, dont le social.
« L’alignement des salaires bruts est reporté à 2039, ce calendrier ne se justifie pas parce que même si l’Etat nous dit de remonter les taux de cotisations progressivement, la cotisation patronale de Mayotte est supérieure aux autres départements, on pourrait l’utiliser », ajoute Haoussi Boinahedja, secrétaire départemental de la CGT, qui voit en ce projet de loi une façon d’assigner le territoire en colonie. « On est pas considéré comme des français, Manuel Valls n’est plus crédible et on ne peut pas faire confiance à Emmanuel Macron car on a toujours pas d’aéroport », continue le secrétaire.
Des demandes de convergence sociale que soutient le président du Conseil départemental, Ben Issa Ousséni, qui a indiqué, dans l’avis rendu au Gouvernement, vouloir un alignement global des minimas sociaux dès 2026. « Par exemple pour aligner le RSA, qui concerne aujourd’hui 3.529 bénéficiaires, cela couterait moins de un million trois-cent-mille euros à l’Etat et selon nos estimations, l’alignement des minimas sociaux lui couterait moins de 5 millions d’euros par an. Les caisses de l’Etat ne sont pas florissantes mais il y a des solutions. La caisse de sécurité sociale de Mayotte est excédentaire, il faut qu’une partie de ces excédents soient redistribués et accompagnent cet alignement ». « Les Mahorais réclament du droit commun, il faut que l’Ircantec, le code du travail, le code de sécurité sociale ou le code de la santé soient mis en place à Mayotte », poursuit le président.
L’urgence d’une piste longue, plus importante que sa localisation ?
La question de la piste longue a elle aussi été au centre des échanges dans l’hémicycle, surtout lorsque, après avoir manifesté à l’extérieur, les membres du collectif des citoyens de Mayotte 2018 se sont introduits dans le bâtiment, munis de banderoles et de drapeaux français, à la fin de la séance plénière.

Pamandzi ou Bouyouni ? Le Conseil départemental, par le biais de son président Ben Issa Ousséni, joue la carte de l’apaisement entre les Mahorais, en insistant sur le fait que le plus important n’est pas le lieu mais bien la construction d’une piste longue en elle-même, « il faut que le Gouvernement arrête de diviser les Mahorais en nous proposant plusieurs sites. Il est impératif que Mayotte soit dotée d’une piste longue dans les meilleurs délais ». « C’est au Gouvernement de construire sa piste, moi je ne me prononce pas sur le lieux, mais je connais le frein au développement du territoire entrainé par la taille de la piste actuelle, il faut une solution », a ajouté le président.
De son côté Safina Soula et les membres du collectif ont fait savoir qu’une seule option était envisageable : le prolongement de la piste de l’aéroport Marcel-Henry. Après plusieurs minutes, où les revendications ont fusé depuis les hauteurs de l’hémicycle, Ben Issa Ousséni a annoncé la tenue d’une cession extraordinaire d’urgence pour statuer sur l’emplacement de la piste longue, mercredi 17 avril prochain, à 9 h 00. Avant de quitter les lieux Safina Soula s’est assurée que les membres de l’opposition départementale seront bien présents lors de ce rendez-vous.
Un appel aux parlementaires pour appuyer les demandes mahoraises

Autre point sensible dans le projet de loi programme, la question du titre de séjour territorialisé. « Au Conseil départemental notre réticence première envers le projet c’est sur la partie immigration. La demande mahoraise c’est la fin du titre de séjour territorialisé, et aucune disposition, aucune perspective démontre qu’on va supprimer ce titre de séjour. Il est important qu’il y ait de vrais engagements de la part du Gouvernement ».
Concernant l’article 20 du projet de loi programme, pointé du doigt pour être le camouflé de l’ancien article 10 de la loi urgence Mayotte relatif a l’expropriation, la demande de le supprimer totalement fait l’unanimité, que ce soit du côté des élus mais aussi des syndicats.

« Dès maintenant le travail parlementaire doit être entamé et j’appelle tous les chefs de groupes politiques ici à Mayotte de contacter leurs partenaires parisiens pour appuyer la démarche des Mahorais aujourd’hui car les vraies décisions se prennent à Paris, pas à Mayotte », a insiste Ben Issa Ousséni. « Quel que soit le texte qui sera voté au final, on devra l’appliquer à Mayotte, il engage le territoire est nous avons l’obligation de s’y conformer ».
« Nous n’avons pas donné un avis défavorable parce qu’une dynamique doit être mise en place pour reconstruire et refonder Mayotte », a précisé l’élu, interrogé sur le risque de se mettre le Gouvernement à dos et de ne pas avoir de projet du tout comme en 2022. « Pour autant nous n’avons pas donné non plus un avis favorable, car il y a beaucoup trop d’insuffisances. On espère que le Gouvernement ira le plus loin possible dans nos propositions ».
Victor Diwisch