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Mamoudzou
lundi 27 janvier 2025

Chido : les centres d’hébergement d’urgence à bout de souffle

Faute de toit, les familles ont adopté celui sécurisant des centres d’hébergement au sein des établissements scolaires. Qui manquent de tout, eau, nourriture, et sécurité.

Au lycée des Lumières, construit au cœur du gros bidonville de Kawéni, désormais rasé, on survit dans une ambiance tendue.

Ils sont 8.000 à être hébergés dans les établissements scolaires, a-t-il été rapporté en Cellule interministérielle de crise (CIC). Parmi les centres d’hébergement d’urgence, le lycée des Lumières abrite de nombreuses familles. Toutes les salles de cours sont occupées. Un gardien de la ville de Mamoudzou est là, ainsi qu’un agent du CCAS de Mamoudzou : « Nous sommes ici depuis vendredi, c’est dur, nous n’avons pas d’eau à leur donner, ni de nourriture, il nous en faut absolument ». Ils seraient jusqu’à 1.500 la journée, mais impossible d’évaluer le nombre d’hébergés de nuit, « peut-être 2.000, tout le

Chido, hébergements, Mayotte
La citerne d’eau rapidement vidée au lycée des Lumières (Photo D.R.)

monde vient dormir ». Ce qui pose des problèmes selon lui, « on a besoin de sécurité car ça dort pas ici chez les jeunes, il y a des tentatives de vol jusqu’au petit matin », expliquent-il à Michael Carpin, un enseignant en BTS du lycée qui est venu aux nouvelles.

Le gardien de Mamoudzou explique être présent depuis vendredi alors que sa maison de Cavani a été touchée, « je n’ai pas pu rester avec ma famille, mais c’est le boulot et c’est de l’humanité ». Les sanitaires du lycée ne fonctionnent plus se plaint-il, « et il y a de l’insécurité ». Ils dorment tous les deux sur les tables du bureau quand ils le peuvent, et sans relève depuis vendredi soir. On comprend le message d’appel à la solidarité lancé par le maire de Mamoudzou pour soulager ses agents.

« Nous n’avons plus de nourriture ni de trousses de secours »

« On n’a rien à manger et à boire », rapporte un groupe d’enfants aux vêtements sales dans une salle de classe.

Aussitôt tombées, aussitôt récupérées (Photo : D.R.)

Plus loin, des adultes dévissent des tôles des toits effondrés de salles qui venaient d’être livrées un mois auparavant et ressortent en les portant sur la tête. Un ado témoigne, « ma maison elle est foutue, même les tôles sont volées, on est dans la galère ! » Selon lui, ses voisins n’ont pas cru à la force du cyclone, et ne sont pas partis s’abriter.

Une maman est là avec sa grande fille handicapée, « on n’a plus de maison, on sait pas où aller », dit-elle en concluant, « Dieu est grand ! » Un ordinateur aurait été volé, un homme acquiesce, « il n’y a pas de sécurité ici ».

Le proviseur adjoint est sur place, « on essaie de gérer les stocks alimentaires et d’eau pour les plus de 50 familles de 20 à 30 personnes que nous accueillons. On est obligé de prendre tout le monde, il y a des gens blessés, en pleur. Mais là, si la SMAE a apporté un peu d’eau ce matin, nous n’avons plus de denrées, et nous avons épuisé notre dernière trousse de secours. Le centre de secours n’a plus rien. »

Plus loin, à l’école primaire de Longoni, c’est le même constat : « Je surveille les familles, mais nous n’avons plus rien à leur donner à manger », nous explique cet agent du CCAS qui donne de son temps, alors qu’il a été victime de Chido « tout est détruit dans ma maison, je n’ai plus de vêtement ».

Une naissance Chido

Aminata Thienta rapporte un accouchement en plein cyclone (Photo: D.R.)

Au lycée polyvalent de Kawéni, 50 familles sont logées, la toiture a été abîmée au-dessus des bureaux, « le plafond risque de s’effondrer », indique Aminata Thienta, la proviseur. Elle reprend le fil des arrivées qui furent plus tardives que ne le conseillaient les autorités : « Je suis sur place depuis vendredi pour accueillir les familles, ils sont 215 personnes à être arrivés de 22h à minuit, puis le lendemain matin, 600 ». Après que les familles aient vu leurs cases s’envoler, elles se sont organisées : « Depuis deux jours, les mamans et les enfants restent sur place, et les hommes sortent dans la journée pour reconstruire leur banga. » Une bénévole de l’association Mlézi est sur place.

Et au plus fort du cyclone, une jeune fille de 15 ans a donné la vie ! « Elle ne pouvait plus bouger, et heureusement que la maire adjointe était infirmière auparavant. Nous sommes allés chercher une trousse de secours, un matelas, et la petite est née avant qu’elles soient emmenées toutes les deux à l’hôpital. On espère qu’elle va se prénommer Chido ! »

Sur place au LPO, pas d’eau pour nettoyer les suites de couche, « nous avons deux citernes mais vides », pas d’électricité, pas d’internet. Et pour communiquer… heureusement qu’il y a les réunions au rectorat, « c’était hier, on a tous branché nos portables, mais il ne me reste déjà plus que 7% ». Si Aminata Thienta reste encore sur place, c’est qu’elle mesure sa toute relative chance, « quand je rentre chez moi, j’ai un toit, pas eux ».

Les supermarchés commencent à être en rupture de stocks, et les paiements en espèces exigés empêchent beaucoup de se ravitailler, peu de gabier étant opérationnels. Se rajoute la pénurie de carburant.

La veille, le ministre de l’Intérieur annonçait un accroissement considérable des moyens, constatant que « l’île est totalement dévastée, c’est une désolation ». Environ 7 rotations aériennes quotidiennes vont permettre d’acheminer nourriture et eau. Un navire de la compagnie CMA CGM arrivera ce week-end à Mayotte avec 100 à 150 containers de nourriture et d’eau. Il transportera plusieurs éléments nécessaires aux réparations des dégâts et 5 modules militaires de 150 places chacun avec tentes et lits picots sont en cours de déploiement, toujours selon la CIC.

Anne Perzo-Lafond

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