C’est la fin de longues années d’exceptions légales dans le domaine de la santé. Depuis plus de dix ans, les Agences régionales de santé (ARS) et les Caisses primaires d’assurance maladie, pouvaient soutenir financièrement des centres de santé présents dans des zones « sous-denses » en médecins, pour permettre leur installation ou pour veiller à leur maintien. Jusqu’ici, Mayotte faisait figure d’exception. Les structures médicales salariées du 101ème département ne bénéficiaient pas de ces contrats d’aide à l’attractivité, à la différence des autres structures médicales salariées du territoire national.
« On est arrivé à remonter une montagne », s’exclame Patrick Boutié, le directeur de l’offre de soins à l’ARS Mayotte. Alors qu’il n’existe pas de commission paritaire pour représenter le secteur de la santé salarié dans l’océan Indien, à la différence du secteur libéral, l’ARS Mayotte et la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte (CSSM) ont dû accorder leurs violons pour permettre aux structures de santé salariées de l’île de bénéficier des mêmes droits que celles implantées dans l’Hexagone. « Dans le secteur libéral, aucune exemption n’était faite, la Caisse de Sécurité Sociale de Mayotte aidait financièrement les confrères libéraux pour leur installation, mais cela n’avait pas été transposé pour les structures de salariés. Il y avait une exemption mahoraise au sujet du soutien financier de l’État pour ces structures que nous avons levé dans la loi de financement de la Sécurité sociale en 2024 », commente le représentant de l’offre de soins.
Onakia et Unono Wa Matso soufflent enfin
Sept arrêtés ont été pris par le directeur de l’ARS Mayotte, Sergio Albarello, pour la mise en place de « contrats de type régional » en faveur de l’aide ou du maintien de centres de santé dentaires, infirmiers, médicaux ou polyvalents. Conclus pour une durée de cinq ans, ces contrats entre les centres de santé, l’assurance maladie et l’ARS ont pour objectif de favoriser l’implantation de centres de santé dans des zones « très sous dotées », notamment en finançant du matériel, des charges diverses ou des locaux, au centre, et ainsi « limiter les contraintes financières pesant sur les centres de santé ». Conséquence immédiate à Mayotte : les centres de santé Onakia et Unono Wa Matso vont bénéficier de ce type de contrat conclu avec la CSSM pour permettre l’installation de nouveaux médecins, dentistes et infirmiers sur l’île mais aussi pour veiller à la pérennité de ces structures médicales. Par ailleurs, grâce à un contrat de solidarité territoriale, la CSSM prendra également à sa charge les frais de mission des praticiens engagés sur l’île pour une période courte. « C’est quelque chose de très intéressant, on est contents de pouvoir bénéficier des aides qui sont appliquées en métropole depuis plusieurs années. Ces derniers temps on avait réussi à faire venir des médecins mais c’est très coûteux », commente un représentant du centre de santé Onakia. Alors qu’aucun médecin généraliste n’était en poste au sein de la structure médicale, hormis des médecins ophtalmologistes venus pour des courtes périodes, deux médecins généralistes seront en poste au sein du centre Onakia dès le mois de janvier 2025.
La médecine générale pourrait gagner du terrain
Ce meilleur équilibre financier des structures médicales salariées vise à permettre aux centres de « se concentrer sur les recrutements de médecins ». En renforçant leurs effectifs, ces établissements contribueront au désengorgement de certains cabinets libéraux et du Centre hospitalier de Mayotte. À terme, cette évolution juridique permettra la création de futures structures de santé du territoire, par exemple pour la médecine générale, comme souhaité par l’ARS. En effet, Mayotte est le plus grand désert médical de France, où seuls 33 médecins généralistes sont en poste. À titre de comparaison, la densité moyenne des médecins généralistes en Guyane était de 123 pour 100.000 habitants et de 150 pour 100.000 habitants en Guadeloupe.
Si ces exceptions légales sont nombreuses dans le 101ème département, les acteurs de la santé préfèrent se réjouir de ces avancées, même si ces évolutions auraient pu être permises plus tôt.
Mathilde Hangard