On se croirait revenu au temps du blocage de l’île du début de l’année 2024. Une vingtaine de bouénis, vêtues du « salouva Ylang » de Zena M’déré, symbole de la lutte des Mahorais pour la défense de leurs droits, se sont rassemblées devant l’agence Air Austral de Mamoudzou. Certaines chantent et dansent au son du mawlida shenge, quand d’autres distribuent une pétition aux personnes souhaitant entrer dans l’agence. L’objectif ? Contraindre la compagnie Air Austral à baisser ses tarifs. « Les prix des billets d’avion pour Mayotte sont 4 à 5 fois plus chers que ceux à destination de La Réunion, il faut enfin faire cesser cette injustice ! », lancent à de nombreuses reprises plusieurs membres du Collectif des Citoyens.
La conférence de presse commence ensuite, menée par Safina Soula, la présidente du Collectif des citoyens 2018, Sylvianne Amavi, son homologue de Petite-Terre, mais également Djaroudi Ali, le président de l’Association des Usagers du Transport Aérien (AUTAM). « Cette conférence de presse est une réponse au mépris dont fait preuve Air Austral à notre égard », lance Safina Soula, qui précise également qu’elle a pour but « d’agir en toute transparence ». Lancé le 14 août dernier par un rassemblement à l’aéroport de Pamandzi et un courrier, apporté en mains propres au siège d’Air Austral à La Réunion par Safina Soula, ce mouvement contre la cherté des billets risque de prendre de l’ampleur devant la réponse jugée « inappropriée » d’Air Austral.
Un durcissement du mouvement prévu dès le 15 septembre
« Nous avions donné un mois à Air Austral pour nous adresser une réponse et nous fournir les informations demandées. Tout ce que nous avons obtenu, c’est une invitation à les rencontrer le 9 septembre prochain, sans aucune précision sur l’objet de cette rencontre. Ce n’est en aucune façon satisfaisant, nous voulons des actes et non des promesses ! », détaille Sylvianne Amavi. Celle-ci attaque également le fait qu’Air Austral ait voulu « casser le mouvement » en proposant ces derniers temps des tarifs promotionnels. « Nous ne voulons pas de baisse de prix momentanée, nous voulons une modification des tarifs de base ! », explique le président de l’AUTAM, qui estime que l’Etat a également sa part de responsabilité dans cette cherté des billets puisqu’il « n’a pas fait les investissements nécessaires pour que la concurrence puisse s’installer ».
Sylvianne Amavi insiste sur le fait que Mayotte soit un désert médical et que les Mahorais soient obligés d’aller se faire soigner à l’extérieur de l’île. « Le premier obstacle que rencontrent les malades est justement cette cherté des billets. Certains renoncent même à se faire soigner à cause de cela ! », dénonce-t-elle. Les dirigeants des collectifs exigent des actes immédiats sous peine d’un grand boycott des agences Air Austral dès le 15 septembre prochain. « Il y a 3 arguments que nous ne voulons plus entendre : la question des taxes, celle du kérosène et celle de la petitesse de l’aéroport de Mayotte. Ce sont de faux arguments pour continuer à discriminer la population mahoraise », déclare fermement Safina Soula.
La pétition lancée par le Collectif sur papier et en ligne rassemble déjà près de 20.000 signatures. Cela fait cependant de nombreuses années que les Mahorais dénoncent la cherté des billets d’avion et le droit à une réelle continuité territoriale sans jamais avoir réussi à faire plier l’échine d’Air Austral. Alors que la compagnie se trouve actuellement en difficulté financière, acceptera-t-elle de « lâcher du lest » sur le prix des billets ? Rien n’est moins sûr, mais le Collectif a l’air plus que déterminé à mener de front ce nouveau combat.
Air Austral répond au collectif par communiqué de presse
En fin d’après-midi, nous avons reçu un communiqué de presse d’Air Austral en réponse à la conférence de presse du Collectif. La compagnie y précise en avoir reçu les membres le 14 août dernier au sein de son siège social de La Réunion pour « échanger et discuter ». Si la compagnie affirme « entendre les différentes remarques qui ont été exprimées », elle dit également « regretter les accusations proférées à son encontre alors qu’elle ne cesse de s’engager et de poursuivre ses efforts pour la desserte de l’île, son ouverture et son développement économique ».
Les arguments exprimés dans ce communiqué sont justement ceux que le Collectif dit ne plus vouloir entendre : l’augmentation des taxes aéroportuaires de près de 20% à Mayotte et le prix du fuel, de 70% plus cher qu’à La Réunion. Enfin, la compagnie précise que « la continuité territoriale n’est pas du ressort du transporteur, c’est un dispositif qui entre dans les compétences des collectivités ou de l’Etat ». Elle se dit toutefois « prête à accompagner le Collectif auprès des instances étatiques et acteurs privés pour le développement du territoire et le bien-être de la population ».
Nora Godeau