A l’image de l’atelier de Viviane Bellais, artiste plasticienne, des liens ont été tissés pendant les vacances entre les enfants de trois villages de la commune, Bandraboua, Dzoumogné et Bouyouni à travers les trois activités proposées : danse, art-plastique et écriture. Pour cela, trois artistes, Hamza Lenoir, Abdel Athoumani, et donc Viviane Bellais, ont été choisis par le service culturel de la mairie de Bandraboua, sur des actions co-financées avec la Direction des Affaires culturelles (DAC) du ministère du même nom.
Il s’agissait pour la commune de répondre à un appel à projet de la DAC sur des actions culturelles, nous explique Zamey Antoy, Chargé de mission à la politique de la Ville de Bandraboua, « nous avons travaillé un projet avec l’écrivain Hamza Lenoir qui nous a permis d’obtenir la moitié du financement de 22.500 euros de l’Etat, pour le mener dans le cadre du contrat de ville de la commune, qui a complété l’autre partie. Il s’agissait de mettre en place avec lui l’ensemble du projet culturel. »
Ils sont quinze jeunes de 12 à 17 ans à bénéficier de ce triumvirat d’artistes, cinq de chaque village.
Une toile tissée entre eux face à un autre monde
Dans ses créations Viviane Bellais nous a habitués à révéler les racines culturelles de l’île, le plus souvent en exploitant les fibres végétales dans ses bijoux. Cette fois, il s’agissait de plonger dans les contes et légendes de Mayotte. « J’ai expliqué aux enfants que les esprits du lagon que l’on appelle WanaIssa, souvent perçus comme négatifs, pouvaient être là pour nous aider. Ils sont d’une grande beauté, vêtus de blanc, avec une chevelure blanche et soyeuse, et nous pouvons communiquer avec eux quand nous avons besoin d’être rassurés. »
L’artiste a trouvé un lien entre la lutte contre les déchets et l’envolée artistique dans les légendes en invitant les enfants à tisser à l’aide de poche plastique et de câbles. L’école coranique de Bandraboua, les jeunes de Dzoumogné et de Bouyouni, tous s’y sont mis. « J’ai demandé aux enfants de torsader les câbles, c’était le rôle des garçons, pendant que les filles tressaient des sachets plastiques, tout ça pour aboutir aux grandes toiles tissées, un peu comme des toiles d’araignées, chaque intersection permettant de communiquer avec les WanaIssa. » Une plongée dans les contes et légendes qui laisse plus d’un enfant perplexe, mais vite ramené au concret, « j’explique que cette communication permet d’être tous ensemble, prêt à accueillir un autre monde, une union où les bagarres et les jets de pierres n’ont pas leur place. »
Ce « tapis magique » envoyé par les WanaIssa leur permet de savoir ce qui se passe ici-bas, avec donc un comportement à faire évoluer entre jeunes pour être à la hauteur. Et l’atelier a plu à l’ensemble de l’école coranique, « finalement, ils ont tous participé aux torsades ! »
Des jeunes en quête d’actions positives
L’écriture va dans le même sens avec Hamza Lenoir, de son nom d’artiste, qui leur demande d’écrire un texte, avec des liens transversaux, donnés par 5 mots-clés choisis par les jeunes : chat, Abdou, goula-goula, livre, boutique. Chacun a écrit son texte, « c’était trop bien ! », s’écrit Touroiya. Hamza Lenoir commente en écho, « j’ai lu tous les récits, ils se rejoignent tous, alors que personne n’est dans la tête de l’autre. Une histoire entre les parents, la délinquance mais toujours à la recherche de la paix, le manque d’eau. « Des problématiques de société qui se retrouvent dans le récit, « mais tous demandent que ça cesse. L’un a écrit, ‘pourquoi on fait des réunions alors qu’on peut nous-mêmes lancer les débats’, et le même, ‘à quoi bon vivre dans cette société, autant se faire dévorer par les djinns’ », comme pour appeler à contrer la fatalité du quotidien.
Des thématiques qui reviennent parce que perçues par les jeunes comme des sujets faisant débat dans la société, nous explique Eddi, « c’est parce qu’un adulte nous demande d’écrire un texte », tout en convenant que la délinquance c’est un sujet « dont nous parlons parfois. »
Le 3ème atelier, la danse, mené par Abdel Athoumani de Kazyadance, a trouvé preneur chez Eddi, « je me suis inscrit pour cette activité, j’ai toujours voulu essayer, notamment le hip-hop, et je sais que je vais continuer. »
Une nouvelle étape commence, celle de l’appropriation de leur travail, des textes, des danses ou l’exposition de la toile de liaison avec les WanaIssa. Ils les produiront en effet ce samedi, lors du carnaval de la commune, et en feront ainsi bénéficier tous les enfants présents.
Anne Perzo-Lafond