Le projet de loi Urgence pour Mayotte a été délibéré et adopté par le Conseil d’Etat dans sa séance du 22 décembre 2024. Comme l’avait annoncé le président de la République, il est essentiellement tourné vers la reconstruction du bâti de l’île après le passage destructeur de Chido.
Tout d’abord, c’est l’EPFAM qui sera aux commandes, puisqu’à travers l’établissement Public Foncier et d’Aménagement de Mayotte le gouvernement pourra légiférer par ordonnances pour coordonner les travaux de reconstruction de Mayotte. Les collectivités territoriales de l’île seront associées ainsi que et les représentants des acteurs économiques mahorais. L’EPFAM pourra assurer la maîtrise d’ouvrage ou en obtenir la délégation, coordonner l’action de différents maîtres d’ouvrages et se substituer à un maître d’ouvrage en cas de défaillance grave de celui-ci.
Parce qu’il faut agir vite en vue d’une reprise du calendrier scolaire, les dégâts sur les écoles, qui relèvent habituellement des mairies, seront confiées à l’Etat, qui assurera les travaux de construction, reconstruction, rénovation, etc. Avec consultation de la commune, qui se verra ensuite restituer l’établissement, sous réserve que les travaux soient terminés avant le 31 décembre 2027, précise le 2ème article.
Ensuite, les règles et procédures d’urbanisme et de construction seront « adaptées », pour ne pas dire très allégées. Les constructions destinées à l’hébergement d’urgence sont « dispensées de toute formalité » relevant du code de l’urbanisme, et sur une période longue puisqu’elle couvre les deux ans de la publication de cette loi d’urgence. A l’exclusion bien sûr des exigences de sécurité.
Des expropriations facilitées
De même, autorisation est désormais donnée à la reconstruction de tout bâtiment détruit partiellement ou totalement par le cyclone, sous réserve qu’il ait auparavant été construit légalement, donc avec un permis de construire. Un delta d’évolution de 5% du bâti est autorisé.
L’Etat pourra procéder à des expropriations dans l’objectif de réaliser des ouvrages publics, des opérations d’aménagement, d’équipements, de relogement, etc. Est notamment concernée dans cet article 10 l’extraction des matériaux de construction indispensables à la réalisation de ces opérations.
Le code de la commande publique est considérablement assoupli puisque la reconstruction ou à la réfection des équipements publics et des bâtiments de moins de 2 millions d’euros ne seront pas soumis à publicité, seulement à une mise en concurrence préalable. Une grosse perte de recettes pour les médias de l’île.
Les dons sont encouragés avec une réduction d’impôt déjà annoncée par le premier ministre de 75% s’ils portent sur des associations reconnues d’utilité publique qui dans le département, « fournissent gratuitement des repas ou des soins aux personnes en difficulté ou contribuent à favoriser leur logement ». Ces dons peuvent émaner des collectivités locales et peuvent être alloués à l’EPFAM.
Enfin, pour les entreprises, les créances envers la Direction des Finances publiques sont suspendues jusqu’au 31 mars 2025, ainsi que les obligations de paiement des cotisations et contributions restant dues à la date du 14 décembre 2024 ainsi que de celles dues aux organismes de recouvrement des cotisations sociales.
Des « suspensions » déjà annoncées et qui posent problème aux dirigeants d’entreprises dont certains ont tout perdu et aimeraient voir gommer les ardoises.
Comme nous l’avons déjà écrit, il serait souhaitable que l’État honore lui-même ses dettes envers les entreprises de l’île, un minimum qu’il ne devrait même pas être utile d’inscrire dans la loi tellement cela tombe sous le sens.
Comme son nom l’indique, ce projet de loi peut encore être amendé, et sera présenté en conseil des ministres, avant son adoption par le Parlement.
Consulter le Projet de loi Urgence pour Mayotte
Anne Perzo-Lafond