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Tours d’eau, insécurité, habitat insalubre… F-X. Bieuville fait le point

Au cours d’un petit-déjeuner de presse les médias locaux étaient invités à aborder tous les sujets avec le préfet de Mayotte. Après les contours du futur rideau de fer maritime, il était question d’usine de dessalement, de lutte contre l’insécurité, de piste d’aéroport ou encore de risque de submersion.

De tous les sujets qui touchent le territoire, l’eau est pour l’instant le plus urgent. Lors de sa conférence de presse ce 29 août, le préfet François-Xavier Bieuville a encore insisté, « l’année dernière nous sommes passés à une semaine du point zéro, de ne plus avoir une goutte d’eau ! », ce que le ministre délégué aux Outre-mer Philippe Vigier avait traduit en novembre 2023 par, « à quelques jours près, ça va passer ! ».

Le représentant de l’Etat faisait le point sur les travaux du Plan urgence eau. Avant de chercher de la ressource, il faut éviter que l’existant ne se perde, ce qui a fait l’objet d’une campagne de résorption des fuites. Bien que le plus récent des réseaux ultramarins, le nôtre laissait partir dans la nature 38% de la ressource, ce que les remises en eau des tours d’eau aggravent. « Nous sommes passés à 30% de fuites, ce qui représente 12.000m3 par jour. Or, je rappelle que nous produisons 40.000m3 et que nous en consommons 44.000 par jour. » Deuxième axe, les forages. A la moitié de la 6ème campagne menée par le BRGM et le syndicat Les Eaux de Mayotte (LEMA), nous avons récupéré 3.000m3 supplémentaires, « nous misons donc sur 6.000m3 à la fin », sous réserve que tous les forages soient productifs. Une 7ème campagne est prévue, ce qui porterait, si elle est prolixe, « à 8 à 12.000 m3 par jour de production supplémentaire ».

L’usine de dessalement, « un projet d’intérêt public »

François-Xavier Bieuville et Aurélien Diouf lors de la conférence de presse. Le préfet pointait une position non constructive des détracteurs de l’usine de dessalement

L’implantation de l’usine de dessalement à Ironi Be est toujours d’actualité. La question de son impact sur l’environnement est prise en compte, explique François-Xavier Bieuville qui juge ce projet « d’intérêt public ». « Alors que nous avons failli ne plus avoir une seule goutte au robinet, cette usine va nous permettre de compter sur 5.000m3 jour, supplémentaires, puis, 10.000 m3 en rythme de croisière. Elle est essentielle ». Le feu vert sera donné par l’inspectrice générale de l’Environnement et du Développement durable, sur trois sujets : la préservation de la mangrove, celle du crabier blanc et le rejet d’eau sur-salée dans le lagon. Rappelons que sur le premier, des destructions de mangrove ont été massives du côté de Longoni pour y installer des zones de stockage, sans que cela n’émeuve quiconque. Tout réside dans un équilibre bénéfice/risque, « nous sommes dans une logique Éviter-Réduire-Compenser ». Le crabier blanc quant à lui bénéficierait de plusieurs autres sites de niche. Reste le problème du rejet d’eau densément concentrée en sel.

« Des études scientifiques ont démontré que dans un rayon de 800m autour de la buse de rejet, l’eau est plus salée de 1%, ce qui s’amenuise au fur et à mesure que l’on s’éloigne vers la passe en S. » Nous avons interrogé sur les possibilités de récupérer l’excès de sel pour la consommation courante, mais aucun projet n’est d’actualité. Des études complémentaires sont en cours, et les deux lots, usine et génie civil, ont été attribués en juillet, « les travaux de l’usine devraient démarrer fin 2025. » Il en profitait pour glisser un satisfecit au syndicat Les Eaux de Mayotte dont l’image pâtit encore trop de son passif, « nous avons un président et un DGS exemplaires et vertueux sur la gestion de l’argent public ». Fahardine Ahamada et Ibrahim Aboubacar ne bouderont pas leur plaisir.

L’occasion de glisser quelques éléments concernant l’usine de dessalement de Petite Terre, qui ne produit pas à sa capacité maximale « en raison de canalisations non adaptées à la pression », indiquait Aurélien Diouf, Directeur de cabinet du préfet. Surtout, l’usine est attaquée par la mer, avec une érosion spectaculaire de la falaise où elle est implantée, « du fait de la composition de la falaise, des infiltrations par le haut fragilisent l’ensemble ». « Nous allons mener des travaux de protection de la falaise », indiquait le préfet.

« RAID et GIGN sont envoyés sur les hauteurs »

L’érosion rapide de la falaise où est implantée l’usine de dessalement de Petite Terre impose une consolidation en urgence

Petite Terre menacée de submersion, c’est ce qui inquiète les porteurs du projet de rallongement de la piste d’aéroport, qui accentuent les études à Bouyouni en Grande Terre, doublé du risque sismique, et la secousse de mardi soir nous le rappelle. « D’ici 10 ans, il va être de plus en plus compliqué d’utiliser la piste actuelle, nous mettent en garde les experts, nous sommes là pour prendre cet avertissement en compte. » Une situation qui interroge sur les zones littorales habitées en Petite Terre.

L’autre préoccupation majeure, c’est l’insécurité. Cette rentrée scolaire dans le calme, « un seul bus caillassé », qui suit un été sans heurts, convainc le représentant de l’Etat de l’effet bénéfique de l’opération « Place nette », qui a produit « des résultats remarquables ». « Les forces de l’ordre sont systématiquement présentes aux abords des établissements scolaires ». Au lieu de l’objectif de 60 interpellations de meneurs, c’est une centaine qui se sont vus passer les menottes. Idem pour la rentrée scolaire, « les contrôles nous ont permis d’interpeller 25 mineurs, avec ports d’arme pour certains », avec un rappel à l’ordre à l’issue comme le prévoit la loi. Ce qui a véritablement changé, c’est la méthode, qui devrait payer à la longue, « nous allons chercher les fauteurs de troubles jusque chez eux, dans les hauteurs ». C’est le cas à Kwalé mais aussi à Koungou, où respectivement RAID et GIGN sont « envoyés dans les bidonvilles. Je n’accepterai plus qu’on nous nargue ».

L’habitat insalubre justement reste un des axes de la feuille de route du 3ème PLOM (Plan Logement Outre-mer) 2024-2027, « du bidonville au logement », avec la prochaine grosse opération de destruction de 450 cases en tôle à Mavadzani sur les hauteurs de Majikavo. Prévue en milieu d’année, elle a été reportée, « nous attendons le retour des deux escadrons partis aux Jeux Olympiques », et devrait se tenir à la fin de l’année. Une opération mieux préparée que les précédentes, qui étaient le théâtre de déferlement de violences de la part des jeunes, souvent instrumentalisés par des habitants de cases révoltés. « Nous ne voulons pas décaser pour décaser, mais proposer un relogement digne. L’accueil est plutôt favorable parmi la population de Mavadzani ».

Immigration : « je mets la main sur le robinet »

Migrants, Mayotte, préfecture
Entièrement vidé, le boulevard Marcel Henry continue d’être surveillé par le comité de citoyens de Cavani pour éviter que d’autres migrants ne viennent s’y installer

A l’issue de la libération de leur implantation à Cavani, le préfet faisait le point sur le flux de migrants d’Africains des Grands Lacs qui viennent chercher l’asile, « 57% l’obtiennent », qui est stable selon lui, il livre un pan du voile sur la méthode, « je mets la main sur le robinet en amont, à Dar Es Salam et à Madagascar ».

Pas d’écho aux 252% de taux d’occupation du centre pénitentiaire, puisqu’aucune news du côté du projet de la nouvelle prison, qu’avait annoncé le ministre Dupond-Moretti sous réserve de foncier, « nous cherchons toujours un terrain ».

En ce qui concerne le thème de la vie chère en Outre-mer, sujet central de la conférence du président de l’IEDOM qui pointait plusieurs abus, on attend la convocation de l’Observatoire des prix qui ne se serait pas réuni depuis plusieurs années. Or, la loi visant à renforcer la transparence des prix et des marges outre-mer impose à l’Observatoire de rendre publiques les analyses qu’il réalise sur l’évolution des prix, les taux de valeur ajoutée et les taux de marge réalisés par les entreprises, ainsi que des relevés portant sur le niveau et la structure des coûts de passage portuaire.

« Mon rêve, la fin des tours d’eau en 2026 »

Retenue collinaire, Mayotte, eau,
La retenue collinaire de Combani avait quasiment atteint le fond le mardi 7 novembre 2023

Concluons sur les coupures d’eau et la capacité de consommation, et alors que nous puisons sur les deux retenues collinaires depuis la fin de la saison des pluies, le préfet constate une consommation proche de celle de 2021 et de 2022, « voire un peu moindre ». L’objectif est de ne pas retomber dans la pénurie de l’année dernière, qui avait imposé une distribution quotidienne de litres d’eau à la population. Des stocks sont encore constitués, certains de marque Cristaline, dont des lots avaient été jugés défectueux par l’ARS. Ce qui avait posé quelques difficultés de gestion, « nous nous interrogeons sur les capacités de conservation de certains contenants, qui pourraient ne pas supporter la chaleur », indiquait le préfet. Nous avons en effet été interpellés récemment par des consommateurs de cette marque, dont l’eau de bouteilles stockées depuis les fête de Noël 2023, a un fort goût de terre.

En terme d’équilibre de la ressource en tout cas, « ce n’est pas encore gagné », et le préfet appelle à « éviter les consommation inutile », insistant sur le respect de son arrêté de restriction des usages, interdisant de laver des voitures, d’arroser les jardins avant 18h, etc. « Mon objectif est de maintenir les tours d’eau à deux par semaine comme actuellement, si nous maintenons notre rythme de consommation sur les retenues, et grâce aux premiers mètres cube supplémentaires fournis par les investissements. Mon rêve, c’est qu’en 2026, il n’y ait plus de tours d’eau à Mayotte. »

Pour affiner, Météo France va donner ses premières prévisions à un mois lors du prochain Comité de Suivi de la ressource en eau, car le ciel n’a pas été très généreux cet hiver austral. Avec un dicton tiré d’observations locales, qui pourrait se résumer par « Déficit de pluviométrie en juillet, saison des pluies assurée ».

Anne Perzo-Lafond

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