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dimanche 12 janvier 2025

Chute du gouvernement : et les Outre-mer dans tout ça ?

Entre les fervents défenseurs de la « stabilité des institutions » s’élevant contre le « plongeon dans l’inconnu » et les partisans de la chute d’un gouvernement qu’ils jugent illégitime, les élus ultramarins sont partagés sur l’opportunité pour les Outre-mer de tirer leur épingle du jeu. Comme pour les économies budgétaires à faire, chacun rejette la responsabilité sur l’autre.

Suite au coup de butoir de l’éviction du gouvernement Barnier par les LFI, RN et les socialistes, chacun évalue les dégâts en fonction de ses convictions. Une certitude commune : la difficulté pour le futur Premier ministre quand il aura été nommé, de présenter un budget avant le 31 décembre 2024, le sortant Michel Barnier ayant déjà suffisamment tempêté sur le manque de temps pour négocier le budget avec l’ensemble des partis politiques.

Sur la suite, le peu d’expérience d’une chute d’un gouvernement à la suite d’une motion de censure débouche sur plusieurs hypothèses. Elles vont d’un projet de loi spéciale devant l’Assemblée nationale pour permettre au pays de continuer à fonctionner en se basant sur le budget 2024, à la poursuite de l’examen du Projet de loi de Finances 2025, qui n’a pas été mis en cause puisque pas encore soumis au vote, voire la poursuite du parcours législatif du projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2025 dans sa version issue de la Commission mixte paritaire (7 députés et 7 sénateurs).

De cette chute très politique du gouvernement, quelles conséquences pour les Outre-mer ? A l’image de la nation, deux camps s’opposent.

Fervente défenseuse de la « stabilité des institutions nationales », la présidente LR de la délégation Outre-mer au Sénat, Micheline Jacques, a co-signé une tribune avec les sénatrices et sénateurs Marie-Do Aeschlimann, Lana Tetuanui et Georges Naturel, ainsi que les députés Stéphane Lenormand et Nicolas Metzdorf. « La crise politique que nous traversons n’ayant jamais existé sous la Vème République, nous sommes sur le point de plonger dans l’inconnu », soulignent-ils.

Ironie sur l’annulation de la fiscalité sur les hauts revenus par les LFI

De toutes les crises qu’il a traversées, celle-ci résonne comme la plus tempétueuse pour Emmanuel Macron

Ils alertent sur les conséquences pour les Outre-mer d’une France affaiblie, en raison de leur forte dépendance, « les transferts publics représentent entre 25 et 37 % de leur PIB ». Et alors que le taux de l’emprunt public français à dix ans vient déjà de grimper de 2,86 % à 2,92 %, ces parlementaires voient d’un mauvais œil la hausse des intérêts d’emprunt, qui « se traduira inévitablement par une réduction des marges de manœuvre budgétaires », donc pour les Outre-mer. « Rappelons, d’ailleurs, que la dernière grande crise financière et budgétaire de 2008 avait été suivie des grandes grèves de 2009 ».

Chacun alimente le débat politique des conséquences de ce gel des décisions gouvernementales sous le prisme de ses idéologies politiques. Pour la sénatrice LR de Saint-Barthélemy, le rejet du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) par la motion de LFI, aboutit paradoxalement au maintien du niveau des exonérations patronales, « Si la situation n’était pas aussi grave, on pourrait sourire de l’ironie d’une motion de censure issue de la gauche qui annule la fiscalité sur les plus hauts revenus mais rendra imposables des foyers non-imposés (jusque-là, ndlr) dans les Outre-mer ».

Pas d’accord sur les prix pour la Martinique, ou de versement de la subvention de 500 millions d’euros pour la Nouvelle-Calédonie, selon eux.

Cette dépendance à la métropole pourrait être réduite, plaident-ils, en révisant l’obligation pour ces régions ultrapériphériques (RUP) d’importer des produits aux normes européennes au lieu de s’approvisionner dans leurs bassins régionaux. Un débat au cœur de la Délégation Outre-mer du Sénat qui enchaine les auditions sur ce sujet appelant justement  « le législateur à statuer ». Mais pour cela, il faut « des institutions stables ».

Une situation liée au vol des législatives

Victorin Lurel, Michel Barnier, Micheline Jacques, Sénat, Outre-mer,
Derrière Victorin Lurel, François Hollande à Mayotte en 2012, qui a voté la motion de censure

Prenant le contrepied de cette théorie, Victorin Lurel, sénateur PS de Guadeloupe, estime au contraire la censure comme « salvatrice ». Il décortique l’anatomie d’une chute, celle d’un vote volé des dernières législatives : « Dans un déni total des résultats électoraux, Emmanuel Macron a fait le choix de la continuité dans la radicalité : un Gouvernement qui n’avait pour seul objectif que de préserver le bilan et toutes les mauvaisetés infligées par la Macronie depuis 7 ans ». S’il y a instabilité politique, c’est la faute « du président de la République » pour s’être « allié à une droite conservatrice » et mis « sous la tutelle de l’extrême droite », tout en « violant les fondamentaux du barrage républicain » qui l’a fait élire.

Il accuse le gouvernement de ne pas avoir cherché la conciliation sur les Projets de loi de Finances de la Sécurité sociale ou sur le budget, et en tant que membre de la Commission des finances, Victorin Lurel affirme que « le rejet du budget ne provoquera aucunement une hausse des impôts pour les Français », en raison de l’adoption du projet de loi spéciale que nous avons évoqué. Une réponse à Michel Barnier qui avait déploré l’abandon de la réindexation du barème des tranches d’impôt sur l’inflation, assurant que « près de 18 millions de Français verront leur impôt sur le revenu augmenter ».

Le sénateur guadeloupéen est l’un des premiers élus ultramarins à se réjouir du rejet du budget des Outre-mer, « une excellente nouvelle » qui sera, grâce à la loi spéciale à venir, « le même que celui de 2024 et non celui prévu par le Gouvernement », qui prévoyait une baisse des crédits de 37% de la Mission outre-mer. Mais celle-ci ne représente que 11% des crédits destinés à l’Outre-mer comme nous l’avions expliqué dans un article sur la colère des élus ultramarins.

Il n’appelle pas Emmanuel Macron à la démission, mais à « faire le bon choix », celui d’un gouvernement composé de « l’ensemble des forces républicaines », et prêt à négocier des accords « texte par texte ».

Anne Perzo-Lafond

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