On se souvient que les deux sénateurs de Mayotte Saïd Omar Oili et Thani Mohamed Soilihi avaient rencontré le 29 avril 2024 la Secrétaire d’état chargée du numérique Marina Ferrari. Il s’agissait de sécuriser la dotation de 50 millions d’euros pour le déploiement du Très haut débit à Mayotte, inscrit au projet de loi de Finances 2024.
Le plan France très haut débit (PFTHD), lancé en 2013, visait initialement deux objectifs : garantir à tous un accès au bon haut débit (supérieur à 8 Mbits/s) à fin 2020 et un accès au très haut débit (supérieur à 30 Mbits/s) à fin 2022. Un objectif additionnel a été ajouté en 2020 : atteindre un déploiement complet de la fibre optique sur l’ensemble du territoire à l’horizon 2025.
Le PFTHD s’appuie sur l’articulation des initiatives privées et publiques et sur des financements croisés.
Si en début d’année les sénateurs mahorais avaient obtenu des garanties, depuis, l’évaluation de la dette publique française a imposé à l’ensemble des ministères de « rationaliser les dépenses prévues et de réaliser les économies attendues », dixit un courrier des ministres Cazenave, Chargé des comptes publics, Guévenoux, Chargée des Outre-mer, et Ferrari, chargée du numérique, adressé ce 18 juin 2024 au président Ben Issa Ousseni.
Un acompte
Des annulations de crédits ont été pratiquées sur le programme 343 « Plan France Très haut Débit », qui rabaisse l’engagement de l’Etat pour Mayotte à 13,06 millions d’euros. Coup dur pour le conseil départemental qui est entré en négociation exclusive avec l’opérateur Zeop, sœur de Réunicable (THD Group) pour le marché FTTH (Fiber to the Home), qui amènera la fibre optique jusqu’au domicile des particuliers.
Néanmoins, dans le même courrier, les ministres se veulent rassurants : cette amputation des trois-quarts de l’enveloppe n’est qu’une opération de trésorerie, pour « lisser les dépenses sur plusieurs années », et pour le marché de raccordement de la fibre à domicile, « le gouvernement s’engage à sanctuariser pour ledit projet la totalité de cette enveloppe pour l’année 2024 ». Il s’engage aussi à ce que les montants nécessaires à la réalisation du projet pour 2025, soit 37,4 millions d’euros, « soient bien inscrits et ventilés dans les prochains projets de loi des finances », pour boucler la procédure de sélection.
Un pari sur l’avenir par les temps de dissolution qui courent et qui laisse craindre une réalisation s’étalant dans le temps.
Marché conclu « tout début 2025 »
Car Mayotte a beaucoup à rattraper. En métropole, où il est beaucoup plus facile pour les opérateurs de rentabiliser un tel projet eu égard au pouvoir d’achat moyen des particuliers, et donc de leurs équipements, au 30 juin 2023, ils étaient 19,8 millions à être abonnés à la fibre optique, soit 62 % du nombre total d’abonnements internet haut débit et très haut débit sur le territoire français (Source Sénat). Le Sénat rapporte également que ce PFTHD a permis de résorber une partie des écarts de déploiement de la fibre optique entre les territoires, mais pour Mayotte, le fossé se creuse donc. Espérons que le conseil départemental amorce la mise en place du raccordement avec ce début d’enveloppe de 13 millions d’euros.
En 2023, la gestion des sources de financement du PFTHD par la Caisse des dépôts et consignations pour le compte de l’État, a été transférée à l’Agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT). C’est elle qui doit boucler l’instruction de la procédure de sélection de l’opérateur pour Mayotte, « au tout début 2025 », conclut le courrier interministériel.
Anne Perzo-Lafond