Histoire de rappeler que le « y’a qu’à, faut qu’on », n’est pas la ligne éditoriale du JDM, nous avions rapporté les mises en garde de la Cour des Comptes sur « La prévention des risques naturels liés au climat en Outre-mer ». Cette fois, il s’agit de remettre en mémoire un rapport sorti l’année dernière, sur l’évaluation de l’efficacité des politiques de prévention et de gestion des risques inhérents aux Outre-mer, produit par la commission d’enquête sur la gestion des risques naturels majeurs dans les territoires d’Outre-mer de l’Assemblée nationale, présidée par l’ancien député mahorais, Mansour Kamardine. Et celui publié par la Délégation sénatoriale aux Outre-mer, présidée par Micheline Jacques.
Les risques, Mayotte les découvre en grandeur nature avec trois évènements récents : l’émergence du volcan sous-marin Fani Maore et ses nombreux séismes en 2018, et les cyclones dévastateurs Chido et Dikeledi.
Première spécificité transversale, les vulnérabilités sont accrues dans les Outre-mer « en lien avec des facteurs géographiques, environnementaux et socio-économiques », dont « la concentration des habitations et des activités essentielles sur les littoraux », ainsi que le mal-logement, et l’habitat informel, rappelle l’Assemblée nationale.
Toujours pas de radar météo
Le phénomène mondial de réchauffement climatique y joue également un facteur aggravant, puisque l’élévation du niveau de la mer, « particulièrement rapide dans l’océan Indien », fait peser sur les zones littorales des risques de submersion marine. Les premières recommandations portent ainsi sur l’accélération de mise en œuvre des outils prévus par la loi « Climat et résilience », et sur le conseil d’intégrer au projet de loi de finances (PLF) pour 2025 un dispositif financier dédié à la lutte contre l’érosion côtière.
La prévention passe par une amélioration des prévisions météo, le rapport incite donc à se doter de cartes de vigilances « vagues‑submersion » et « canicule » et des équipements d’observation de Météo‑France. A ce titre, le déploiement rapide d’un radar météo attendu depuis des années à Mayotte, est désormais incontournable. En raison d’atermoiements autour d’un minuscule terrain, nous sommes le seul département à ne pas en être pourvu !
De la même manière, nous avions vu que plusieurs territoires dont Mayotte, sont insuffisamment dotés de Plans de prévention des risques naturels (PPRN), il faut sensibiliser les communes à s’en doter, invitent les deux textes, notamment en les simplifiant et en les rendant accessible au public en ligne.
Le fonds majeur de la politique national est celui de la Prévention des risques naturels majeurs ou « Fonds Barnier », créé en 1995, reste sous-utilisé à Mayotte comme nous l’avons à plusieurs reprises souligné dans ces colonnes. « Le fonds Barnier doit mettre à disposition des territoires ultramarins des financements proportionnels aux enjeux », ainsi que de l’ingénierie face à la « complexité des montages financiers », souligne l’Assemblée. Ce point concerne particulièrement Mayotte, puisqu’il s’attarde que les zones où l’habitat informel est particulièrement exposé aux risques avec menace sur les vies humaines, « le fonds n’est pas mobilisé pour financer ces interventions urgentes ».
L’AFD à la rescousse du Fonds Barnier
La préconisation qui en découle est l’accompagnement indispensable des services de l’Etat et des collectivités, le rapporteur recommande de mobiliser « au moins 5 % des financements du fonds Barnier en Outre-mer à l’habitat informel contre moins de 1 % aujourd’hui ». La délégation sénatoriale aux OM préconise elle de « confier à l’Agence française de développement (AFD) le montage et la gestion de projets financés par le fonds Barnier », et non plus à la DEAL.
L’élément encourageant est l’augmentation des ressources allouées au Fonds Barnier en 2024, dont 20% a bénéficié aux Outre-mer. Reste à confirmer cela pour 2025. Par exemple, aux Antilles, le fonds Barnier a permis d’engager des opérations pour réduire la vulnérabilité du bâti public prioritaire dans le cadre des plans séismes Antilles 1 et 2. L’établissement public mis en place dans le cadre de la loi Urgence Mayotte débattue à l’Assemblée devra s’en inspirer.
Améliorer la « culture du risque »
Toujours au sujet de la question centrale du financement, qui fait défaut à l’actuel Plan Urgence Mayotte, une enveloppe « risques naturels » doit être prévue au Fonds exceptionnel d’investissement (FEI).
La « culture du risque » varie d’un territoire à l’autre, et on peut penser qu’à Mayotte, elle a récemment fait un bond gigantesque. A ce titre, il faut s’inspirer de projets menés dans d’autres Outre-mer, comme « Paré pas Paré » dans les écoles réunionnaises. Le Sénat préconise la rédaction de documents reprenant les principales recommandations en cas d’aléa soudain, en français et en langues étrangères, et la mise en place dans chaque territoire d’une « semaine des risques naturels ». Également, systématiser le recours à des exercices « grandeur nature » permettant, d’une part, une forte médiatisation et, d’autre part, une bonne acculturation de la population.
Autre point positif selon l’Assemblée nationale, la projection des moyens hexagonaux, en amont ou en aval d’un évènement naturel, qui semble « répondre de manière optimale aux exigences de crise » avec notamment le concours « indispensable et expérimenté » des forces armées à la gestion des événements naturels majeurs.
« Reconstruire en mieux »
Sur la reconstruction, le rapporteur de l’Assemblée invite à intégrer les impératifs du build back better, c’est‑à‑dire de reconstruire en mieux. Et les auditions menées soulignent « l’importance d’un suivi et d’un soutien aux territoires ultramarins touchés par un événement naturel aussi longtemps que nécessaire ».
De toute évidence, le gouvernement s’est inspiré, voire, suit à la lettre les préconisations données pour cette reconstruction : simplification des procédures pour permettre de reconstruire au plus vite, droit temporaire à la dérogation aux lois et règlements en vigueur dans certains domaines comme celui des marchés publics, transfert temporaire à l’État de certaines compétences dévolues aux départements, régions ou collectivités d’Outre-mer, en le conditionnant à la concertation avec les collectivités concernées, etc.
Enfin, pour répondre au faible taux d’assurés en multirisque habitation, « 6 % à Mayotte, 68 % à La Réunion, pour un taux hexagonal s’établissant à 97 % en 2017 », qui prive la quasi-totalité de la population de notre département de l’accès au régime d’indemnisation des catastrophes naturelles, dit régime Cat Nat, il est préconisé la mise en œuvre d’incitations fortes au recours à l’assurance, et ce, de manière concertée entre les pouvoirs publics, les assurances et les tiers intéressés. « Dans ce cadre, une attention particulière pourrait être portée à l’universalité de l’offre d’assurance, notamment pour qu’aucun bâtiment légalement construit ne soit ignoré par les assureurs, par exemple en raison de la méconnaissance ou de la fragilité des assurés potentiels. »
Pour mettre en place ces recommandations, le rapporteur préconise de reconstituer une délégation interministérielle aux risques naturels Outre-mer.
Les nombreuses mesures sont à réétudier que ce soit dans le rapport de l’Assemblée nationale ou de la Délégation sénatoriale aux Outre-mer.
A.P-L.