Il était reproché au Conseil départemental, ou plutôt au Directeur Logistique et des Moyens (DLM) à l’époque, par ailleurs absent à l’audience, « d’homicide et blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence » vis à vis de deux agents employés du Département, électriciens de métier. Les faits remontent au mois de mai 2014, alors qu’une compétition doit avoir lieu au gymnase de Cavani, deux électriciens sont sollicités par leur hiérarchie, la veille en urgence, afin de changer les éclairages en vue d’un match important de basket. Les deux agents se rendent le lendemain matin tôt au gymnase pour procéder au changement des néons. Et c’est là que les faits commencent à être accablants pour le responsable des équipements sportifs et le DLM du Conseil départemental de l’époque.
Des conditions de sécurité totalement inexistantes et du matériel défectueux
Arrivés au gymnase, les deux agents sont montés sur un échafaudage à près de 10m de haut pour procéder au changement d’éclairage. Pendant qu’ils étaient en haut deux autres personnes poussaient l’échafaudage afin d’aller de lampe en lampe. Le drame arriva lorsque l’échafaudage a soudainement basculé. La police et les pompiers arrivés rapidement sur place n’ont pu que constater l’accident qui s’est transformé par la suite en drame. En effet, un des deux agents a été transporté en urgence au CHM au service réanimation avec de multiples fractures faciales ainsi que sur le corps, il décèdera quatre jours plus tard. Le deuxième plus « chanceux » aura « seulement » des hématomes et des contusions, et se verra prescrire 8 jours d’ITT.
Ce que l’on peut déplorer dans cette affaire c’est le manque de sécurité et l’incompétence du responsable des équipements sportifs du Conseil départemental qui a commis de multiples erreurs en demandant aux deux électriciens de changer des ampoules à 10 m de haut sur un échafaudage roulant et, au vu des éléments de l’enquête, en très mauvais état ! En effet, les deux agents n’avaient pas de casque, ni de harnais de sécurité et n’avaient reçu aucune formation pour utiliser un échaudage, a fortiori roulant et sans aucune vérification de son bon état. Et c’est là que le bât blesse, car selon l’expert en sécurité qui a rendu ses conclusions pour les besoins de l’enquête, le constat est accablant : « le manque de stabilité transversale de l’échafaudage est effrayant ! » a-t-il écrit dans son rapport. En outre, « l’absence de stabilisateurs transversaux, qui sont obligatoires sur un échafaudage roulant, offre une stabilité précaire, dangereuse, … ils n’auraient pas dû l’utiliser ».
De plus, il a mentionné que « les freins étaient en mauvais état » et a fermement souligné qu’« il est interdit de déplacer un échafaudage avec des gens dessus ! C’est dans la notice… ». Bref, toutes les conditions étaient réunies pour qu’un accident survienne. Aussi, selon les éléments de l’enquête, alors qu’il était en train d’être déplacé, l’échafaudage aurait rencontré un obstacle en hauteur tandis que les deux hommes du bas continuaient de le pousser, provoquant ainsi son basculement.
Ce que l’on apprend par un membre de la famille de la victime décédée, venue témoigner à la barre du tribunal, c’est que cette dernière aurait été menacée par sa hiérarchie, son chef, s’il ne venait pas travailler le samedi matin pour changer les luminaires, « sinon on te vire », lui aurait-il dit. Le substitut du procureur dans son réquisitoire n’a pas omis de relever des « manquements graves » dans ce dossier. « Le responsable des équipements sportifs, c’était à lui de vérifier le bon fonctionnement des équipements avant toute intervention, notamment de l’échafaudage, or cela n’a pas été fait ».
Le ministère public a par ailleurs pointé du doigt les manquements inacceptables que sont l’absence de formation pour les deux agents concernant l’utilisation d’un échafaudage, ou encore des équipements de sécurité inexistants et l’absence de précautions pour ce genre d’intervention. Le substitut a donc requis une peine d’affichage de la décision de justice, une amende de 50.000 euros, ainsi que l’obligation d’indemniser les victimes et leur famille.
Le jugement a été mis en délibéré au 12 novembre prochain.
B.J.