« Je suis physiquement et psychologiquement atteinte par la situation que me fait vivre la justice depuis 2020 ! », a lancé madame L., une habitante de Koungou sur les réseaux sociaux il y a quelques jours, en identifiant le ministère de la justice, le préfet, ainsi que les principaux médias de l’île. Le cri de détresse d’une mère dont la fille, âgée de 13 ans au moment des faits, a subi une grave agression en 2020 et qui n’arrive pas à mettre ce crime derrière elle du fait des lenteurs de la justice. En effet, si le procès jugé à la cour d’assises en novembre 2023, a condamné l’agresseur à 17 ans de prison, la victime, âgée de 18 aujourd’hui, devait toucher 25.000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi. Or, près d’un an après les faits, elle n’a toujours pas reçu les documents nécessaires pour les toucher et enfin pouvoir se reconstruire.
Ces documents, ce sont principalement les copies des jugements pénal et civil qui, normalement, auraient dû lui être envoyées depuis longtemps. Si l’on comprend que le manque de personnel au tribunal de Mamoudzou puisse nuire à son bon fonctionnement, madame L. dénonce également un manque total de civilité et de compétences de la part des agents d’accueil. « Cela fait un an que ma fille et moi enchaînons les allées et venues au tribunal sans pouvoir avoir le moindre renseignement concernant ces documents manquants », s’exaspère-t-elle. « Les agents se renvoient la balle et se permettent même de nous crier dessus ! La dernière fois que ma fille est allée au tribunal, elle est revenue en larmes alors que c’est elle la victime ! », ajoute-elle avec désespoir.
Un frein à la reconstruction des victimes
« Ma fille comptait utiliser cet argent pour pouvoir suivre les cours d’une école privée. A présent, elle est prête à tout laisser tomber car cette lenteur l’oblige à repenser encore et encore à ce qui lui est arrivé », explique madame L.. Si l’argent des dommages et intérêts ne peut effacer un préjudice, il peut toutefois aider les victimes à reconstruire leur vie et à « aller de l’avant ». Même si le procès ne s’est déroulé « que » 3 ans après les faits, ce qui est relativement rapide par rapport à d’autres affaires du même ordre, c’est dans le domaine administratif que les choses pèchent. Or la jeune femme de 18 ans espérait pouvoir tourner définitivement la page une fois le procès terminé.
D’autant plus que ce dysfonctionnement n’est pas le seul auquel la mère et la fille ont eu à faire face au cours de leur « épopée judiciaire ». N’ayant pas été informées qu’on leur avait attribué un avocat commis d’office, madame L. en avait recruté un grâce à l’aide juridictionnelle. « Je ne dirai pas son nom, mais c’était un incompétent. Il ne nous informait pas des avancées de notre dossier, si bien qu’on a appris la date du procès par la convocation écrite, deux semaines seulement avant son déroulé, sans avoir été préparées ! », raconte la mère éplorée. « Comme notre avocat a appris que je m’étais renseignée sur la possibilité de donner notre dossier à l’un de ses confrères, il nous a lâchées une semaine avant le procès ! Nous nous sommes donc retrouvées toutes seules, ma fille et moi, le jour du procès sans rien connaître au fonctionnement de la justice ! », poursuit-elle.
Bien heureusement, malgré l’absence d’avocat, la cour d’assises a donné gain de cause à la victime : l’agresseur a été condamné à 17 ans de prison et les juges ont estimé à 25.000 euros le montant des dommages et intérêts. Quand pourra-t-elle enfin les toucher, dans la mesure où le tribunal ne lui a toujours pas envoyé les documents nécessaires ? Madame L. et sa fille aimeraient bien enfin le savoir afin d’avoir le véritable sentiment que « justice a été rendue ».
N.G