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Gendarmes agressés à Bandrélé : « Peut-on encore sortir de chez soi à Mayotte ? »

Quatre prévenus ont été jugés en comparution immédiate pour avoir agressé des gendarmes le 13 juillet dernier sur les crêtes de Bandrélé.

Le 13 juillet dernier, la gendarmerie de Bandrélé est informée de l’agression de cinq militaires, mobilisés sur une mission de lutte contre les agressions sur le sentier des crêtes de Bandrélé. Grâce à un important dispositif mis en place par la gendarmerie pour retrouver les agresseurs, quatre d’entre eux ont été interpellés et jugés en comparution immédiate lundi 22 juillet.

Alors qu’un groupe de gendarmes effectue une mission de lutte contre les agressions sur les crêtes de la commune de Bandrélé, une gendarme sent soudainement la présence d’un individu derrière elle. Certains gendarmes courent pour se rapprocher du groupe et ainsi « gagner du champ », quand ils sont surpris par « un groupe de cinq à six individus », aux visages dissimulés, armés de machettes et d’un couteau. Les individus menacent le groupe de gendarmes avec des machettes, dépouillent les forces de l’ordre et prennent la fuite avec un inquiétant butin : deux pistolets automatiques, trois chargeurs comportant quarante-cinq munitions, une grenade de désencerclement, une radio portative, deux téléphones portables, une montre Apple Watch et de l’argent. Si aucun gendarme n’est blessé, tous sont en état de choc, deux d’entre eux montreront des signes de stress post-traumatique aigus lors d’une expertise médicale auprès de l’unité médico-judiciaire.  

Une enquête tendue mais facilitée par les villageois de Miréréni

Ces faits inquiètent d’autant plus la population, qui participe régulièrement aux « sorties tranquilles » encadrées par les gendarmes chaque week-end

Ce week-end du 13 et 14 juillet, la population mahoraise, victime quotidiennement de violences, prend encore plus peur. Désormais, des individus en fuite, se baladent sur le territoire avec des armes à feu et des munitions. Mais alors que la tension monte au sein du village de Miréréni où vivent les prévenus, les villageois décident de coopérer avec les forces de l’ordre pour les aider à intercepter les individus et se saisir des armes volées. « L’enquête a été faite grâce à des renseignements anonymes, avec l’aide de la population », déclare le président du tribunal, Maxime Aluze.

« Tout un village s’est ligué contre vous pour vous appréhender » 

« Grâce aux villageois, les gendarmes se sont rendus sur place pour récupérer les armes qui avaient été cachées et enterrées (…) mais elles n’y étaient pas ».  Dépêchés à Miréréni, les forces de l’ordre se heurtent à une « foule de villageois » rassemblée pour faire toute la lumière sur cette affaire. « L’opération s’est déroulée en tension car la foule du village était présente, c’est grâce à un jeune (ndlr : que les armes ont été retrouvées), qui a interpellé les gendarmes pour leur dire que les armes étaient détenues par la population. Les gendarmes ont récupéré les armes et quitté les lieux rapidement car la foule devenait dangereuse », a rappelé le magistrat Maxime Aluze, insistant auprès des prévenus : « Tout un village s’est ligué contre vous pour vous appréhender (…) pour remettre les armes aux forces de l’ordre et pour vous intercepter. »

Des individus déconnectés des faits 

Les phénomènes de bandes inquiètent de plus en plus (Photo d’illustration D.R.)

Les quatre individus, dont plusieurs doutes persistent sur leur âge, tant ils paraissent jeunes, se revendiquent d’appartenir à une bande dirigée par un dénommé Moto. Sans famille, sans travail, de corpulence maigre, en tongs, l’un sans chaussure, l’autre avec un tee-shirt troué, en situation irrégulière sur le territoire, dont deux présents seulement depuis 4 semaines à Mayotte, semblent plus préoccupés par leur sort, que par les victimes. L’un d’entre eux est plus expressif, l’autre baisse constamment la tête, deux autres croisent les bras, dont un se couvre le visage à l’aide de sa main droite. Tous déclarent être venus à Mayotte dans l’espoir d’y trouver « une meilleure vie » ou pour « trouver un travail. » Aucun n’entame cependant de démarche pour être régularisé sur le territoire. L’un d’entre eux, qui dira être sur le territoire depuis seulement un mois, porte deux mentions dans son casier judiciaire et les autorités révèlent que le prévenu est connu sous six identités différentes.

« On leur demande, s’ils ne veulent pas, on les laisse »  

Alors que les individus reconnaissent les faits, un certain calme demeure quand un prévenu avoue sans remord avoir agressé ces gendarmes : « On était partis se reposer là-bas dans la forêt, attendre celui qui passait pour l’arrêter et avoir de l’argent. » Consterné, l’avocat de la partie civile, Me Rahmani demande au prévenu : « Comment ça se serait passé avec une famille, une papa, une maman, des enfants ? Ils auraient été agressés aussi ? », question à laquelle le prévenu répond sans complexe : « Non, on leur demande, s’ils ne veulent pas, on les laisse ».

« Vous leur demandez ? Mais vous savez ce que ça veut dire les randonnées ? Ce sont des gens qui font des balades pour profiter de Mayotte. Vous pensez qu’on n’a pas le droit de faire des randonnées à Mayotte ? Il faut que les randonneurs soient chanceux avec vous en fait (…) Peut-on encore sortir de chez soi à Mayotte ? Mayotte est une très belle île mais il y a trop de zones de non-droit, dont des endroits touristiques. C’est fou quand on dit ça en métropole ou à La Réunion. En s’attaquant aux gendarmes, on s’en prend aux gardiens de notre démocratie sur cette présumée zone de non-droit (…) on fait en sorte que cette zone de non-droit reste une zone de non-droit (…) on hésite devant rien, on n’a aucune limite. », défendra l’avocat de la partie civile.

« Je n’ai pas le choix », déclare le parquet

Code pénal, TJ, procès
« Les prévenus encourent sept ans d’emprisonnement pour les vols commis et dix ans pour le vol et port d’arme en réunion », rappelle le parquet lors de ses réquisitions

Pour ces faits, « au résultat assez agressif, qui n’est plus contesté aujourd’hui », le substitut du procureur Max Goldminc estime que la société mahoraise attend une sanction à la hauteur de la gravité des faits : « Je vais demander l’incarcération (…) Je n’ai pas d’autre choix, l’intérêt général le demande (…) pas de sursis car cela alimente la menace pour la société. » Le parquet a reconnu une responsabilité identique des quatre prévenus dans les faits qui leur étaient reprochés et a demandé une peine de quatre années d’emprisonnement avec maintien en détention, assortie d’une interdiction de porter une arme pendant une durée de cinq ans.

Plus souple que le parquet, le tribunal a déclaré coupables les quatre prévenus pour les faits qui leur étaient reprochés et les a condamnés à une peine de quatre ans d’emprisonnement dont un an assorti d’un sursis simple, une interdiction de détenir une arme pendant cinq ans, et une interdiction du territoire français pendant cinq ans. Sur les demandes civiles, le tribunal a renvoyé l’intégralité des demandes à une prochaine audience prévue le 5 décembre 2024. Le tribunal a néanmoins accordé une provisions de 1.500 euros, 1.000 euros et 500 euros pour les parties civiles.

Mathilde Hangard

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