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Mutinerie à la prison : la directrice interrégionale pénitentiaire annonce sa venue à Mayotte

Deux jours après la mutinerie où des surveillants ont été menacés, et qui a endommagé un bâtiment, une rencontre était prévue avec le directeur du Centre pénitentiaire, les représentants syndicaux du personnel, et Muriel Guégan, directrice interrégionale des services pénitentiaires.

C’est un gros coup de chaud qu’ont vécu les surveillants de la prison de Majikavo ce samedi. L’un d’entre eux était sur place, et nous rapporte ce qu’il a vécu. « Au retour de la promenade vers 15h, des prisonniers ont décidé de menacer un agent qu’ils ont pris en otage, en exigeant d’avoir les clefs de la porte. Ils s’en sont alors pris à notre gradé en lui assénant un coup de barre de fer, heureusement, il a protégé sa tête avec ses bras, mais il a été contraint de leur donner les clefs. Ils ont alors mis le feu, et ont tout saccagé, détruit les caméras, puis, ils ont ouvert des cellules, les prisonniers sont sortis en grand nombre, c’était une véritable foule. »

Il rapporte avoir craint surtout pour la santé de ses collègues, « l’un était pris en otage, mais nous n’avions pas de nouvelles de trois autres. Heureusement, ils avaient pu se réfugier dans un local technique ». Ce n’est qu’après l’intervention du GIGN que la situation a pu être maitrisée.

Beaucoup purgent de longues peines au centre de détention, « mais pas tous ». Il ne comprend pas pourquoi ce qui se pratique ailleurs n’est pas mis en place à Mayotte : « Quand les détenus prennent 15, 20 ans ou perpétuité, leur place n’est pas ici mais dans une Maison centrale sécurisée en métropole. C’est ce qui se fait dans les autres DOM. »

Le surveillant blessé par la barre de fer est aussi le délégué FO pénitentiaire de la prison, il est en arrêt de travail comme ses collègues qui ont été menacés.

Effectif réduit le week-end

Les prisonnier ont ouvert plusieurs cellules, faisant grossir le rang des émeutiers

Les représentants syndicaux des personnels étaient devant les grilles de l’établissement ce lundi matin, et ont rencontré le nouveau directeur Nicolas Jauniaux, avant que tous se retrouvent à 10h pour une réunion en visio avec Muriel Guégan, directrice interrégionale des services pénitentiaires.

Juste avant, Mouhamadi Daouda, délégué CFDT Pénitentiaire, nous rapportait leurs revendications : « La surpopulation carcérale ne nous permet pas de travailler correctement. Nous prenons même des risques en fonctionnant en effectif réduit les week-end, nous avions prévenu de cela, et c’est arrivé, des surveillants ont été pris en otage ! » Des renforts, 7 agents, sont arrivés dès ce dimanche depuis La Réunion, mais les surveillants ne peuvent travailler correctement, c’est tout cela qu’ils ont remonté lors de la visio avec Muriel Guégan.

Avec un premier résultat à la clef, sa venue sur le territoire, rapporte Mouhamadi Daouda : « La réunion s’est bien passée. Je lui ai personnellement rappelé les doléances des années passées, en lui expliquant que sans être sur place, elle ne pouvait comprendre. Elle a pris la décision de venir très rapidement, dans les jours qui viennent, à Mayotte. » C’est en effet le minimum que pour un tel acte, un responsable régional, voire national, se déplace. « Nous allons pouvoir lui exposer nos préoccupations immédiates et à moyen terme en tête-à-tête. »

Si 7 agents ont été dépêchés depuis dimanche au Centre pénitentiaire de Majikavo, les surveillants attendent davantage, explique le syndicaliste : « Étant donné le déficit en moyens de sécurité, nous demandons l’appui de la gendarmerie pour tous les mouvements liés à la détention ». Comme les extractions de prisonniers, « sans cela, nous ne reprendrons pas, trop d’hommes et femmes chez nous sont exposés. »

Ils demandent également que les prisonniers longue peine, à l’origine de l’émeute, soient pris en compte, « il faut qu’ils soient transférés dans un établissement dédié. »

Le sénateur Omar Oili déplore le retard d’investissement

Les caméras du bâtiment ciblé sont HS (Photo : D.R.)

Quant aux dégâts commis lors de la mutinerie, ils doivent être évalués et réparés, « des caméras sont hors service sur tout un bâtiment, mais le temps de faire venir le matériel à Mayotte, ça va encore mettre du temps ».

Ils ont également demandé que les agents mahorais en activité en métropole puissent rentrer, « déjà, il n’y aurait pas la barrière de la langue ».

Des éléments positifs aussi avec la visite du procureur de la République sur place, « il nous a encouragés et expliqué qu’il était avec nous. »

Difficile dans cette administration pénitentiaire d’interviewer un chef d’établissement sans passer par la direction inter-régionale qui nous a indiqué que le national allait communiquer sur cette affaire. Sans écho à l’heure où nous écrivons ces lignes.

A la suite de cette émeute, l’Association des Maires de Mayotte (AMM) arrive « en soutien total » avec les agents pénitenciers, en appelant le nouveau ministre de la justice, Didier Migaud, à se rendre à Mayotte « pour un état des lieux de cette prison de Majicavo où la surpopulation carcérale dépasserait les 245% ainsi que les mesures à prendre pour que de tels évènements ne se reproduisent plus dans l’avenir ». Et souhaite que l’enquête détermine rapidement les responsabilités.

Le sénateur Omar Oili réagit également, « en soutien aux agents pénitentiaires », et en se félicitant « de l’action des forces de l’ordre ».  Il avait accompagné en mars dernier un représentant de l’agence pour l’immobilier de la justice à Mayotte pour y étudier les sites potentiels pour accueillir trois projets : la cité judiciaire à Kawéni, le centre éducatif fermé et la deuxième prison. Il rappelle que cette mutinerie est « la conséquence directe de la surpopulation carcérale (250% de taux d’occupation) et du manque de personnel suffisant ». Le sénateur avait également posé une question orale au ministre de la Justice en mai 2024, sur la programmation des investissements de la construction de la cité judiciaire, du second centre pénitentiaire, de l’extension du centre pénitentiaire actuel, ainsi que de la création d’un centre de semi-libertés. Il compte réitérer.

Anne Perzo-Lafond

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