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Mamoudzou

Cyclone : Des femmes et des hommes de l’ombre, au service des plus démunis

Les établissements scolaires de l'île n'ont pas été épargnés par le cyclone, où des bénévoles sont venus en aide à des centaines de familles en détresse.

C’est l’histoire d’une équipe qui a tout misé sur l’addition de leurs forces pour les autres. Parmi eux, deux diététiciennes, trois infirmières, une ergothérapeute et un moniteur de plongée. Suite au passage du cyclone Chido, leurs habitations ont été sévèrement touchées par la tempête et comme partout, l’eau, l’électricité et le réseau ont été coupés. Mais en sortant de leurs maisons, ils constatent malgré leurs pertes matérielles, qu’ils font partie des sinistrés les plus privilégiés du cyclone.

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Les bénévoles ont rassemblé des produits d’hygiène et de premiers secours pour venir en aide aux familles

Dans les écoles de Cavani Sud 1 et 2, réquisitionnées en amont du cyclone, comme centres d’accueil et d’hébergement d’urgence, l’une des infirmières constate, dévastée, que les habitants sont livrés à eux-mêmes : « Rien n’était mis en place, tout était sale, les gens avaient faim », raconte-t-elle. Le même jour, le groupe décide de se rendre à la mairie de Mamoudzou pour être recensé « afin d’aider et d’être mobilisés pour venir en aide aux habitants suite aux dégâts du cyclone ». Le lendemain, leur rencontre avec le directeur du groupe scolaire va tout déclencher. En contactant d’autres de leurs amis, ils montent une équipe conséquente de bénévoles et partent à la recherche de denrées alimentaires et matérielles. « Ensemble, on fait des courses le matin et dès 14h, on a distribué de la nourriture et fait des soins aux familles qui en avaient besoin. »

« Certains n’avaient rien mangé depuis cinq jours » 

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Sur place, les bénévoles ont constaté que de nombreux enfants étaient en état de dénutrition

Ces bénévoles ont tout financé à leurs propres frais. « On n’a eu aucune aide des mairies, mis à part une distribution de compotes et quelques gâteaux », rapportent-ils tout en restant modestes. « Le premier soir, nous sommes rentrés le cœur brisé. Beaucoup de familles dans ces hébergements n’ont plus rien. Certains n’avaient rien mangé depuis cinq jours. » Une des diététiciennes raconte comment elle a troqué sa tenue de spécialiste de la nutrition contre une blouse d’infirmière. « Je m’improvise infirmière pour soigner les plaies des enfants. On a des enfants qui ont la gale, d’autres ont des staphylocoques dorées, d’autres sont en dénutrition importante. On se procure nous-mêmes le matériel et les médicaments. Un médecin se joint à nous pour les points de suture et soins plus spécifiques. » S’ils ignorent combien de personnes sont hébergées dans ces écoles, ils estiment avoir ciblé près de 200 enfants. Pour aider plus de sinistrés, ils profitent d’avoir quelques fois du réseau pour mettre en place une cagnotte, en faisant un appel aux dons à leurs proches, à La Réunion ou en métropole. « On arrive à avoir entre 100 euros et 200 euros par jour pour acheter de l’eau, du riz, des conserves, des serviettes hygiéniques, des couches, du savon, des brosses à dents, du lait infantile, des gâteaux. On a également commencé à mettre de côté des sacs de vêtements pour des dons car on reçoit de plus en plus de dons par nos familles et amis. »

« En gros on gère tout de A à Z »

Alors qu’ils continuent malgré tout de travailler, chaque jour, les bénévoles apportent des vivres à des centaines de familles. « On fait ça en plus de notre travail. On dort très peu. » En plus de ces écoles, certains se déplacent même directement dans certains quartiers défavorisés pour réaliser des soins. Mais les bénévoles ne se limitent pas à intervenir sur le terrain. Pour eux, l’enjeu est aussi de s’imposer comme intermédiaire pour négocier des aides avec les institutions, tout en palliant aux manquements des institutions le temps de cette phase d’urgence. « On a remonté les besoins de la population à la mairie de Mamoudzou dès les premiers jours mais on attend toujours les aides. Une agence de nettoyage devait passer pour désinfecter et nettoyer les sanitaires qui étaient dans un état pitoyable. Pour le moment ce sont des mamans qui l’ont fait avec de l’eau de Javel qu’elles ont apportée. Un de nos amis, Ali, a activé tous ses réseaux pour demander à la population de participer à des tâches, comme pour faire cuire du riz, nettoyer les locaux, apporter de l’eau. Des amis bénévoles ont aussi créé un système de récupération d’eau sur le toit et ils ont réparé des parties qui avaient été cassées par le cyclone. En gros, on gère tout de A à Z. »

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Bénévole dispensant des soins à un enfant

En dépit de leur grande détermination, « on ne s’arrêtera pas, on accompagne maintenant 300 enfants » comme ils le disent, la barrière de la langue, le manque de temps et de moyens, et une grande fatigue physique et mentale des bénévoles, eux-mêmes sinistrés du cyclone, se font ressentir. « On a aussi des difficultés à bouger un peu des gens qui sont à l’école de Cavani Sud 2,  notamment à l’étage au-dessus. Ils se plaignent d’être démunis et attendent qu’on viennent à eux mais on est obligés de rester en bas dans la cour pour les distributions alimentaires et du matériel d’hygiène pour des raisons de pratique et logistique », confient-ils. Malgré ces difficultés, les bénévoles mettent à profit leurs savoirs et leurs compétences pour aider de façon plus ciblée certaines personnes. C’est le cas d’une ergothérapeute, qui travaille avec un enfant en situation de handicap au sein du centre d’accueil pour continuer de développer sa mobilité et sa motricité malgré la situation de chaos qui règne sur l’île depuis le passage de Chido. « Il a un bon potentiel et la famille est extrêmement reconnaissante de l’aide apportée », explique une des bénévoles. En plus des distributions de vivres, les bénévoles réalisent des ateliers de danse, des groupes de parole et des petits ateliers à destination des enfants, pour leur redonner le sourire dans un contexte apocalyptique. « On se concentre sur ces deux écoles, car petit à petit on a crée des liens de confiance avec les enfants et un certain équilibre dans notre organisation. », admettent-ils.

Si nous ne les connaissions pas, leur travail de fourmi aurait sûrement été tu. Parfois ce sont les personnes que l’on imagine capables de rien qui font des choses que personne n’aurait pu imaginer. Adeline, Elisa, Lisa-Marie, Céline, Ali, Maheva, Marine, Guilhem, Félix et Julie, ont prouvé qu’il y a toujours du soleil derrière les nuages les plus pluvieux.

Mathilde Hangard

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