C’est un coup de théâtre qui arrive quelques jours à peine après l’émeute qui a secoué un Centre pénitentiaire de Majikavo en surpopulation : le directeur de l’établissement annonce sa démission sur la chaine privée, Kwezi TV.
C’est en lisant son communiqué que Nicolas Jauniaux, fort de 27 années de service dans l’administration pénitentiaire, revient sur la mutinerie qui a touché un centre « qui héberge 650 détenus pour 278 places », et la met en parallèle avec les annonces d’Eric Dupond-Moretti, il y a deux ans : « En mars 2022, le garde des Sceaux s’est engagé à construire un nouvel établissement, et a confié à l’autorité préfectorale le soin de déterminer le choix d’un emplacement. A ce jour aucune décision n’est actée », déplore le fonctionnaire qui indique qu’en remettant sa démission, « le cœur lourd », il souhaite « attirer l’attention sur cet établissement et ainsi contribuer à améliorer les conditions de travail des personnels et des conditions de vie des détenus. » Nous avons essayé de contacter le directeur, en vain.
Une réaction qui est ressentie comme un tremblement de terre, sur une île où toutes les infrastructures sont sous-dimensionnées.
Des sous mais pas de foncier
La première réaction de protestation post-émeute fut celle des surveillants de prison qui refusèrent de reprendre leurs postes de travail. Incitant Muriel Guégan, directrice interrégionale pénitentiaire, à se rendre à Mayotte, pour autant, en dehors de l’envoi de 11 renforts, aucune avancée n’était annoncée.
Nous avions alors interrogé en exclusivité l’administration pénitentiaire et le ministère de la Justice, qui nous fournissait une réponse pas des plus encourageante. S’il confirmait qu’un second établissement pénitentiaire et un centre de semi-liberté étaient prévus à Mayotte, ils restent à l’état de souhait : « Des études foncières et d’urbanisme préliminaires sont en cours depuis 2023 pour identifier des terrains disponibles pour la construction d’un établissement pénitentiaire de 400 places et d’un centre de semi-liberté (CSL) de 15 à 20 places. C’est dans ce cadre que plusieurs sites ont été expertisés. »
Et alors que les crédits étaient débloqués pour la 2de prison, le centre éducatif fermé et la cité judiciaire… Déprimant.
Aucune réelle avancée donc, alors que le centre pénitentiaire implose comme l’a montré l’émeute ponctuée par une prise d’otages. La spectaculaire démission de Nicolas Jauniaux portera-t-elle ses fruits ou sera-t-elle seulement lourde de conséquence pour sa carrière ?
Anne Perzo-Lafond