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Mamoudzou

Entre les déchetteries et les points de collecte, les ordures vont être cernées

Malgré un hoquet dû à la crise sociale qui a pris fin, le SIDEVAM* 976 déroule ses investissements pour faire de Mayotte une île propre. Parti avec un handicap lié à la mauvaise gestion de la précédente mandature, le président actuel Houssamoudine Abdallah est déterminé, et détaille les prochaines avancées.

Depuis le week-end dernier, les camions de collecte des déchets ont repris leurs rotations habituelles, mais dans un contexte fortement dégradé après plus de deux semaines de grève d’une partie du personnel. Pour mémoire, les syndicats « historiques » avaient aussitôt signé un protocole de fin de conflit, quand le SNUTER-FSU, à l’origine du mouvement mais non représenté aux instances de dialogue social, continuait à réclamer des avancées sur les conditions de travail, la mise à disposition du bureau syndical et la mise en place du régime indemnitaire RIFSEEP**. Un accord a été signé vendredi dernier, sur lequel revient pour nous le président du SIDEVAM 976, Houssamoudine Abdallah : « La prime de 65 euros a été consentie en attendant la mise en place du RIFSEEP au 1er janvier 2025. Quant aux autres revendications, elles étaient déjà actées avec les autres organisations syndicales avant le déclenchement du mouvement de grève ». Un mouvement étonnamment violent au regard des revendications, puisque des camions avaient été fortement dégradés, condamnées par l’Association des maires de Mayotte, et qui avaient donné lieu à des dépôts de plaintes traitées par le parquet.

Pendant ce temps, les déchets s’accumulaient sur les bords de route d’un territoire aux conditions sanitaires fragiles. La circulation accrue de rats en a été le premier symptôme, espérons qu’il n’y en ait pas d’autres. « Il faut assurer l’activité quotidienne en rajoutant trois semaines d’absence de collecte dans certains endroits. Il faudra trois semaines pour un retour à la normale ». Un constat qui le fait enrager, « c’est râlant, car au regard des investissements que nous menons, certaines zones commençaient à être propres. »

« La collecte, ça marche quand tout le monde joue le jeu »

Houssamoudine Abdallah (à gauche) fait preuve d’une grande détermination de venir à bout des déchets. Ici, avec son DGS Chanoor Kassam

Un rattrapage d’investissements qui se fait dans un contexte dégradé lié à la précédente gouvernance jusqu’en 2019, soupçonnée de favoritisme, de recel et de corruption, au cœur d’une enquête du Parquet national financier. « La précédente mandature avait les moyens de le réaliser, or, quand nous sommes arrivés en 2020, les finances étaient dégradées et les équipements non fournis. Il n’y avait que 5.000 bacs de collecte quand une étude montrait que pour l’optimiser, il en fallait 20.000. Sur les 17.000 que nous avons commandés, 11.000 ont été distribués, les autres sont en cours. Idem, quand nous sommes arrivés, il n’y avait que 9 camions de ramassage, quatre ans après, nous en avons 22 et il en faudrait une quarantaine. Nous avons mis en place des poubelles métalliques dans les zones à risque comme Koungou, Miréréni-Combani et Petite-Terre, qui résistent au feu. Enfin, nous avons acheté 4 camions grues pour éviter que nos agents ne ramassent les déchets à même le sol. »

Des investissements qui devraient inciter les intercommunalités à rester dans le giron du SIDEVAM 976 pour la collecte, ce qui n’a pas toujours été le cas lorsque le travail n’était pas fait. « J’ai réuni les présidents d’interco qui ont décrété qu’ils ne pourraient pas réaliser seuls ces investissements, qu’il fallait mutualiser ». Cette gestion unique des déchets était saluée par un rapport du Sénat en 2022 dont nous nous étions fait l’écho. « Ça marche quand tout le monde joue le jeu, et parmi les collectivités exemplaires, la CADEMA, qui a monté sa participation sur la partie traitement des déchets de 6 à 12 millions d’euros ». Une collaboration que le président du SIDEVAM qualifie « d’excellente » entre les deux entités.

1ère déchetterie sur les 8 prévues

Un des types d’aménagement des points de collecte retenus

Le gros morceau des investissements à venir, ce sont les déchetteries, ces espaces de plusieurs bennes où il est possible de déposer cartons, gravats, déchets verts, etc. Aussi loin que remonte notre mémoire à Mayotte, elles ne sont restées qu’au stade des discours, le Plan d’Élimination des Déchets Ménagers et Assimilés (PEDMA) en 2009 n’en avait pas accouché. Un retard pas seulement dû au SIDEVAM 976, critique Houssamoudine Abdallah : « Si le chef de file de la gestion des déchets est bien le Département, je ne comprends pas pourquoi les éco-organismes financés par l’État, n’ont pas lancé de déchetterie dans leur segment d’activité. »

Outre la facilité d’accès aux usagers pour se débarrasser des déchets non alimentaires, c’est l’économie réalisée in fine pour le territoire qu’elles permettent. Comme le rappelait le rapport du Sénat, le taux d’enfouissement moyen des déchets ménagers est de 15% au niveau national, de 67% en Outre-mer, et de 98% à Mayotte avec un coût de gestion en moyenne 1,7 fois plus élevé que dans l’Hexagone. Des déchets non traités qui partent vers l’ISDND de Dzoumogné menaçant de le saturer.

Le SIDEVAM vient enfin à bout du problème, et sur les 8 déchetteries prévues, la 1ère à sortir de terre est celle de Malamani, dans la commune de Chirongui. Un investissement de 3 millions d’euros, dont 55% Feder, 20% Ademe et le reste SIDEVAM, elle sera inaugurée le 13 septembre prochain. Nous aurons donc l’occasion de revenir en détail sur ses prestations, mais sachez que des bornes textiles et Citeo accueilleront les visiteurs, qui pourront aussi déverser dans des bacs appropriés, leurs huiles usagées, leurs peintures, leurs encombrants, les déchets verts, la ferraille, des meubles, des gravats, et les déchets recyclables.

2.800 points de collecte en projet

Déchetterie, Mayotte
Petite Terre avait été une des premières à mettre en place un service de déchetterie provisoire

Une 2ème déchetterie devrait ensuite voir le jour à Bandrélé, mais ça, c’est en théorie, puisque selon nos informations, un foncier bâti, propriété d’une élue du Conseil départemental, bloquerait le projet, et que des négociations seraient en cours. Le président du SIDEVAM confirme avoir acheté le foncier, « mais son accès est bloqué par une petite parcelle relevant du Conseil départemental, nous ne désespérons pas d’aboutir ».

La 3ème déchetterie est prévue à Longoni, « sur un foncier Etat et ZPG***, c’est en bonne voie, les études ont été lancées ». Les 5 autres connaissent des avancées à différents niveaux, celles des Badamiers, de Mtsamboro et de Combani sont à l’étude, celle de Dembéni doit être repositionnée hors de la ZAC, quant à Hamaha, une dépollution du site de l’ancienne décharge à ciel ouvert est un préalable.

L’implantation d’un Pôle logistique d’entretien du matériel roulant du SIDEVAM est en projet, « à Dzoumogné, dans les locaux actuels, il nous fallait un garage digne de ce nom pour les réparations de nos camions. » Un investissement de 5 millions d’euros pour un Pôle opérationnel « d’ici 2027 ».

Les camions à haillon électrique ont fait leur entrée sur le territoire il y a deux ans

La grande révolution des points de collecte se prépare, il s’agit de moderniser et de sécuriser les actuels, et d’en implanter d’autres, sous forme de casiers semi-fermés, voire semi-enterrés pour certains, « nous en visons 2.800 », avec un début de travaux d’ici décembre. Un investissement de 10 millions d’euros. « Mais cela ne se fera pas sans une vraie éducation aux déchets à Mayotte. Notre déchetterie mobile est prête à se déplacer sur un simple appel de particuliers, or, nous voyons encore des machines à laver ou autres encombrants jetés n’importe où. » Prière donc de contacter le 0639 27 44 44 pour tout enlèvement sur demande.

Subsiste le problème des déchets jetés sur les hauteurs, dans les zones d’habitat insalubre, et qui dégringolent avec les premières fortes pluies. « Ça, ce sont des dépôts sauvages, c’est de la compétence des intercommunalités qui doivent encore s’organiser autour de leur mission de collecte des déchets. » Le président du SIDEVAM, également maire de Sada, ne se défausse pas pour autant, en indiquant implanter des points de collecte supplémentaires au plus près de ces zones, « partout où c’est praticable ».

Des investissements pour que Mayotte mérite son slogan de l’île aux parfums, sans ironie cette fois.

Anne Perzo-Lafond

* Syndicat intercommunal d’élimination et de valorisation des déchets de Mayotte

**Le RIFSEEP ou régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel, est l’outil indemnitaire de référence qui remplace la plupart des primes et indemnités existantes dans la fonction publique de l’État.

***Zone des 50 Pas Géométriques, bande littorale d’une largeur de 81,20 m

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