Promis par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, lors de sa venue dans le 101e département en mars 2022, un nouvel établissement pénitentiaire devait voir le jour à Mayotte mais « pas dans 20 ans » pour reprendre ses propos. « J’ai demandé au préfet d’actionner tous les leviers de l’État, pour que l’on trouve un terrain afin que l’on puisse construire un nouvel établissement pénitentiaire à Mayotte. Mayotte a besoin d’un nouvel établissement pénitentiaire. La justice, la chancellerie, le gouvernement, sont prêts à mettre l’argent pour la construction, nous avons besoin d’un terrain », avait alors déclaré le garde des Sceaux à l’issue de sa visite de la prison.
Force est de constater que 2 ans et demi plus tard, le chantier n’a toujours pas avancé d’un coup de pioche et que le projet d’extension de la prison actuelle est lui aussi au point mort. De quoi attiser la colère des personnels pénitentiaires et de leurs syndicats. Car en effet, à ce jour, l’administration pénitentiaire serait encore et toujours en recherche de foncier pour la construction de ce bâtiment. « La Direction interrégionale (DI) indique que les résultats de l’étude sur l’extension de l’établissement n’ont pas permis de répondre favorablement à nos attentes. Elle précise qu’un projet chiffré sera tout de même envoyé à la Direction de l’Administration pénitentiaire (DAP). Qu’on se le dise, il n’y aura pas d’extension ! Pour le nouvel établissement, le terrain de Dembéni est trop petit et le terrain de Kaweni est inondable. Les recherches de terrains vont donc continuer… », indique le syndicat FO justice du centre pénitentiaire de Majicavo.
Des conditions de vie carcérales de plus en plus critiques
Le centre pénitentiaire* de Majicavo connait depuis maintenant plusieurs années une surpopulation carcérale record en étant l’établissement de France le plus surpeuplé. « Nous sommes à près de 252 % de taux d’occupation, 300% au centre de détention** et 185% à la maison d’arrêt*** », raconte le secrétaire FO justice de Majicavo. L’établissement compte environ 250 matelas au sol pour un effectif théorique de 278 détenus. « Actuellement nous avons 620 détenus pour 278 places. Nous avons encore incarcéré 12 personnes rien que ce week-end », poursuit-il. Toujours selon le syndicat, le coût d’entretien de l’établissement est passé de 700.000 euros à 1.300.000 euros.
« Plus de matelas conforme en stock, l’établissement a acheté un stock de matelas hors gabarit (encombrement de la cellule). Ces matelas ne sont pas du tout ignifugés et peuvent s’enflammer rapidement. Sur ce point précis l’économat a précisé que les matelas sont arrivés à l’établissement. Dans bon nombre de cellules, les douches ne fonctionnent plus, plus de chasse d’eau, pas de caillebotis, pas de télévision, pas de frigo et pas de tables, les matelas au sol prennent la place. Seulement une cellule sur quatre au quartier disciplinaire fonctionne. De plus, plusieurs détenus atteints de pathologies psychiatriques sont affectés au quartier ‘arrivant’ et bloquent ainsi les cellules. De ce fait, le processus ‘arrivant’ peut difficilement être mis en œuvre (…). Les parties communes (mess, vestiaire, WC, abris famille, bâtiment de formation ainsi que la salle de repos cuisine) ne sont plus entretenues depuis des mois. Elles sont dans un état total d’insalubrité », fait savoir le syndicat FO justice.
Libérer les détenus étrangers incarcérés pour de courtes peines
En outre, pour faire face à cette surpopulation carcérale, l’administration pénitentiaire aurait mis en place une nouvelle mesure : la Libération conditionnelle expulsion (LCE) pour les étrangers incarcérés à Majicavo avec de courtes peines. « Face à la surpopulation carcérale, l’administration utilise la Libération conditionnelle expulsion pour désengorger l’établissement pour les petites peines. Les étrangers qui acceptent d’être expulsés sont alors libérés. Suite à la dernière commission d’application des peines, près de 70 détenus vont être libérés », d’après le secrétaire FO justice de Majicavo. Et d’ajouter que la situation est plus que critique. « Actuellement il y a 4 détenus par cellule à la maison d’arrêt, il n’y a plus de places, s’alarme-t-il. Le rez-de-chaussée et le premier étage du centre de détention sont en train d’être transformés en maison d’arrêt. Le centre pénitentiaire devient de plus en plus une maison d’arrêt et le centre de détention est en train de disparaître progressivement ». Nous avons sollicité la Direction des services pénitentiaires de Outre-mer (DSPOM) afin d’en savoir davantage, mais elle n’a pas été pas en capacité de répondre à nos demandes.
B.J.
*Les centres pénitentiaires sont des établissements mixtes qui comprennent au moins deux quartiers de détention à régimes différents (maison d’arrêt, centre de détention et/ou maison centrale).
**Les centres de détention accueillent les détenus condamnés à une peine supérieure à 2 ans.
***Les maisons d’arrêt reçoivent les prévenus en détention provisoire et les condamnés à une peine n’excédant pas 2 ans.