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Carobole : l’opération exemplaire que tout le monde nous envie

Ne vous attendez pas à voir ce quartier de Koungou sortir de terre dès demain, mais l’étape de son aménagement qui est en cours, c’est déjà un record annoncent les professionnels qui parlent d’une « opération exemplaire ».

En apprenant que ce lundi les pelleteuses étaient en action à proximité, la mairie de Koungou a cherché à reporter la cérémonie du premier coup de pelle de l’aménagement des 5 hectares de Carobole. « Mais la préfecture nous a dit au contraire, que ça permettait d’illustrer l’après démolition », nous glisse un agent de la commune.

En guest star donc, la tractopelle devant laquelle tout le monde voulait poser ! Et avec raison, car le démarrage de l’opération deux ans après la démolition des cases en tôle qui défiguraient la côte qui monte à la mairie, c’est un exploit collectif à la manière d’une équipe de rugby, nous annonçait-on. « Une spécialiste de ce genre d’opération dans l’océan Indien m’a demandé comment on avait fait », se réjouit Vanille Guichard, Directrice aménagement et renouvellement urbain à la mairie de Koungou.

Les premières esquisses…

La concession d’aménagement a été signée en juin 2023, « ensuite, les études qui ont suivi ont été menées en un temps record, celle de maîtrise d’œuvre, les autorisations environnementales qui sont contraignantes car préalables au démarrage des travaux, et le groupement SIM-Colas qui a fait les études d’aménagement du site ». Le projet est donc sur la phase d’aménagement, « qui nécessite un investissement de 22 millions d’euros », nous rapporte Ahmed Ali Mondroha, Directeur général de la Société Immobilière de Mayotte (SIM), auxquels il faudra rajouter environ 100 millions d’euros pour la construction de logements. Qui souligne lui aussi la performance : « En termes de délais de procédure, on a battu tous les records, en moins d’un an ! C’est parce que tous les acteurs ont joué le jeu. Des collègues qui sont au Antilles s’y intéressent et me demandent comment nous avons fait ! » C’est donc possible de travailler efficacement à Mayotte.

Le programme comprend 421 logements, 2.000m2 de surfaces commerciales et de services, une école, le siège de la Police municipale, des espaces publics, des jardins… Le profilé de la voirie Carobole est dessiné, qui prendra sur le côté sud du terrain, et débouchera au nord vers le collège et la Station d’épuration. La 2ème tranche de travaux permettra de terrasser les lots et les accotements. Les services de l’État doivent valider les profils des carrefours.

« Le décasage, c’est toujours un traumatisme pour les enfants »

Les permis de construire seront déposés l’année prochaine, et Ahmed Ali Mondroha livrait lors de son discours la chronologie de ce qu’il nommait « un projet visionnaire » : « Les études urbaines sont menées jusqu’en avril 2025, les tranches de voiries et réseaux seront terminées en juin 2026. La livraison de la totalité du programme est prévue pour le 2ème trimestre 2027 ». Une réussite de coordination insiste-t-il, et c’est bien en raison du portage politique de la ville de Koungou, de l’Etat financeur, de la Colas « pour l’expertise », et des équipes de maîtrise d’œuvre « pour leur rigueur et leur créativité ».

Le (ra)conteur Fardi au milieu des élèves de Koungou Baobab

Le gros « plus » social, c’est le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement qui l’apporte dans le cadre d’une action décidée en concertation, ainsi que l’expliquait son président Dominique Tessier : « Nous travaillons avec quatre écoles sur deux axes. D’une part, sur le décasage en lui-même car c’est toujours un traumatisme et en grandissant, il y a un besoin de compréhension et d’explications, et sur la notion ‘de bas en haut’, nous leur expliquons comment la transformation d’un lieu part du sol pour s’élever. » Comme mémoire de tout cela, les élèves travaillent sur un petit édifice ou un ouvrage témoin de cette réflexion, qui sera partie prenante de l’aménagement du nouveau quartier. Ils visiteront également régulièrement le chantier en cours.

Une opération idéalement tombée ce lundi pour le préfet François-Xavier Bieuville, « on détruit, mais on reconstruit derrière ». Sur les panneaux agrémentant les lieux, des citations d’habitants, « je croyais pas qu’on allait démolir Carobole », puis « je croyais pas qu’on allait reconstruire Carobole », témoin du doute persistant au sein de la population, qui s’amenuise au fur et à mesure que les lieux sont investis par les coups de pelles comme ce lundi.

En contrebas, l’espace social qui s’apparente à une maison de projets, où les anciens résidents doivent aller postuler pour réserver un logement sur site, explique Vanille Guichard : « Il connait un succès grandissant, les habitants sont nombreux lors des permanences le vendredi matin, les gens font une queue pas possible, comme à l’hôpital ! »

La cérémonie s’est terminée sur un spectacle donné par les enfants de l’école Baobab managés par ce qu’on pourrait appeler un (ra)conteur social, Fardi (Nimbe animation) qui refaisait l’histoire de Carobole, « qu’on appelait le quartier de la honte », pour y entasser les habitants, « qu’on avait fait venir ici pour payer des loyers », et dépeignait des habitants sous influence d’un propriétaire bailleur de terrain les incitant à une posture misérabiliste envers un Etat protecteur. Insolite, et le signe que la parole sort, et ça aussi, c’est exemplaire.

Anne Perzo-Lafond

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