Casser les tabous
L’objectif de cet événement consistait surtout à présenter les partenaires du territoire et répondre aux questions les plus demandées des élèves sur ces thématiques, afin de les encourager à parler sans contrainte et sans tabou : « Le but était de leur proposer des animations ludiques (…) pas besoin d’être majeur, pas besoin de parents (…) où tout pouvait être abordé », nous ont confié les infirmières du lycée.
Pour des questions d’ordre logistique, seules les classes de seconde ont pu être accueillies sur ces stands, par petits groupes : « On met le paquet sur les secondes, qui sont des nouveaux arrivants au lycée, pour qu’au bout de trois ans tout le lycée ait pu profiter de ces événements de prévention », a déclaré une des infirmières du lycée.
Mais il n’est pas toujours simple d’être à l’écoute des 2.800 élèves du lycée, surtout à propos de questions qui touchent à l’intimité même des élèves, notamment sur les questions de sexualité et de contraception. Pour y pallier, quelques semaines plus tôt, les infirmières de l’établissement avaient mis à disposition une boîte où les élèves pouvaient déposer anonymement des questions, auxquelles les infirmières avaient répondu dans le Journal du Lycée.
Près de 40 élèves par jour reçus par les infirmières
Présentes du lundi au vendredi de 7h à 17h et le samedi matin, le travail de ces professionnelles de santé est loin d’être monotone. Chaque jour, les infirmières du lycée des Lumières reçoivent en consultation près de 40 élèves. Ces consultations sont réalisées sur la base du volontariat des élèves, où toutes les thématiques de santé mais aussi sociales peuvent y être abordées. D’après ces professionnelles de santé, les principaux motifs de consultation des élèves concernent des grossesses précoces, des situations de violences intra-familiales, des agressions sexuelles et la malnutrition.
À Mayotte, le parcours de soins peut être particulièrement difficile ou décousu lorsqu’une personne nécessite de consulter un spécialiste. C’est la raison pour laquelle les infirmières du lycée des Lumières organisent régulièrement des visites préventives de spécialistes au sein de l’établissement : « Par exemple, on a fait venir une orthoptiste récemment pour que les élèves puissent consulter pour leur vue (…) On a aussi fait venir des acteurs de santé, pour des troubles liés aux addictions. »
Une santé mentale fragile chez les 11-24 ans*
Quelques semaines après l’inauguration du centre médico-psychologique dédié aux enfants et aux adolescents (CMPEA) à Mtsapéré, les équipes du CMP animaient un des stands du village santé. Pour Echata Ibrahim, qui exerce en qualité d’aide médico-psychologique et de médiatrice culturelle au sein du CMP, la santé mentale est une priorité de santé publique : « Les équipes du CMP devaient être présentes au lycée des Lumières pour passer le plus de messages possibles aux lycéens car les listes d’attente sont parfois longues (…) Plus on en parle, plus on arrive à détecter plus tôt des problèmes et prendre en charge les jeunes. », a-t-elle expliqué. Leurs soins sont également dispensés auprès des adultes, où Echata Salim précise que les équipes du CMP « interviennent beaucoup aussi en équipes mobiles » auprès de salariés exerçant dans des structures telles que des crèches, où les professionnels ont aussi besoin d’écoute, d’orientation et de prise en charge.
Accompagner et protéger le développement sexuel des jeunes
C’est certainement le stand animé par les équipes des Apprentis d’Auteuil qui aura eu le plus de succès auprès des lycéens. Avant de rentrer dans le « vif du sujet », les animateurs ont présenté leur structure et leurs actions : « 90% de notre temps, on le passe sur le terrain, on va à la rencontre des jeunes de 11 à 25 ans, pour les aider dans différentes problématiques », ont-ils déclaré.
Répartis sur trois secteurs, au sud et au nord de Mamoudzou, et en Petite-Terre, pour ces animateurs l’objectif est d’abord de protéger les jeunes : « On va leur donner les moyens de se protéger mais aussi en leur expliquant pourquoi ils se protègent, par exemple, pour éviter une grossesse mais aussi des infections sexuellement transmissibles », a exprimé une des animatrices. À côté du stand, une élève nous confie : « Je savais que les capotes pour femmes existaient mais j’ai peur que ça fasse mal, j’ai jamais essayé, je vais l’essayer chez moi (…) J’ai pris aussi des capotes pour mon copain. »
Et le choléra dans tout cela ?
« À ce stade, pas d’inquiétude », ont déclaré les infirmières du lycée qui estiment que les précédentes épidémies ont donné des réflexes préventifs permettant de faire face à plusieurs crises : « On n’est pas inquiètes à ce stade. On a fait une campagne préventive avec de nombreux messages affichés à l’entrée du lycée, dans les sanitaires, pour inciter les élèves à se laver les mains. »
Alors que le maire de Koungou a décidé de fermer les écoles maternelles et élémentaires de Majikavo jusqu’à samedi 18 mai 2024 en raison de suspicion de cas de choléra, les infirmières du lycée des Lumières considèrent cette mesure relativement excessive ou incomplète : « Fermer complètement les écoles alors que les enfants scolarisés dans ces écoles ont des frères et soeurs dans les collèges et lycées ce n’est pas vraiment cohérent. »
Après le décès d’un enfant de trois ans, mort du choléra, le 8 mai dernier, on peut supposer que les responsables d’écoles maternelles et élémentaires du territoire, aient été plus soucieux de minimiser tout risque de contamination intra-établissement scolaire.
Mathilde Hangard