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Le centre-15 de Mayotte géré par La Réunion : la pilule passe mal

À l’hôpital de Mayotte, seuls deux médecins urgentistes étaient en poste durant l'hiver austral, sur les trente-sept nécessaires. Désormais, trente-deux urgentistes se relaient pour faire tourner le service des Urgences du CHM. Mais faute d'être suffisamment nombreux, les urgentistes de Mayotte ne peuvent pas prendre en charge toute la régulation du centre-15 de l'île.

5 urgentistes par jour contre 1 en juillet dernier

On respire mieux au sein du réacteur sanitaire. Mais jusqu’à quand ? Depuis plusieurs semaines, « la situation s’améliore », déclare la direction du CHM à propos des effectifs d’urgentistes qui manquaient cruellement en juillet dernier. Mais ses représentants souhaitent rester prudents. Les nouveaux médecins urgentistes sont nombreux mais ne s’établissent que pour des périodes courtes allant de un à trois mois, rendant difficile une projection des effectifs sur le long terme. « Actuellement, ils tournent à cinq urgentistes par jour, au minimum quatre, alors qu’en été, on en avait qu’un », rappelle la direction de l’hôpital qui a essuyé plusieurs tempêtes. « Heureusement car l’activité a beaucoup augmenté à la rentrée ».

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Un jeune garçon est pris en charge par une médecin urgentiste dans la salle de déchocage (10 juillet 2024)

En juin dernier, la situation était telle que l’urgentiste en poste aux Urgences était seul pour gérer simultanément plusieurs urgences vitales, conduisant la direction de l’hôpital mahorais à mettre en oeuvre des ponts d’entraide inter-service en interne, notamment avec les réanimateurs de l’hôpital, pour gérer conjointement des prises en charge urgentes et complexes. Actuellement, la situation s’est améliorée. « En pratique, les urgentistes n’ont plus besoin de gérer des urgences directement avec les réanimateurs (…) car ils sont en nombre mais ils utilisent souvent les compétences des réanimateurs pour des questions de sécurité sur les soins. » Malgré tout, la direction du CHM reste sur ses gardes, notamment en cas de situation sanitaire exceptionnelle. « Nous avons conservé une unité de soins qui peut être armée pour gérer un éventuel risque épidémique ». Si la circulation de la coqueluche se poursuit, tel qu’analysée par Santé publique France-Mayotte, à ce stade, les autorités sanitaires ne parlent pas encore d’épidémie. Pour les épidémiologistes, ce contexte de turn-over conséquent chez les médecins urgentistes et la persistance d’un manque global d’effectifs, a conduit les équipes à délaisser le codage des passages aux urgences sur le nombre de passages et les pathologies concernées. Résultat : Santé publique France navigue à l’aveugle et ne peut produire de données sur le service des urgences du CHM. 

« On garde les médecins pour les vraies urgences »

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Le deuxième SMUR du CHM est à nouveau opérationnel, après plusieurs mois d’arrêt faute d’effectifs suffisants

Durant plusieurs mois et jusqu’au début du mois d’octobre, le CHM ne disposait que d’une structure mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) pour secourir les Mahorais sur l’ensemble du département. Grâce aux nouveaux effectifs disponibles, deux SMUR sont désormais armés. « On est de nouveau protecteur pour la population au niveau des interventions », déclare Frédéric Lecenne, co-directeur administratif du service des urgences du CHM. Par ailleurs, lorsque le médecin-régulateur du centre-15 juge que l’appel reçu ne constitue pas une urgence médicale, une équipe para-médicale d’urgence (PMU) est dépêchée. « Cela nous permet de gagner du temps (…) on priorise, on hiérarchise au patient le plus urgent (…) on garde les médecins pour les vraies urgences (…) c’est tout à fait normal, cela se fait partout en métropole. »

Une régulation qui passe mal

Mais le ciel n’est pas encore complètement dégagé. Les trente-deux urgentistes du CHM sont encore insuffisants pour absorber la totalité de la régulation du centre-15 à Mayotte. Après plusieurs mois de « résistance », comme elle l’évoque, la direction du CHM a accepté une aide réunionnaise nécessaire mais à très mauvaise presse. Concrètement, les trois-quarts de la régulation du centre-15 de Mayotte, de jour, comme de nuit, sont assurés par deux médecins en poste au CHU de Saint-Denis de La Réunion. Sur l’île-hippocampe, ce sujet fait l’objet de nombreuses crispations, notamment au sein des élus et des syndicats.

Une dangereuse lenteur de régulation

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Au CHM, cinq médecins urgentistes manquent encore pour compléter les effectifs et ainsi assurer pleinement la régulation du centre-15 à Mayotte

« Cette régulation du 15 par La Réunion ne passe pas, c’est légitime. » Lucide sur cette situation, la direction du CHM rapporte une méconnaissance du territoire mahorais et de sa géographie par les deux médecins installés à La Réunion, en charge d’une partie de la régulation du centre-15, rendant difficile l’organisation logistique des soins à Mayotte. « Ce n’est pas sécurisant », rapportent les assistants de régulation médicale (ARM) mahorais. « Tu fais le 15 à Mayotte, tu tombes sur un assistant de régulation médical, mais au moment où il faut parler à un des médecins (ndlr : qui est à La Réunion), cela prend 10 minutes, alors que cela devrait être instantané. » Pour régler ce défaut de régulation, le chef de service des urgences du CHU de Saint-Denis est attendu pour une visite éclair au sein du CHM. 

« Il n’est pas question que l’on continue d’être régulé par La Réunion », soutient la direction du CHM, qui mise sur la fin du mois de février 2025, pour que les médecins urgentistes du CHM puissent prendre en charge entièrement la régulation du centre-15 à Mayotte « sereinement ». Toujours dans l’optique de sanctuariser les urgences à de vraies urgences, les autorités sanitaires souhaitent rappeler la nécessité d’appeler le centre-15 de Mayotte, avant de se rendre aux Urgences, quand cela est possible.

Mathilde Hangard

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