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Urgences du CHM : immersion au coeur du réacteur 

Pour comprendre la nouvelle organisation déployée au sein des urgences du CHM, nous nous sommes immiscés au sein du service. 

Le 1er juillet dernier, nous avions révélé la nouvelle organisation du service des Urgences déployée par la direction du CHM. Après quelques retours de soignants, nous avons interrogé les deux responsables du service, mobilisés pour une durée temporaire. 

Suite à la publication de la stratégie des urgences, nous avons été interpellés par des soignants, qui ont révélé que la nouvelle organisation ne changerait rien à leurs conditions de travail. Face à ces réactions, nous avons décidé de nous immerger dans le service et de nous entretenir avec les responsables temporaires du service des urgences.

Une organisation basée sur une confraternité inter-services 

Depuis dix jours, le Dr. Laplace et Frédéric Lecenne, dont les noms étaient tus jusqu’à ce jour, dirigent le service des urgences jusqu’à la fin du mois d’août 2024. Préconisé par l’ancien ministre de la Santé, François Braun, la direction du CHM a décidé de ne pas nommer un seul chef du nouveau service des Urgences, mais d’assurer sa gouvernance par un binôme médico-administratif constitué d’un médecin et d’un directeur chargé de gérer le service au niveau administratif. 

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Frédéric Lecenne entre dans le service des urgences du CHM

Tous les matins, 7 jours sur 7, Frédéric Lecenne fait un tour au service des urgences de l’hôpital, accompagné de Hassana Mourtadhoi, adjointe aux affaires médicales : « Je viens tous les matins, pour ajuster les plannings en fonction des médecins, des remplaçants et des compétences de chacun. » Ils rencontrent le Dr. Laplace, chirurgien pédiatrique : « Le matin on fait une réunion de débriefing avec les soignants sur la nuit qui s’est passée et pour préparer la journée. » 

Au sujet de cette mission temporaire, le Dr. Laplace mentionne : « J’ai dit oui mais c’est temporaire (…) pour aider les médecins urgentistes, malgré le fait que je ne suis pas urgentiste (…) On essaie de faire au mieux, d’être à l’écoute. C’est un duo très fonctionnel avec M. Lecenne, il s’occupe des plannings et j’assure les relations entre le corps médical des urgences et l’administration (…) Après je retourne au service de chirurgie. » 

En moyenne, 4h d’attente aux urgences 

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Un jeune garçon est pris en charge par une médecin urgentiste dans la salle de déchocage

Contrairement à ce qui nous avait été rapporté, si l’objectif est de « recentrer les médecins urgentistes sur leur coeur de métier », ils n’en restent pas moins dénués de leurs autres fonctions. En effet, la prise en charge des box adultes et enfants, la régulation, le SMUR et les salles de déchocage continuent d’être gérés par les urgentistes du CHM. Mais après la tempête qui a secoué le service des urgences pendant plusieurs semaines, la direction de l’établissement et les soignants ont finalement trouvé un terrain d’entente basé sur un renfort interne.

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Un box pédiatrique du service des urgences

Pour ce faire, des ponts entre les réanimateurs et les chirurgiens du CHM ont été construits pour venir en soutien du service des urgences. Concrètement, depuis quelques jours, le service des évacuations sanitaires (EVASAN), consistant à évacuer un patient par transport médicalisé vers une autre structure hospitalière de La Réunion ou de la métropole, et le caisson hyperbare, utilisé pour des accidents de plongée sous-marine ou comme aide à la cicatrisation de plaies, sont dorénavant officiellement supervisés par les réanimateurs du CHM. Le Dr. Laplace nous a également précisé que les réanimateurs participent à la gestion du décochage des urgences et les chirurgiens aident à la gestion des boxes pédiatriques pour prendre en charge des enfants blessés.

« On vérifie parfois l’absence de confraternité » 

En théorie, ce nouveau fonctionnement ne semble pas compliqué mais en pratique, il peut être difficile à mettre en oeuvre. « Ni les réanimateurs, ni les chirurgiens ne viennent en renfort des urgences, on peut les appeler mais ils sont pris avec leurs patients, donc souvent on en revient à se débrouiller. » Le Dr. Laplace estime que leur rôle dans cette direction à deux voix est aussi de s’assurer que les services se parlent et se serrent les coudes : « On vérifie parfois l’absence de confraternité ». 

Appeler le SAMU Centre 15 avant d’aller aux urgences

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Au fond, la salle d’attente des urgences est déserte, une femme arrive avec son bébé dans les bras

À notre arrivée dans les urgences, le service est calme. Plusieurs patients sont sur des brancards, d’autres sont dans des boxs. Il y a peu de patients, les professionnels sont à la tâche. Un rare calme règne. Chance ou signe des fruits portés par la nouvelle organisation ? La salle d’attente, auparavant surchargée, est vide. Mais que se passe-t-il ? Pour désengorger le service des urgences, l’hôpital a mis en place un filtre. Désormais, tous les patients doivent d’abord appeler le SAMU Centre 15 avant d’aller aux urgences, qui les orientera en fonction de leur pathologie vers le service des urgences, la médecine de ville ou dépêchera le SMUR pour les prendre en charge. 

40% d’augmentation de l’activité de la régulation en une semaine 

À l’extérieur de l’hôpital, un patient venu aux urgences pour une fracture nous confie : « J’ai appelé le 15 mais j’ai attendu trop longtemps alors je suis venu à l’hôpital. » Consciente du temps d’attente qui peut être de « 30 à 45 minutes » en fonction des pathologies pour les patients, la direction du CHM souhaite faire passer le message que ce temps d’attente est largement inférieur au temps d’attente des patients aux urgences. À la régulation, un médecin est mobilisé 7 jours sur 7, avec des assistants de régulation médicale. Mais cette nouvelle organisation a engendré une hausse significative de l’activité, de plus de 40%, difficile à aborder pour les effectifs en place. 

10 patients par jour orientés des urgences vers Jacaranda 

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En fonction de leurs pathologies, certains patients pourront être pris en charge par des médecins du centre de Jacaranda

Après un accord entre la direction du CHM, le service des urgences et la responsable des centres médicaux de référence, les urgentistes ont obtenu le droit de disposer de dix tickets d’entrée, cinq le matin et cinq l’après-midi, pour orienter des patients qui ne nécessitent qu’une consultation médicale vers le centre de Jacaranda pour décharger les urgences du CHM.

Les urgentistes auraient exigé une « assignation »

Pour faire face à la pénurie de médecins et aux difficultés de planning qui préexistaient, d’après ce qui nous a été rapporté, les médecins des urgences auraient exigé une mesure administrative d’assignation de la part du directeur de l’hôpital, qui fixe la liste des emplois correspondant aux postes dont les titulaires doivent rester en fonction. Lors de notre visite, le document d’assignation du personnel mobilisé aux urgences a été signé sous nos yeux. Il a pour but d’assurer la permanence des soins en contexte de plan blanc. Lors de sa signature, nous avons été informés d’une contestation dudit document de la part des soignants. 

Pénurie de médecins urgentistes, fléau national 

Aux urgences de Mayotte, seulement quatre médecins urgentistes titulaires et un médecin contractuel sont en poste. « On n’a pas assez d’urgentistes. Généralement ils sont deux chaque jour mais il peut arriver qu’un urgentiste soit tout seul » confie la direction du CHM. « On revoit au jour le jour l’organisation. J’essaie d’appeler des confrères d’autres hôpitaux mais on me répond que de nombreux services d’urgences ferment en métropole. C’est une catastrophe nationale » déplore le Dr. Laplace. 

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Cette infirmière jongle entre plusieurs patients, dont ceux installés en zone bleue, dans l’attente de leur transfert vers un autre service de l’hôpital

À ce jour, les urgences de Mayotte sont opérationnelles mais l’organisation ne tient qu’à quelques fils, tricotés au jour le jour en fonction des effectifs et des besoins. Les deux responsables des urgences en sont conscients : « On sait que si on a un gros accident, on peut vite être dépassés. » Ils donnent l’exemple d’une urgentiste qui avait dû s’interrompre de prendre en charge un patient gravement accidenté aux jambes pour s’occuper d’un patient en arrêt cardiorespiratoire. « L’urgentiste n’avait le choix que d’appeler les réanimateurs pour l’épauler. » 

À ce sujet, un médecin nous confie : « La difficulté c’est vraiment de devoir jongler entre plusieurs vraies urgences quand on est tout seul, on peut appeler des renforts mais le temps d’appeler parfois il est trop tard, on va bâcler notre prise en charge pour un patient qui a une grosse fracture, c’est pas satisfaisant. Le soir quand on rentre chez soi, on a l’impression d’avoir été maltraitant avec ses patients, c’est dur à porter. » 

La gestion des recrutements, du feu aux poudres 

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Faute de personnel suffisant, de nombreux services d’urgences de métropole ferment un à un, complètement ou partiellement, temporairement

Alors que certains médecins estiment que la direction ne ferait pas assez pour recruter des urgentistes, nous avons trouvé plusieurs offres d’emplois publiées par le CHM sur les plateformes d’emploi à la recherche de médecins urgentistes. L’une de ces offres proposerait 12.400 euros bruts mensuels auxquels s’ajoutent le paiement des gardes à un médecin urgentiste, dans le cadre d’un contrat de travail d’une durée supérieure à deux mois. Pour les médecins qui s’engageraient pour une durée inférieure à deux mois, la rémunération offerte serait de 9.916 euros bruts mensuels. Cependant, selon eux, les réponses aux candidatures tarderaient à être données, à tel point que certains médecins renonceraient à venir sur l’île. À ce sujet, la direction a déclaré faire le nécessaire pour répondre tous les jours à ces demandes.

Mathilde Hangard

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