Pour l’instant, les contours des opérations sont encore vagues, mais la signature des deux opérations d’aménagement, l’une à Acoua, l’autre à Mtsamboro, est la preuve que la volonté politique est là. Des projets qui concernent les deux communes mais qui sont portés par la Communauté d’Agglomération de Mamoudzou Nord (CAGNM). Dominée par le poids du mastodonte Koungou, la CAGNM avait du mal à être accouchée par les trois autres communes, toutes minoritaires. Mues par la force de choses, les quatre sont parvenues à s’entendre pour donner son élan à la Communauté d’Agglo en 2021. Avec forcément le maire de Koungou, Assani Saindou Bamcolo et ses 20 élus, à sa tête, suivis par Bandraboua, 12 élus, Mtsamboro, 5 élus, et Acoua, 3 élus.
Voulant pour preuve que Koungou ne tire pas forcément la couverture d’agglo à elle, son président présentait ce lundi la « ZAC JIVA », pour Mtsamboro et « Acoua Résilience » sur la petite commune du Nord, qui ont fait toutes deux l’objet d’une signature de convention avec l’Établissement public foncier et d’Aménagement de Mayotte (EPFAM). Bien que les projets soient communaux, en matière d’aménagement, c’est à la communauté d’agglomération que revient la compétence.
Laïthidine Ben Saïd, maire de Mtsamboro, rapporte le contenu de cette ZAC et les échéances de cette signature : « Aux côtés des logements et des écoles prévus sur le site, TotalÉnergies doit implanter une station-service, et le Service d’Incendie et de Secours, une antenne. Or, nous ne parvenons pas à sécuriser le foncier, les gens construisent n’importe où, c’est l’anarchie, c’est pourquoi l’EPFAM prend le relais. »
En effet, la zone identifiée sur 13 hectares s’étend du village de Mtsamboro jusqu’à la frontière avec Hamjago, et couvre des parcelles qui sont la propriété de plusieurs habitants dont MBacar M’bala. Il s’agit d’un futur quartier mixte.
La totalité d’Acoua en risque naturel
Également présent, le maire d’Acoua, Marib Hanaffi, a une toute autre problématique avec son projet « Acoua résilience », un nom qui fleure bon l’adaptation aux risques naturels. Il nous confirme les défis que doit surmonter sa commune : « Nous sommes un petit territoire, avec une capacité restreinte de terrains constructibles, les gens sont donc incités à construire sur l’embouchure des rivières, ou à l’emplacement de la mangrove… Il faut désormais mettre cette population à l’abri ». Quasiment la totalité de la commune est concerné par un aléa naturel, dont 60% en aléas fort.
Face à ce constat, la commune a intégré dans son plan d’action communal 2017-2020 la notion de résilience pour ses habitants et ses deux villages. En 2019 elle signait déjà un partenariat avec l’EPFAM, permettant de lancer une étude pré-opérationnelle débouchant sur un document stratégique en 2021, le Plan Guide de Résilience Urbaine (PGRU) d’Acoua.
Pour protéger ces populations dans les zones à risque, il faut pouvoir les reloger, et parallèlement, « maitriser les zones où se déversent les crues lors des inondations, aménager les berges », explique le maire. Des constructions de logement qui vont se faire par tranche, explique Yves-Michel Daunar, Directeur général de l’EPFAM : « Dans un premier temps, ce sont 200 logements qui sont prévus, mais la capacité est importante puisque le foncier nous permettrait d’en construire un millier ! Mais nous allons surtout suivre la demande et nous adapter aux risques naturels. »
Une OIN en « Jamaïque »
En dehors de ces deux opérations, la CAGNM porte d’autres projets, nous rapporte Assani Saindou Bamcolo : « Deux concernent Dzoumogné, dont l’aménagement du quartier Mhogoni, à vocation tertiaire, notamment pour bâtir le siège de la communauté d’agglomération ». Pour l’instant, elle loge dans l’ancienne MJC de Bouyouni où avaient lieu les signatures.
Nous en avons profité pour interroger le maire de Koungou sur les constructions de logement dans les quartiers dont la démolition de l’habitat insalubre avait fait grand bruit. Si Carobole suit son cours, « nous en sommes aux études environnementales », l’ancien quartier Jamaïque où de nouveaux squatters se sont installés, devrait intégrer le périmètre de la fameuse Opération d’Intérêt général (OIN).
Annoncée en 2018 par le Premier ministre Gérard Philippe comme une des mesures post crise sociale, l’OIN avait fait l’objet d’une journée de concertation technique organisée par l’EPFAM en 2019. Il s’agit de prioriser et de faciliter la réalisation des projets permettant un rattrapage structurel du territoire. En juin 2023, en visite à Mayotte avec son visite de tutelle Gérald Darmanin, Jean-François Carenco avait également annoncé une Opération d’intérêt national « pour gagner un an de délai sur toutes les procédures. » D’où le ton mesuré d’Assani Saindou Bamcolo face à Yves-Michel Daunar ce lundi, « maintenant, j’attends d’être certain pour me réjouir ».
Idem pour le directeur de l’EPFAM qui annonçait prudemment le « bouclage des pré-rapports » : « Ils seront présentés aux élus prochainement. On devrait assister à la création d’une OIN à Mayotte en fin d’année ! »
Anne Perzo-Lafond