Ce qui frappe dans « Ma parole d’élu de Mayotte », sous-titré, « Acta non verba » (des actes plutôt que des mots), c’est l’illustration de la couverture. A l’Assemblée nationale, on voit Mansour Kamardine brandir un document, mais on ne voit pas son visage caché sous un masque chirurgical. Le symbole d’une parole muselée ?, l’interrogeons-nous. Presque ! « Il fallait continuer à porter la parole pour défendre Mayotte en plein Covid, mais c’était compliqué de se rendre à Paris. Les vaccinations, les attestations, sans compter la maladie qui m’avait esquinté, avec un séjour à l’hôpital, les poumons touchés et la voix éteinte. Une crise sanitaire qui a compliqué notre travail d’élus ultramarins ».
Deux grandes parties à l’ouvrage. La première est consacrée à ceux que l’ancien élu a inspirés au cours de sa carrière. C’est le journaliste Thierry Watelet qui lui a consacré un ouvrage, « Mansour Kamardine, hussard noir de la République », retraçant le parcours du « petit pâtre en pagne » qui deviendra 20 ans plus tard le plus jeune maire de France, puis avocat, puis conseiller général et enfin député de Mayotte. C’est aussi Emmanuel Tusevo qui dans « L’enfant de Sada », rappelle ses origines familiales, par son père Daniel Kamardine, lieutenant de Marcel Henry pour le combat de Mayotte française, et son ancrage gaulliste en politique. C’est encore Abdelaziz Riziki Mohamed, avec « Mansour Kamardine, une vie au service de Mayotte ». Autant de références et de repères, « pour ceux qui ne me connaissent pas ».
On attaque les choses sérieuses dans la 2ème partie, qui évoque ses différents combats sous ses diverses casquettes : la francité de Mayotte, la départementalisation… « j’y donne ma philosophie, ma conviction ». Une façon de faire un retour dans le passé, et d’ancrer dans les mémoires les combats qui furent menés, et pourquoi pas, de donner une méthode pour ceux en cours ou à venir. Pour exemple, Mansour Kamardine cite celui de la réforme de la Sécurité sociale. Jusqu’en 2004, c’est la Caisse de Prévoyance Sociale de Mayotte qui assure le recouvrement des cotisations sociales, le versement des allocations familiales, etc.
« Vous devez servir et non vous servir ! »
« Un fonctionnaire du ministère de la Santé était dépêché sur place pour mener à Mayotte l’extension de la Sécurité sociale vers la CSSM. En réalité, il était opposé et produit alors une circulaire visant à prolonger la CPS. Le préfet Jean-Jacques Brot se met en colère contre cette décision, et nous sommes convoqués au ministère des Outre-mer en compagnie du président du Conseil de l’Ordre des médecins de Mayotte. Ce dernier n’ayant pas eu le droit de participer à la réunion, le préfet Brot qui n’avait pas la langue dans sa poche indique qu’il refuse également d’entrer dans la salle. Finalement la réunion se tient, au cours de laquelle le préfet Brot fait remarquer au fonctionnaire qu’il est un employé de la République, et qu’à ce titre, il doit servir et non se servir. J’arrive alors à imposer la mise en place d’une carte vitale numéro 2, car ils ne voulaient qu’implanter la basique, sans photo. Je les ai alertés sur les risques de fraude. Ils ont finalement accepté, mais ont mis 5 ans au lieu d’un pour la décliner. »
Idem dans son combat contre le déplafonnement des Allocations familiales qui ne prenaient pas en charge le 4ème enfant, « avec le préfet Brot, nous avons bataillé pour la faire sauter. Je suis notamment allé voir le président Chirac qui demande qu’on lui fasse une note. Il lui est remonté un coût de 25 millions de francs. J’apprends de source sûre qu’il est en réalité de 1,5 million d’euro en reprochant ouvertement à l’auteur de la note de manquer de loyauté. Une mission envoyée par le président de la République confirmera ce montant, la mesure était mise en place 3 ans après. »
Des avancées facilitées voire rendues possibles par une proximité de l’élu avec le représentant de l’Etat à Mayotte de l’époque, souligne-t-il.
Anne Perzo-Lafond