Un phénomène d’une violence inouïe vient de toucher un territoire dépourvu de tout. Résultat, aucun mot n’arrive à qualifier ce qui ressemble au pire des cauchemars : catastrophe, calamité, dévastation, chaos, cataclysme…, tout à la fois semble qualifier ce que viennent de vivre les habitants de l’île.
Chido a redessiné la géographie de l’île, les cases en tôle et les arbres sont tombés, tout est rasé, le relief seul apparait donnant une impression de terre inhabitée si ce n’était les tôles à plat sur les anciens bidonvilles. Nous ne pouvons pas dire que nous ne savions pas, nombreuses étaient les mises en garde, mais face à la force de ce système, comment imaginer un tel désastre.
Pas plus tard que cette année, la Cour des Comptes avait émis un document, « La prévention des risques naturels liés au climat en outre-mer », avec leurs habituelles et entêtantes mises en garde : « La plupart des exercices réalisés en outre-mer ne comprennent pas de scénario extrême142 ou de cumul successif ou concomitant, de catastrophes aboutissant à un ‘surchoc’. Seule la direction interrégionale de Météo-France pour l’océan Indien travaille avec les services de l’État à La Réunion sur la caractérisation d’un épisode cyclonique extrême, en définissant un « scénario du pire » dérivé des épisodes récents (cyclones « Freddy » et « Batsirai »).(…) Bien que d’une importance capitale, les retours d’expérience revêtent parfois une dimension modeste, comme en Nouvelle-Calédonie ou à Mayotte. » « L’habitat précaire et anarchique » à Mayotte avait été pointé comme une vulnérabilité majeure.
Acheminer des centaines de bétonnière
Étant donné les dégâts sur les bâtiments en dur, l’heure viendra aussi de s’interroger sur la qualité du bâti. La Cour des Comptes toujours, précise que « des travaux ont été engagés par les services de l’État début 2021 pour apporter une réponse structurelle en inscrivant dans la réglementation des exigences pour la prévention para-cyclonique ». A supposer qu’elles aient été respectées, on comprend donc que les précédentes étaient plus vulnérables.
Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) avait procédé à une évaluation du risque cyclone à Mayotte en évaluant à des dizaines de milliers de morts.
Le bilan humain va être compliqué à dresser, entre les corps qui ont déjà été enterrés suivant la tradition de la religion musulmane, et la difficulté de contacter les habitants avec un réseau téléphonique détruit. Mais cette course au nombre de morts est-elle bien utile ? Quel curseur cherche-t-on à définir ? Quelle comparaison ? Alors que pour une grande partie des habitants, l’avenir ressemble à un long tunnel sombre.
L’insécurité est partout : à travers les pillages des maisons en ruine, alimentaire avec la destruction des ‘jardins mahorais’, bananiers, manguiers, jacquiers, manioc, sanitaire avec les difficultés pour acheminer l’eau potable et d’assainissement a indiqué le ministre de l’Intérieur. Avec le risque de maladies inhérentes, choléra, etc.
Il est compliqué alors que nous sommes sous le choc de tirer des premières conclusions, mais il en est une que nous offrent les autres départements ultramarins : le recul de l’habitat informel dans les territoires touchés à plusieurs reprises par les cyclones.
C’est l’option qu’il faut choisir dès maintenant, alors qu’il faut reloger des centaines de milliers d’habitants. Parmi les moyens logistiques, il faut acheminer des centaines de bétonnières et se retrousser les manches pour (re)construire. Il va falloir que les assurances accélèrent les prises en charge des assurés, quant aux autres, l’état dont le budget est à bout de souffle devra faire un geste.
Anne Perzo-Lafond