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Environnement – Quand la COP 16 résonne jusqu’à Mayotte : « Arrêtons de jouer du pipeau ! »

Du concret. A la prise de conscience des premières COP a succédé les plans d’actions de protection de la biodiversité, mais pas toujours déclinés, en tout cas à Mayotte. Si Michel Charpentier note des avancées, il déplore un manque d’actions et émet plusieurs propositions.

De par le monde, les prises de parole vont dans le même sens : après les grands engagements de préservation de la biodiversité, la COP 16 qui vient de s’ouvrir en Colombie doit sonner l’heure des concrétisations. Cette Conférence des Parties (Conference Of the Parties, COP), Jane Goodall, célèbre scientifique britannique défenseuse de la biodiversité, la voit comme une opportunité de mener des actions, « Retroussez vos manches et agissez localement », lance-t-elle dans La Tribune.

Comme en écho, Michel Charpentier, président et initiateur de l’association Les Naturalistes, invite également à agir, « arrêtons de temporiser ! ». Il justifie sa position par l’engagement de la précédente COP de 2022 de protéger 30% des territoires terrestres et marins, suivi par la promesse de l’Europe de mettre 10% des espaces terrestres et marins en protection forte. « Si on décide de regarder ce qui a été fait dans chaque région, on voit à Mayotte que des Réserves naturelles nationales sur la forêt ou l’îlot M’bouzi ont été mises en place, que les plages de ponte du Sud et de Moya sont également préservées, mais que plusieurs zones font l’objet d’une simple protection par le Parc Naturel Marin, le Conservatoire du Littoral ou les Espaces naturels sensibles du Conseil départemental, pourtant à Mayotte, c’est hyper fragile. »

Alors que la COP 16 était lancée, ce mardi, une réunion se tenait à Mayotte entre la Direction de l’Agriculture, de l’alimentation et de la Forêt (DAAF) et le préfet sur le thème des forêts de l’île. « Un bureau d’études nous a livré un bon diagnostic, mais on nous ressort ensuite les fiches action habituelles, ce qui m’a fait sortir de mes gonds, il faut arrêter de jouer du pipeau ! », lance-t-il. Il demande que des moyens en personnel soient mis à la hauteur des enjeux.

Un vivier de surveillants potentiels

Mobiliser une partie des sans-emplois et les technologies modernes pour améliorer la surveillance, deux des pistes de Michel Charpentier

Le JDM a constamment pointé le déficit de gardes pour appliquer la législation en matière d’environnement, que ce soit sur les feux de forêt, sur le lavage en rivière, le dépôt de déchets volumineux, etc. Et le président des Naturalistes a des idées : « Je sais que, étant donné l’ampleur de la tâche, l’Office national des forêts ne peut avoir une multitude d’agents à disposition, mais étant donné le taux de chômage qui avoisine les 40% ce qui maintient des jeunes en errance, pourquoi on ne met pas le paquet sur les Volontaires Services civiques ou les Parcours Emploi Compétences, les PEC, qu’on encadrerait par l’ONF ou le Conseil départemental ? C’est ce qu’on a fait pour les tortues. »

Alors que des moyens modernes existent, et coutent de moins en moins chers, il propose que des drones soient utilisés pour la surveillance des brûlis ou des abattages d’arbre. « Il suffit de former 2 ou 3 agents à leur pilotage, surtout qu’à cette époque de début de printemps austral, la végétation n’a pas encore repoussé et permet une meilleure visibilité sur les brûlis. »

Sa 3ème proposition tient dans la multiplication des Zones de Protection forte. Il s’agit d’une zone géographique dans laquelle les pressions engendrées par les activités humaines sont susceptibles de compromettre la conservation du patrimoine écologique, qui sont alors par ce classement, fortement limitées, grâce à la mise en œuvre d’une protection foncière ou d’une réglementation adaptée, associée à un contrôle effectif. « Pourquoi ne pas l’appliquer à Saziley ou Handrema ?! ».

A la suite de la polémique créée par la difficulté d’accès de certains habitants sur la presqu’île de Saziley qui critiquaient une mainmise des Naturalistes, Michel Charpentier cherche un compromis : « Les Mahorais redoutent que l’on mette sous cloche des zones où ils ne pourraient plus aller, il faut donc permettre l’accès, tout en prenant garde que tous les espaces ne se transforment en bananeraie. Car c’est au détriment d’autres espèces. »

Valse des tronçonneuses à Majimbini

carte géographique de Mayotte répartissant ses massifs forestiers
Répartition des massifs forestiers de Mayotte et délimitation de la Réserve Naturelle Nationale

L’urgent c’est donc de protéger la forêt et les zones sensibles, « j’attends de voir s’il y a une volonté politique. L’année dernière, l’ancien Parc marin des Glorieuses a été converti en Réserve naturelle des Glorieuses, le gouvernement français a alors affiché 43.000 km2 de protection forte. » Nous avions rapporté ce classement fruit d’une décision politique du président Macron qui avait alors provoqué la colère des Malgaches revendiquant ces territoires depuis 50 ans. Des classements à géométrie variable, mus par des intérêts autres qu’environnementaux ?… « On peut simplement dire que ça coûte sans doute moins cher de le faire là-bas où c’était mis en place par les TAAF, qu’à Mayotte, mais ici, implanter 40 km2 de protection forte, ce serait indispensable ».

Un séminaire proposé par l’Etat et le Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE) le 5 novembre sur les thèmes des brûlis et de la déforestation, est annoncé, « nous soutenons cette initiative ».

Si les labels de protection sont indispensables, ils ne seront utiles qu’avec suffisamment d’agents pour en faire appliquer l’usage. Or, on en est loin. « La partie de la forêt classée en réserve naturelle nationale souffre, faute d’agents de l’ONF ou du Conseil départemental en nombre suffisant. A Majimbini, ils n’osent plus s’aventurer car ils sont souvent deux face à une dizaine d’individus. » Deux types d’atteintes sont récurrents : « des gens qui viennent tailler des perches, armés d’une tronçonneuse pour construire leurs bangas, avec la camionnette à proximité pour aller plus vite, et d’autre part, des centaines de mètres carrés défrichés pour planter, qui doubleront de surface l’année d’après, avant de demander une régularisation au Conseil départemental. »

En 2016, 23 gardes forestiers avaient été assermentés, c’est très insuffisant

Il faut davantage de présence policière et de répression : « Il y a eu quelques amendes sur l’abattage d’arbres ou les brûlis, mais ce qui décourage les gardes assermentés, c’est que, soit les personnes prises en flagrant délit ne sont pas solvables, soit que les rapports transmis au procureur ne débouchent sur rien. Celui-ci est très actif sur ce sujet, mais il manque souvent des éléments pour passer en audience. »

Étant donné la croissance démographique annoncée par l’INSEE, soit un doublement de la population d’ici 2050, Michel Charpentier craint que sans Zone de Protection Forte les mètres-carrés soient tous grignotés entre cultures et bangas illégaux.

Anne Perzo-Lafond

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