Les pieds dans l’eau, bouteille par bouteille, les élèves prélèvent des échantillons de la rivière avant de les verser dans un tube en plastique muni de deux tamis, piégeant les sédiments et surtout les microplastiques. Pendant une dizaine de minutes, ce mercredi 26 mars au matin, près de 120 litres d’eau de la rivière Gouloué sont ainsi filtrés par une classe de 6ème du collège Ouvoimoja de Passamainty. Un échantillonnage qu’ils vont ensuite examiner à l’aide de microscopes pour dresser un bilan de la pollution de la rivière.

Un peu plus loin sur les berges du cours d’eau, un second groupe d’élèves de 4ème observe les pratiques des habitants qui utilisent l’eau pour se laver et nettoyer leurs vêtements pour mieux comprendre leurs habitudes et déterminer d’où proviennent les microplastiques. Ils observent également les habitations et les quartiers bordant le lit de la rivière, pour repérer les différentes catégories sociales.
De la rivière au lagon les microplastiques impactent tout l’écosystème
Cette étude qui relie les sciences humaines, la physique et la chimie s’inscrit dans le projet Plasma : « Pollution aux microplastiques du Lagon de Mayotte ». Débuté en 2022, financé par le Parc naturel marin de Mayotte et réalisé en collaboration avec une équipe de chercheurs en physique, chimie et sociologie, le projet permet à plusieurs établissements scolaires de participer aux études pour sensibiliser les jeunes sur cette problématique des microplastiques.

« A travers le projet on veut déterminer comment les microplastiques se dispersent dans le lagon, mais aussi comprendre les habitudes des habitants de Mayotte qui produisent ces microparticules », explique Cristèle Chevalier, directrice de recherche et océanographe physicienne à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), qui accompagne les élèves ce mercredi. « Ils peuvent venir des eaux usées, des pneus, des vêtements, de tout une multitude de choses ».
« Une fois dans le lagon les microplastiques sont ingérés par le zooplancton et de nombreux animaux marins consommateurs de plancton : mollusques, petits poissons, larves de poissons. Tous se font piéger par ce mélange de proies utiles et de microplastiques », note le Parc naturel marin de Mayotte sur son site internet. « Les conséquences peuvent être dramatiques pour l’ensemble des espèces. Ces perturbations sur la base du vivant peuvent avoir des répercussions catastrophiques comme la désoxygénation des océans », continue le Parc qui insiste sur le fait que les humains ne sont pas épargnés, « les microplastiques sont un réel problème de santé publique ».

« C’est important de faire ces recherches, mais à Mayotte rien ne change »
Pour les élèves, le projet Plasma leur permet de se renforcer dans les matières scientifiques et sociales, mais aussi de participer directement aux recherches sur cette problématique de la pollution aux microplastiques dont ils sont eux-mêmes confrontés au quotidien.
« Il y a trop de déchets à Mayotte, les bébés sont malades, les animaux meurent, il faut faire attention aux produits qu’on utilise. C’est important de protéger la nature », insiste Abdoul Fasul, 13 ans, qui vit à Passamainty et qui va avec sa mère laver ses habits dans la rivière.

Après l’échantillonnage sur le terrain, les élèves s’installent en salle de classe et, munis de microscope, commencent à observer les résidus prélevés. De petits bouts blancs se mélangent avec les sédiments, ce sont les microplastiques.
« C’est important de faire ces recherches, mais ça fait des années qu’on sensibilise à Mayotte et rien ne change », remarque Soifia, 13 ans, pessimiste. Néanmoins, la collégienne qui souhaite devenir enseignante compte bien attirer l’attention de ces futurs élèves sur cette problématique, comme elle le fait déjà auprès de ses parents et de ses proches.
De leur côté, le Parc naturel marin de Mayotte et le groupe de chercheurs vont se rendre dans les prochains jours au lycée des Lumières à Kawéni, au collège de Koungou et de Tsingoni, pour réaliser d’autres échantillonnages avec les élèves.

« On espère pouvoir ramener une petite délégation d’enfants de Mayotte, un ou deux par établissements, pour faire un plaidoyer lors de la Conférence des Nations Unies sur l’Océan 2025 (UNOC) qui se déroule à Nice en juin prochain », note Cristèle Chevalier.
Si le bilan global du projet Plasma est attendu dans deux ans, les chercheurs ont créé un parlement citoyen pour réfléchir à une meilleure gestion du cours d’eau sur le bassin versant de l’Ourouvéni et mettre en place dès à présent des solutions. Une deuxième séance est prévue le 2 avril prochain à Tsingoni.
Victor Diwisch