Aide humanitaire bloquée : le bras de fer entre la préfecture et Saïd Omar Oili se poursuit sans perspectives

À Mayotte, depuis le passage du dévastateur cyclone Chido, le 14 décembre 2024, plusieurs containers d’aide humanitaire sont toujours immobilisés au port de Longoni. En cause : des frais portuaires que les associations locales ne peuvent acquitter. Mercredi 19 mars 2025, lors de la séance des questions au Gouvernement du Sénat, le sénateur Saïd Omar Oili a interpellé l’exécutif sur cette situation, dénonçant un manque d’engagement de l’Etat pour faciliter l’acheminement de ces aides. Pourtant, deux semaines plus tôt, le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, lui avait déjà adressé une réponse détaillée et rejetait toute responsabilité de l’État dans ces blocages.  

Un débat déjà tranché en coulisse 

Hier soir, devant les sénateurs, Saïd Omar Oili n’a pas mâché ses mots. « Ces aides sont vitales pour la population. Nous parlons d’eau, de nourriture, de produits de première nécessité. Et pourtant, elles restent bloquées pour des raisons administratives et financières », a-t-il déclaré, appelant l’État à intervenir. La réponse du ministre chargé des Relations avec le Parlement, Patrick Mignola, n’a pas convaincu l’élu mahorais, qui a dénoncé une absence de mesures concrètes et un « manque de considération » de la détresse des habitants de l’archipel.  

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« L’État ne réquisitionne pas les containers au port. Réquisitionner reviendrait à perturber les flux logistiques des marchandises habituelles du port de Longoni. La réquisition n’est pas conçue pour supporter des frais financiers de transporteurs : c’est un outil juridique qui intervient dans un cadre précis et limité », avait déclaré le Préfet de Mayotte le 3 mars dernier.

Mais cette indignation publique soulève une question : pour quelles raisons le sénateur a-t-il interpellé le Gouvernement alors même qu’il disposait déjà d’éléments de réponse ? En effet, dans un courrier daté du 3 mars, le préfet de Mayotte lui avait signifié que l’État ne prévoyait ni de financer les frais portuaires, ni de réquisitionner les containers, considérant que ces opérations relevaient des associations et des acteurs privés. « Contrairement à ce qui est répandu localement, l’État ne procède à aucune réquisition sur le port de Longoni afin de ne pas perturber le flux logistique régulier », écrivait le préfet. François-Xavier Bieuville recommandait alors au sénateur de se tourner vers les transitaires et transporteurs pour débloquer la situation, tout en rappelant que le principe du don implique que l’expéditeur maîtrise l’acheminement et les coûts jusqu’à la destination finale des produits. Malgré ces réponses, le sénateur a choisi d’interpeller le Gouvernement, au sujet d’une situation non débloquée et particulièrement préoccupante selon lui, notamment en raison de la pénurie alimentaire et du manque d’eau en bouteille sur le 101ème département français, où les habitants subissent des coupures d’eau quotidiennes.

Des aides en attente, une île sous tension

Et alors que le débat politique s’enlise, la situation humanitaire s’aggrave. L’accès à l’eau potable est critique, les coupures d’eau sur le réseau de distribution sont quotidiennes et l’eau manque cruellement sur le département. Dans plusieurs quartiers, des habitants témoignent de leur difficulté à trouver de l’eau en bouteille. Les associations locales s’inquiètent de l’impact prolongé de cette crise sur la population. « Nous avons des containers pleins de dons qui pourraient soulager des centaines de familles, mais ils restent bloqués pour des raisons administratives. Cela n’a aucun sens », se désolait impuissant un membre de Solidarité Saint-Martin Moselle.

Une solution encore lointaine

Face aux critiques, la préfecture assure qu’un travail de concertation est en cours avec les acteurs portuaires afin d’accélérer la sortie des containers. Toutefois, aucune annonce concrète n’a été faite pour alléger les frais portuaires ou assouplir les réglementations en vigueur. Finalement, l’affaire des containers bloqués dépasse le simple cadre administratif. Elle met en lumière les fragilités logistiques de Mayotte, où l’absence d’infrastructures adaptées et de coordination efficace entre l’État, les collectivités locales et les acteurs privés entrave la gestion de l’urgence. Si le débat politique autour des aides humanitaires continue d’alimenter les tensions, une certitude demeure : à Mayotte, ce ne sont pas seulement les containers qui sont bloqués, mais aussi l’eau… et le dialogue. Si le bras de fer politique autour de l’aide humanitaire continue d’alimenter les tensions, une autre certitude demeure : à Mayotte, ce ne sont pas seulement les containers qui restent à l’arrêt, mais aussi l’élan solidaire… et le courage politique.

Mathilde Hangard

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