Depuis plusieurs semaines, l’île vit au rythme de coupures d’eau de plus de 24 heures, trois fois par semaine, et trouver des eaux embouteillées dans les commerces du département est devenu un véritable parcours du combattant. À l’approche de la saison sèche, le déficit pluviométrique et la montée des températures rendent la gestion des ressources en eau plus que jamais cruciale. Si la cellule Météo-France Mayotte souhaite rester prudente sur l’évolution de la situation pour les prochaines semaines, la population ressent déjà les effets d’une crise qui pourrait s’intensifier dans les mois à venir.
Une chaleur record et des températures toujours au-dessus des normales

Mayotte se réveille chaque jour sous un ciel de plus en plus lourd. Depuis 1961, la température moyenne sur l’île a augmenté de 0,3°C par décennie, un phénomène qui se confirme de manière préoccupante. L’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée, et 2025 semble suivre la même trajectoire. D’après la responsable de l’antenne de Météo-France à Mayotte, « 2024 a été l’année la plus chaude jamais observée depuis que nous avons commencé les suivis grâce à notre station de Pamandzi« , une tendance qui persiste depuis plusieurs mois. « Depuis novembre 2024 jusqu’au 1er mars 2025, les températures ont constamment dépassé les normales« , précise l’ingénieure. Si la chaleur se fait particulièrement ressentir pendant la journée, les nuits, elles aussi, deviennent de plus en plus chaudes, perturbant le sommeil de la population locale. À Mayotte, où les températures minimales varient peu, ce phénomène engendre une sensation de suffocation constante, rendant difficile le repos du corps. Ce phénomène loin d’être uniquement un sujet environnemental devient une véritable problématique de santé publique.
En effet, à l’échelle mondiale, les changements climatiques sont en marche. Depuis 1850, la température moyenne de la planète a augmenté de 1,1°C, et cet échauffement global a des répercussions locales à Mayotte comme sur d’autres territoires. Selon le 6ème rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les quatre dernières décennies ont été successivement les plus chaudes jamais enregistrées. Entre 2011 et 2020, la température moyenne mondiale a augmenté de +1,1°C par rapport à la période préindustrielle (1850-1900). Ce réchauffement est encore plus marqué sur les continents (+1,6°C), et il est attribué sans équivoque aux activités humaines. À Mayotte, cette tendance se confirme, avec une hausse de 0,21°C par décennie, soit +1,3°C entre 1961 et 2024. Ces températures extrêmes deviennent de plus en plus fréquentes, perturbant l’équilibre de l’écosystème et les conditions de vie des habitants.
Des ressources en eau menacées par un déficit pluviométrique sévère

Le climat de l’archipel devient de plus en plus capricieux. Par rapport aux normales, l’île souffre actuellement d’un déficit pluviométrique significatif de 17 %, un manque particulièrement marqué dans le Nord de l’île. Le passage du cyclone Chido, le 14 décembre 2024, a exacerbé cette fragilité en détruisant une large portion du couvert forestier, modifiant ainsi l’équilibre hydrologique de la région. « Même si à l’échelle du département, nous avons un déficit pluviométrique de 17 % par rapport aux normales, cela reste relativement gérable, car nous avons encore deux mois, mars et avril 2025, pour compenser ce déficit. Toutefois, dans le Nord, particulièrement autour de Bouyouni, l’absence de pluies est plus marquée, avec un déficit de 50 %. Nous surveillons particulièrement cette zone du territoire », indique la responsable de l’antenne de Météo-France à Mayotte.
Une saison sèche incertaine et un changement climatique qui s’aggrave
À Mayotte, les cumuls annuels de précipitations ont été extrêmement variables au fil des années, influencés par des phénomènes océaniques comme El Niño et La Niña, ainsi que par le dipôle de l’océan Indien. Mais une tendance inquiétante s’est profilée : entre 1961 et 2024, les pluies de la saison sèche, des mois de mai à octobre, ont diminué de 36 % sur les stations de Dzoumogné et Combani, situées à proximité des retenues collinaires. Ce phénomène pourrait aggraver les pénuries d’eau pendant les périodes de sécheresse.

D’ailleurs, les saisons sèches deviennent de plus en plus extrêmes, avec une perte de 60 % des pluies en saison sèche depuis les années 1960. D’après la responsable de Météo-France Mayotte, « les saisons sèches deviennent de plus en plus sèches, et depuis les années 1960, Mayotte a perdu 60 % de ses pluies en saison sèche. Ce phénomène est un marqueur clair du changement climatique. » Cependant, les équipes de Météo-France Mayotte souhaitent rester prudentes. « Cette année, nous devrions connaître une période légèrement plus humide de mars à mai, ce qui pourrait aider à atténuer les effets de la saison sèche« , indique Météo-France Mayotte. « Nous suivons de près cette évolution, car l’après-cyclone Chido reste incertain, notamment en ce qui concerne la réaction des cours d’eau, qui représentent 50 % de l’approvisionnement en eau potable pour Mayotte. »
Bien qu’un déficit hydrique soit déjà installé dans une partie de l’île, le bilan des pluies de fin mars permettra d’en savoir davantage dans les deux semaines à venir et d’alerter les autorités. « Il existe une inquiétude légitime, mais une vigilance est nécessaire pour cette année », conclut Météo-France Mayotte.
Mathilde Hangard