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Mayotte, « territoire hors norme », pour la Délégation sénatoriale

La sénatrice Micheline Jacques menait sa délégation de sénateurs sur la question de la réussite de la coopération régionale pour chacun des Outre-mer. Il s’agit notamment de voir comment modifier le cadre national trop rigide pour s’adapter aux réalités locales. Elle pouvait s’appuyer sur un corpus de questions très fourni à poser aux représentants des collectivités.

Avant que les sénateurs ne s’envolent du territoire où ils ont passé quatre jours, nous avons interrogé Micheline Jacques, la sénatrice LR de Saint-Barthélemy, qui en avait pris la tête, logique, elle est la présidente de la Délégation sénatoriale aux Outre-mer. Elle était accompagnée de Georges Patient, sénateur RDPI (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, parti gouvernemental) de la Guyane, Philippe Bas, sénateur LR de la Manche, membre de la Commission des lois constitutionnelles, et Stéphane Demily, sénateur centriste de la Somme. Les deux sénateurs mahorais, Saïd Omar Oili et Thani Mohamed Soilihi, les ont accompagnés dans leurs déplacements.

Nous les avions rencontrés à leur arrivée, il était logique de tirer avec Micheline Jacques un bilan de leur visite. Surtout que nous avions pu nous procurer leur lettre de mission, qui recouvrait sensiblement les mêmes axes pour tous les Outre-mer visités : la dynamique de la coopération régionale, en dégageant les pistes d’une adaptation de l’action de l’Etat à chaque situation particulière, un sujet qui revient comme un marronnier, mais pour lequel cinquante questions étaient destinées à mieux cerner les problèmes : y a-t-il une coordination des acteurs français de la coopération régionales (Etat, AFD, région, département, communes, etc.) ? ou sur le niveau des engagements financiers à cet effet, ou encore sur  l’intégration économique dans notre bassin régional. La coopération policière et judiciaire entre Etats de la région était également questionnée, mais aussi le rayonnement des établissements de santé de Mayotte dans la région ou le partage dans la gestion des déchets.

Une norme RUP plus facilitatrice que la « CE »

Décryptage de la problématique de l’engorgement de la maternité par le docteur Abdou

Des questions auxquelles la délégation a reçu des réponses, nous assure Micheline Jacques, qui rendent compte « des difficultés du territoire ». « Pour autant, si l’insertion des collectivités territoriales au sein de leur bassin Mayotte-Comores est difficile, les autres Outre-mer connaissent tous leurs propres freins », nous explique la sénatrice.

Des freins identifiés de longue date pour Mayotte, mais qu’a noté la délégation : « En matière de normes qui sont différentes, bloquant les importations de végétaux, on note que l’arrêté de 1995 relatif à leur contrôle sanitaire a empêché les entrants agricoles à Mayotte. Et pour les échanges, c’est l’octroi des visas qui est compliqué ». Nous l’avons donc interrogé sur la proposition de mettre en place un marquage « RUP » en lieu et place de la norme CE, trop restrictive pour les bassins régionaux des Outre-mer français : « Je pense que l’on pourrait instaurer cela en matière de produits agricole puisque ça a été fait pour le BTP dans le cadre du CIOM », le Comité Interministériel des Outre-mer du 18 juillet 2023.

Mais peu de réponses pour l’instant, la délégation n’était pas à Mayotte pour faire des annonces, ni donner des pistes, mais pour engranger des informations comme elle l’a fait dans les autres territoires ultramarins, « nous étions en février à La Réunion mais n’avons pu venir à Mayotte en raison du blocage de l’île. » Ces informations nourriront les bases utiles « dans le cadre de projets de lois proposés par la suite par le gouvernement. »

Pas de réponse, mais du papier noirci en réponse aux questions très politiques posées aux représentants des collectivités suggérées par la lettre de mission : « La non reconnaissance par les Comores de l’appartenance de Mayotte à la France est l’obstacle majeur au développement de la coopération régionale. Pour le lever, faut-il adopter une diplomatie plus offensive ? », « Quelle appréciation portez-vous sur l’accord France Comore de 2019 ? Les contreparties sont-elles suffisantes ? Le département est-il associé dans le cadre du suivi de cet accord ? », « La création d’une compagnie maritime régionale vous paraît-elle souhaitable ? », etc. Il y en a 50 comme ça.

« On ne peut repartir en restant indifférent »

Visite au port de Longoni

La présidente de la Délégation sénatoriale aux outre-mer qui avait, rappelons-le, défendu Mayotte face à la Directrice Afrique et océan Indien dans le contexte d’une ingérence russe dans les tensions diplomatiques entre la France et les Comores, a bien noté que la coopération avec les Comores, « est très tendue », et souligne qu’il y a d’autres pays dans ce bassin océan Indien, « Madagascar ou ceux de l’Afrique de l’Est. D’ailleurs, j’ai noté que plusieurs acteurs entreprennent des approches novatrices avec des projets qui se mettent en place. » Ce sont les mêmes raisons qui avaient déjà incité à élargir la coopération du fonds européen INTERREG au Mozambique et à Madagascar.

Une mission qu’elle juge « très positive », « nous avons touché du doigt les problémes, mais nous avons rencontré des interlocuteurs très dynamiques. Dans le domaine associatif, l’aide apportée par les associations n’est qu’une goutte d’eau, mais tellement utile sur le plan social. Les difficultés ici sont hors norme, mais je suis persuadée que les territoires d’outre-mer sont des laboratoires d’innovations qui peuvent utiles au pays. »

Ils ont rencontré le président du conseil départemental bien sûr, mais aussi l’association des maires, les collectifs de la société civile, les acteurs économiques (CCI, transporteurs, distributeurs, CAPAMA, associations, le recteur, le CHM, la prison, « dont le quartier des mineurs », le tribunal « avec un échange avec la présidente et le procureur », le préfet, les forces de l’ordre, les Douanes, « nous avons fait une sortie aérienne de repérage en mer ».

Face aux défis du territoire, la sénatrice retiendra « l’implication des élus locaux », « je salue leur courage, leur optimisme, car ils ont une situation hors norme à gérer. » Un territoire « attachant », conclut-elle à l’issue de sa première visite à Mayotte, « j’ai rencontré des hommes et des femmes courageux, qui mènent des projets, mais ils ne pourront pas y arriver tout seuls. J’ai une bienveillance particulière pour Mayotte qui nous donne des leçons. On ne peut pas en repartir en restant indifférent, il faut qu’on y arrive, il n’y a pas d’autres choix ».

Anne Perzo-Lafond

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