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Mamoudzou

Assainissement : quand les nuisances olfactives masquent les grands projets

Le traitement des eaux usées a pris un coup d’accélérateur à Mayotte, révèle une réunion provoquée par les élus de la CADEMA avec les acteurs du syndicat LEMA et de la SMAA (Vinci). A l’origine de la demande, faire cesser la puanteur qui émane de la station d’épuration du Baobab à Cavani

Ça avait tout l’air d’une convocation par les élus de la CADEMA (Communauté d’Agglomération Dembéni Mamoudzou) cette réunion de terrain avec le syndicat LEMA (Les Eaux de Mayotte) et la SMAA (Société Mahoraise d’Assainissement, la branche assainissement de la filiale de Vinci Construction DOM TOM). La CADEMA a en effet été saisie par les habitants avoisinant la station d’épuration du Baobab d’odeurs nauséabondes persistantes. « Nous avons alors invité les représentants de LEMA et ceux de la SMAA à une réunion ce mardi 20 août, mais sans réponse, nous avons décidé de convier les médias en leur présence dès ce vendredi », explique sans détours Abdou Hariti, DGS par interim de la CADEMA post-remaniement, où il chapeaute aussi les finances. Il est notamment accompagné de Fatimati Abdallah, la porte-parole de la communauté d’agglomération dont elle exerce la vice-présidente chargée de la communication.

Des questions, ils en avaient à la pelle pour les représentants de LEMA, et de la SMAA, preuve que les échanges ne sont pas assez fréquents.

Pour rappel, la gestion de l’eau et de l’assainissement a été délégué par les communes au syndicat qui fut intercommunal (SIEAM), puis mixte (SMEAM). Ayant souffert d’une gestion déficiente par la précédente mandature, épluchée par le parquet national financier, l’eau est en cours de redressement avec des déficiences que l’on connait, et l’assainissement a été externalisé à la SMAE, qui a créé la SMAA, filiale donc de Vinci. Dernière mutation du syndicat des collectivités en LEMA, conservant l’investissement, les deux entités étaient donc présentes ce vendredi matin à la station d’épuration Baobab.

Une plateforme de transfert des boues à Longoni

Plus d’un an de blocage d’évacuation de boue vers l’ISDND

C’est la 1ère à avoir été créée à Mayotte, il y a environ 24 ans, selon les acteurs présents. Mais la vétusté n’est pas en cause, selon Françoise Fournial, Directrice des SMAE-SMAA : « Les odeurs viennent de la présence des boues résiduelles que nous avons du mal à évacuer vers l’ISDND* depuis un an et demi. En cause, des incendies criminels qui ont perturbé le dispositif, ainsi que des agressions, qui nous ont imposé de stocker la boue à la station d’épuration. Mais également, la présence d’hydrocarbures dans ces boues qui empêchait leur évacuation. Sur la période où les huiles de vidange n’étaient plus prises en charge, elles étaient déversées par les garagistes dans les eaux usées. Également, une croyance incite à déverser des huiles dans les fosses septiques pour contrer les odeurs, or c’est faux, et cela bloque leur évacuation vers l’ISDND. »

La puanteur émise par la STEP du Baobab se ressentait jusqu’à la route au début du mois d’août, « qui s’aggrave dès que nous remuons la boue, pénible notamment pour nos agents qui y travaillent. Mais le problème est en cours de résolution par le syndicat LEMA ».

Ce dernier va en effet mettre en place une sorte de quai de transfert des boues issues du traitement en station, explique Steeves Guy, Directeur général des services techniques à LEMA : « Nous allons construire une plateforme à Longoni, loin des habitations, pour limiter le stockage de ces boues à Baobab. C’est du concret. Le maître d’œuvre a été choisi, elle sera réalisée avant la saison des pluies. »

Extension et nouvelle STEP

Les représentants de la SMAA et du syndicat LEMA répondaient point par point aux questions

Contrairement aux craintes formulées par les représentants de la CADEMA, la station du Baobab n’est pas encore arrivée à saturation, et cela, malgré les dépôts supplémentaires des vidanges de fosses septiques des particuliers qui y sont également déversées. « Le volume traité est à 75%-80% de la capacité de la station, explique Saïd Abdou, technicien de LEMA, mais étant donné les nouvelles habitations qui seront raccordées, notamment sur Cavani, nous projetons une extension qui la fera passer de 40.000 équivalents habitants, à 60.000. »

La croissance démographique appelle à décharger la station du Baobab par une nouvelle structure qui tarde à sortir de terre. Là encore, les techniciens de LEMA se veulent rassurant : « Sur Mamoudzou Sud, la Commission d’appel d’offre s’est réunie en juin, et a retenu un groupement d’entreprises. Les études préparatoires devraient commencer. »

Anticipant sur cette réalisation, des habitants de Passamainty se sont branchés d’eux-mêmes sur le réseau naissant, alors que la STEP (station d’épuration), n’avait pas encore été réalisée, « les personnes qui se sont raccordés illégalement doivent se déconnecter. » L’intervention de la police municipale ou intercommunale n’est pas exclue.

Double peine pour les particuliers frileux

Dépôt des vidanges des fosses septiques des particuliers au sein de la STEP

Pour autant, la construction d’une station d’épuration n’est pas synonyme d’habitations raccordées. Dembéni, 2ème commune de la CADEMA, le sait bien, avec sa STEP inaugurée en 2011, mais dont le taux de raccordement reste faible. « Pourtant le coût de branchement de 7.000 euros est pris en charge par le syndicat comme pour l’eau potable, il ne reste plus au particulier à raccorder sa maison, un prix qui oscille entre 500 et 1.000 euros en fonction des cas, et des aides étaient proposées à une époque », déplore Saïd Abdou.

Dans ce cas, les effluents** des particuliers partent dans leurs fosses septiques. Un mauvais calcul puisque ceux qui habitent à 200m d’une station d’épuration et doté d’une boite de branchement, sont soumis à la taxe d’assainissement, environ 4 euros le mètre-cube, qu’ils soient raccordés ou non. Or, ceux qui ont conservé leur fosse septique doivent en financer la vidange, soit 1.000 euros environ en fonction du volume. L’intérêt du raccordement ne se discute donc pas, qui évite en plus les odeurs nauséabondes des fosses septiques à domicile.

Nous avons fait ce diagnostic il y a douze ans pour la STEP de Dembéni, qui va se reproduire pour les projets en cours. « Celle de Koungou est lancée et sera bientôt réceptionnée », mais quid du raccordement des particuliers ?

Malfaçons pour la STEP du centre

A la STEP de Sada, les feuilles mortes se ramassent à la pelle…

Quant à la station d’épuration de Sada-Chiconi, le problème est tout autre. Inaugurée depuis plusieurs années pour desservir les habitants du centre de l’île, cette 3ème macro-station n’est toujours pas en activité. Encore une déficience à mettre à l’actif de la précédente mandature du syndicat LEMA : « Les réseaux partant des villages n’aboutissent pas à la station !, déplore Mdallah Mahamoudou, l’enquête du PNF en fera remonter les raisons j’imagine. » Une Commission d’appels d’offre s’est réunie le 5 août dernier, « car la STEP peut s’abimer si elle ne tourne pas, mais pour l’instant, le volume d’effluents n’est pas suffisant. »

Parti des nuisances olfactives, la rencontre du jour s’est muée en véritable réunion de chantiers du secteur assainissement, avec un programme qui s’accélère, mais auquel la population devra adhérer pour parvenir aux taux de raccordement d’assainissement des standards européens. Nul doute que la méthode de communication à adopter sera débattue mardi lors de la réunion avec la communauté d’agglo.

Anne Perzo-Lafond

*ISDND : Installation de Stockage de déchets non Dangereux, centre d’enfouissement à Dembéni des déchets ultimes

** Effluent : Ensemble des eaux usées à évacuer

 

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