Doit-on dire simplifier ou plutôt augmenter ? Tout ceci n’est pas clair. Pour comprendre la lettre du sénateur Saïd Omar Oili, il faut d’abord revenir au contexte de rédaction du décret 2024-799 mentionné, du 2 juillet 2024 pris pour l’application du titre VII de la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024 « pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, relatif à la simplification des règles du contentieux. »
L’adoption de la loi immigration avait fait mal
Quand il y a urgence, il faut parfois savoir ne pas se presser. Dans la soirée du mardi 19 décembre 2023, le projet de loi « Immigration et Intégration » porté par l’ancien ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, avait été adopté par le Parlement. 349 députés avaient voté en faveur du texte et 186 contre. Ce texte « durcit » du projet de loi initial avait ouvert une crise politique sans précédent au sein de la majorité. Rédigé urgemment par les députés et sénateurs réunis au sein d’une commission mixte paritaire (CMP), le texte avait été écrit dans un contexte politique particulièrement tendu. Initialement, alors que le décret mentionnait un délai de dix-huit mois au gouvernement pour adapter ces nouvelles dispositions au territoire de Mayotte, la clause avait finalement été supprimée, laissant ainsi le département dans un certain vide juridique. Mais l’élaboration de la loi immigration aurait-t-elle fait l’impasse sur les spécificités de Mayotte ? C’est ce que demande Saïd Omar Oili au ministre de l’Intérieur, lorsqu’il l’interroge sur l’exclusion de Mayotte des simplifications procédurales permises dans l’Hexagone au sujet des reconduites à la frontière, dont ne profite pas Mayotte : « Il m’a été donné de constater que les mesures de simplification prévues par ce décret ne s’appliquent pas à Mayotte, malgré les enjeux cruciaux auxquels ce territoire est confronté en matière d’immigration. », écrit le sénateur.
Les mesures de simplification visent à augmenter les reconduites à la frontière
Inutile de tourner autour du pot. Dans sa lettre, lorsqu’il défend la charge de travail colossale imputée aux juges du tribunal administratif de Mayotte, Saïd Omar Oili plaide « pour la prise en compte des réalités locales », c’est-à-dire intégrer Mayotte dans la procédure de simplification de ces procédures de reconduites à la frontière pour accélérer et simplifier les reconduites. « En effet, la moyenne des dossiers du contentieux des étrangers jugés sur les trois dernières années par le Tribunal administratif de Mayotte est de 4.518 affaires pour un délai de jugement moyen de 2 mois et 82 jours. », déclare-t-il.
À titre de comparaison, dans l’Hexagone, en moyenne, 5.000 personnes sont reconduites dans leur pays d’origine (ressortissants hors UE). À Mayotte, d’après les données du ministère de l’Intérieur, près de 25.000 reconduites à la frontière sont réalisées chaque année. « Les chiffres parlent d’eux-mêmes : on recense en moyenne ces dernières années près de 25.000 reconduites à la frontière par an à Mayotte, et depuis vingt ans, ce chiffre avoisine les 400.000 expulsions selon les sources de la DGEF », expose le sénateur. D’après les informations dont nous disposons, aucun autre territoire ultramarin ne s’est à ce stade manifesté sur le sujet.
La réponse du gouvernement pourrait coûter cher
Pour Saïd Omar Oili, l’objectif de cette lettre est clair. Le sénateur attend une réponse claire du ministre de l’Intérieur, pour comprendre pour quelles raisons et sur quels fondements juridiques, Mayotte aurait été écartée du système de simplification hexagonal permettant de reconduire plus massivement et plus facilement des étrangers en situation irrégulière du territoire français, présent sur le département mahorais. Aussi, le sénateur estime que les considérations ultramarines auraient pu être trop rapidement survolées lors de la rédaction de la loi en décembre dernier, et qu’un nouveau texte pourrait clarifier ce sujet, afin d’accélérer et faciliter les reconduites à la frontière, tel qu’exprimé par le sénateur.
Cependant, on imagine mal en quoi ces reconduites qui pourraient s’accélérer et être facilitées grâce à ces « simplifications », règleraient la question de la pression migratoire sur le département, si ce n’est en allégeant la charge de travail du tribunal administratif, tout en maintenant un cercle migratoire constant, certainement plus tourbillonnant. Difficile alors mais pas impossible, d’avoir des réponses à des questions qui ne se sont pas bien posées ou que l’on n’a pas voulu se poser quelques mois plus tôt. À suivre…
Mathilde Hangard