Comme l’a rappelé le directeur du pôle développement économique et international de la CCI de Mayotte, Ibrahima Nassay, depuis maintenant plusieurs années les entreprises locales ont dû faire face à de nombreux défis ayant fortement impacté leur activité et leur santé financière. « La crise sanitaire avec le COVID en 2020-2021, la crise de l’eau en 2023, et à cela s’est rajouté une crise sociale en début d’année 2024… Ces événements ont relevé un manque d’information sur les outils et les mécanismes d’accompagnement disponibles pour les entreprises, ce qui a souvent conduit à une aggravation de leur situation ».
Le secteur du Commerce à la peine
Si l’on regarde les données statistiques recueillies auprès de chefs d’entreprises mahorais dans le secteur du commerce concernant l’évolution du chiffre d’affaires, pour l’année 2023, on constate qu’entre le 2e trimestre et le 4e trimestre, la proportion de dirigeants déclarant une baisse de leur chiffre d’affaires a augmenté (+28,2 points) !
De plus, le niveau de trésorerie des entreprises dans le secteur du Commerce s’est dégradé entre le 2e trimestre et le 4e trimestre. « La proportion des dirigeants déclarant un niveau de trésorerie ‘pas du tout satisfaisant’ a augmenté de 15,7 points. A contrario, la proportion des dirigeants déclarant un niveau de trésorerie ‘tout-à-fait satisfaisant’ a baissé. Cela signifie que l’activité était à l’arrêt. Les entreprises ont eu du mal à trouver des financements pour combler leur trésorerie. Les difficultés financières des entreprises ont augmenté ainsi que leurs besoins. Le besoin de financement des entreprises du territoire doit être une priorité », a expliqué Ibrahima Nassay.
Les difficultés d’autofinancement et l’absence de financement extérieur impactent les activités des entreprises (baisse CA et trésorerie). La proportion des entreprises ayant des difficultés à trouver des financements est forte. « Entre le T2 et T4, la proportion des entreprises ayant un besoin de financement a augmenté », selon le directeur du pôle développement économique et international de la CCI. Concernant les dettes impayées, là aussi elles sont en augmentation de +10,9 points au 4e trimestre. « L’année 2023 a été marquée par un ralentissement de l’activité qui a provoqué des tensions de solvabilité. Plus de 65% des dirigeants ont déclaré des impayés. C’est un peu près la même chose pour la souscription de crédits puisque 80% se déclarent surendettés », a ajouté Ibrahima Nassay.
Toutefois les chefs d’entreprises mahorais semblent résilients et gardent une pointe d’optimisme malgré des perspectives de créations d’emplois faibles pour les 12 prochains mois. « La majorité des dirigeants interrogés envisagent de maintenir le nombre de salariés à un niveau stable ».
Le secteur du BTP semble tirer son épingle du jeu
Pour le directeur de l’IEDOM, Patrick Croissandeau, l’indicateur du climat des affaires (ICA) connait une nouvelle progression au 2e trimestre 2024 avec 106,5 points, tout du moins dans le secteur du bâtiment… « 68% des chefs d’entreprises annoncent une activité en hausse ou stable. Le climat des affaires maintient le cap malgré l’environnement incertain ». Ainsi dans le BTP l’activité est en hausse, les effectifs sont en augmentation et les carnets de commandes remplis, malgré une dégradation des trésoreries, selon Patrick Croissandeau. « Les prévisions d’activité pour le T3 2024 sont très favorables. Les effectifs devraient augmenter mais les trésoreries devraient de nouveau se dégrader ».
Le directeur de l’IEDOM rejoint le constat fait par Ibrahima Nassay concernant le secteur du Commerce. « C’est une année difficile pour le Commerce…On note une baisse du niveau d’activité depuis le T2 2023, malgré une augmentation des effectifs mais toujours avec des trésoreries détériorées ». En ce qui concerne les services marchands, là aussi il y a un niveau d’activité soutenu en recul à la deuxième moitié de l’année. « 0n remarque un taux d’activité en baisse et une diminution des effectifs. Le niveau des trésoreries continue de se dégrader et les carnets de commandes sont à un niveau bas ».
Enfin quand les secteurs du Commerce et des Services voient eux une baisse de leur activité, celle portée par le BTP est plus prospère avec des carnets de commandes en hausse et des prévisions optimistes. Toutefois, les difficultés de trésorerie demeurent car les entreprises ont toutes les peines à recruter.
B.J.