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Mieux éduquer les ados à la vie affective pour améliorer leur protection, et celle de la société  

Au cœur des enjeux des jeunes enfants, la précarité affective. Parce que ceux qui sont victimes de violences, sexuelles ou autre, ne le verbalisent pas ainsi en raison d’un entourage déficient, des actions sont menées. C’est dans ce cadre que se tenaient ce week-end les 2ème "Débats jeunes de Mayotte" organisés par l'association Haki  Za Wanatsa et le Collectif CIDE.

De nombreux concours récompensant des jeunes dans plusieurs disciplines se déroulent sur l’ensemble du territoire. Culturels, sportifs, mais aussi simplement sur leur actualité sociale. C’est ainsi que la 2ème édition des « Débats jeunes de Mayotte » organisée par le groupement d’associations Haki Za Wanatsa et le collectif CIDE (Convention Internationale des Droits de l’Enfant) se tenait ce week-end. On connaît l’efficacité des deux structures initiatrices de l’opération #Wamitoo qui avaient engendré une augmentation de 300% des signalements au procureur.

Il ne s’agissait pas seulement d’un challenge qui mettait en présence sept binômes sur le thème choisi l’an dernier par les lauréats mahorais à l’Assemblée nationale « L’Education à la Vie Affective Relationnelle et Sexuelle (EVARS) », mais pour les organisateurs, de mettre aussi l’accent sur le déficit en la matière sur le territoire, comme nous l’explique Lydia Barnéoud, directrice de l’association : « L’idée c’est de sensibiliser les jeunes en fonction de leur âge, selon une dimension psycho-affective, biologique, juridique et sociale afin qu’ils aient les outils pour reconnaître quand il s’agit d’une violence sexuelle dès le plus jeune âge et sache quoi faire et vers qui se tourner, puis tout au long de la vie, afin qu’ils aient des relations amicales puis amoureuses, et quand ils seront prêts, sexuelles, saines et épanouissantes ».

Le collectif rappelle le contexte sur le territoire : « Mayotte est le 2ème département français le plus touché par les grossesses précoces. 37% des répondants mahorais à l’enquête statistique Wamitoo (campagne contre les violences sexuelles sur mineurs) disent avoir vécu des violences sexuelles dans leur enfance. 11% disent ne pas savoir si ce qu’ils ont vécu constitue une infraction parmi lesquels 82% disent n’avoir reçu aucune éducation familiale ou scolaire à la vie affective et sexuelle. » Des informations qui font partie de l’éducation délivrée par les parents, mais qui peuvent faire défaut chez les enfants confiés, ou non accompagnés. Or, le nombre important de grossesses précoces ou les violences subies influent sur la vie en société de ces jeunes et sur leur scolarité, les rendant agressifs avec un manque de très nombreux repères. C’est alors le « sans limite » perçu par certaines victimes lors de leur agression, et qui peut aller jusqu’au meurtre.

L’EVARS dans l’emploi du temps des scolaires

Le site Chababi Juwa

Il faut donc prévenir et stopper les violences contre ces enfants. Environ la moitié des agressions sexuelles sur mineurs ont lieu au sein de la famille, rappelle l’association, et les victimes commencent à les subir en moyenne vers 10 ans. 98 % des auteurs sont des hommes et 4 victimes sur 5 sont des filles/femmes, 50 % des victimes font une tentative de suicide, 40 % des femmes victimes ont des troubles gynécologiques, 50 % ont une amnésie traumatique.

C’est pour prévenir ces dégradations psychologiques et psychiques, le plus souvent irréversible chez les jeunes, qu’ont été créé les EVARS, les Espaces Vie Affective, Relationnelle et Sexuelle, qui informent les personnes sur leurs droits en matière de vie affective, relationnelle et sexuelle. Le service est anonyme et gratuit, il y en a 150 en France, y compris en Outre-mer. Elles peuvent être portées par différentes associations, dont le Mouvement Français du planning familial, l’Union nationale des associations familiales, etc.

On en compte deux à Mayotte, et plusieurs supports tentent d’apporter leur pierre à l’édifice. Notamment, l’application en ligne gratuite et anonyme Chababi Jouwa, qui propose des contenus écrits, audios et vidéos qui répondent aux questions que les jeunes se posent sur la sexualité, et qu’ils ne savent pas à qui poser, et le Tchat « On saime ».

« Le problème aujourd’hui, c’est que seul internet répond vaguement aux innombrables questions des jeunes, au risque bien souvent de les mettre en danger plus qu’autre chose », rapporte encore Lydia Barnéoud. Qui souhaiterait que, outre les félicitations accordées aux jeunes lauréats, les instances nationales se conforment aux textes : « La loi de 2001 prévoie 21h d’EVARS pour chaque jeune au cours de sa scolarité ». Or, si cela a été rappelé l’an dernier à l’Assemblée nationale par les précédentes délégations jeunes, devant l’ensemble des représentants et élus de la protection de l’enfance dans le cadre de la thématique sur l’égalité filles-garçons, « elle ne semble pas prévue dans les Emplois du temps à la rentrée 2024/2025. »

« Connaître et verbaliser ses émotions »

Jury et participants se barrent la bouche en reproduisant le geste de l’actrice Judith Godreche dans la lignée du mouvement #metoo

On comprend qu’à Mayotte, chaque heure d’enseignement soit comptée, en réponse à une scolarité en dent de scie entre bus caillassés et mouvements sociaux, mais l’enjeu d’avoir des élèves équilibrés, disponibles à l’apprentissage, est à cocher en priorité. Cette demande de se conformer aux 21h légales d’EVARS sera de nouveau formulée au ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse le 23 novembre 2024 au Sénat lors des Etats généraux des Droits de l’enfant organisés par le COFRADE (Conseil français des associations pour les droits de l’enfant).

Ce week-end, les « Débats jeunes de Mayotte », intitulés par les jeunes eux-mêmes « Mieux éduquer pour mieux protéger », prenaient donc place dans ce contexte de transmission aux enfants et aux ados des repères sur des relations familiales et sociales apaisées. Les 7 binômes issus de l’ensemble des communes de l’île avaient 5 minutes chacun pour s’exprimer sur plusieurs thématiques : Connaître et verbaliser ses émotions, Connaître son corps et savoir qu’il n’appartient qu’à nous, La différence entre consentement et emprise, entre bon et mauvais secret, la loi en matière de violences sexuelles et de délai de prescription pour porter plainte, etc.

Difficile de les départager selon le jury composé de Saïrati Assimakou, présidente de l’association Ose libérer ta parole, Nadia Gomis, Directrice de l’ACFAV, Mathilde Lozano, coordinatrice PMI du Conseil départemental, Sylvie Escrouzaille, vice-présidente du Tribunal judiciaire et juge des enfants et Jacques Mikulovic, Recteur de l’Académie.

Ont particulièrement excellé, les collégiens Yasna Ahamadi et Jean-Marina Avilaza, et les lycéens et étudiants Nuruna Ahmed Ousseni, et Chamssdine Djabiri, qui représenteront l’île le 23 novembre au Sénat.

Anne Perzo-Lafond

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