À Mayotte, la pénurie d’eau continue d’alimenter une crise persistante. Si sur le papier la situation semble s’améliorer à entendre le préfet qui tente de fluidifier la logistique, sur le terrain, la population fait face à de véritables difficultés, accentuées par la perspective de la saison sèche.
Une logistique renforcée mais des manques palpables
Depuis plusieurs semaines, la quête d’eau en bouteille est devenue une véritable épreuve pour les habitants de Mayotte. La situation, déjà précaire, semble d’autant plus inquiétante, à mesure que la saison sèche approche. Selon Floriane Ben Hassen, responsable de l’antenne de Météo France à Mayotte, « la situation est particulièrement préoccupante dans le Nord de l’île, qui fait face à un déficit pluviométrique plus marqué que le reste du territoire. Nous surveillons particulièrement cette zone du territoire. »

Dans ce contexte, et en anticipation du Ramadan, qui a débuté le 2 mars dernier, le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville, a déployé plusieurs mesures pour améliorer l’approvisionnement en eau embouteillée. Ce lundi 17 mars, il a annoncé un renforcement de la logistique, notamment l’augmentation des containers livrés par camions. « Nous avons doublé le nombre de containers sortant du port », a-t-il précisé, évoquant également des horaires de port plus conséquents pour permettre une circulation continue des livraisons, de 6h30 à 15h, pendant le mois sacré.
Pourtant, sur le terrain, les habitants témoignent d’une autre réalité. Samira, habitante de Cavani, raconte : « Samedi dernier, j’ai fait le tour de tous les supermarchés, je n’ai trouvé aucune goutte d’eau. » Elle explique que ce dimanche 16 mars, la situation a viré au chaos chez Carrefour : « C’était la foire d’empoigne à Jumbo, tout le monde s’est précipité sans aucun contrôle », dit-elle, choquée. La situation était explosive, chacun cherchant à remplir son caddie d’eau avant que les stocks ne disparaissent à nouveau. En plus des coupures d’eau régulières au robinet, les habitants de Mayotte se retrouvent privés d’eau embouteillée, une situation qui plonge la population dans une ambiance de plus en plus intenable.
Des solutions qui tardent à se concrétiser

Samira raconte qu’à plusieurs reprises, même lorsque des containers d’eau sont arrivés, les rayons restaient désespérément vides. « Les employés des magasins me disent que tout est pris pour l’armée et les services de l’État, mais pour nous, c’est l’horreur absolue », se désole-t-elle. Les tensions sont palpables, alimentées par des stocks d’eau insuffisants dans certains magasins, malgré le plafonnement des prix de l’eau à 7,40 euros pour les petites surfaces. « Dimanche matin, j’ai réussi à avoir quelques bouteilles d’eau, mais j’ai dû éviter les coups de poing », avoue-t-elle sidérée.
Cependant, d’après le représentant du 101ème département français, il n’y a pas de pénurie d’eau embouteillée sur le territoire. Selon lui, les stocks sont suffisants, et l’approvisionnement est même facilité par l’importation d’eau en provenance d’Europe, sans contraintes de modification d’étiquetage. « Il n’y a pas de pénurie, nous avons même autorisé l’importation d’eau en provenance d’autres pays d’Europe, sans modifications d’étiquetage, et les stocks sont garantis », a-t-il précisé.
Une crise de l’eau qui menace de s’intensifier
La crise actuelle se déroule dans un contexte particulièrement préoccupant : après Manuel Valls le mois dernier, qui avertissait d’une possible pénurie « comme en 2023 », le préfet avertit que Mayotte risque de vivre une nouvelle crise de l’eau à l’approche de la saison sèche. « Je suis à Paris pour préparer la crise de l’eau de 2025″, a déclaré François-Xavier Bieuville, qui indique que les mécanismes de gestion de la crise de 2023 pourraient être réactivés cette année.
Malgré les efforts logistiques déployés, la situation hydrique reste tendue. Rayons vides, files d’attente interminables et scènes de désordre se multiplient. À l’approche de la saison sèche, l’incertitude demeure quant à la gestion de l’eau et à la capacité des autorités à maîtriser la situation. Si l’État s’engage à fluidifier l’approvisionnement, la question persiste : pourquoi cette pénurie est-elle aussi flagrante ? Serait-ce un détournement des biens essentiels, une mauvaise priorisation des stocks ou encore un dysfonctionnement dans la distribution des ressources ?
Mathilde Hangard