Violences à Koungou : tentant de s’organiser, les habitants réclament l’aide de la mairie

C’est à se demander comment le village en entier ne se soulève pas : depuis la rentrée de septembre, et pour des raisons diverses, crise de l’eau et insécurité, les écoles ont rapidement fermé leurs portes. Et les attaques sont menées matin, midi et soir contre les automobilistes, malgré les renforts de gendarmerie. Désemparée, la population se tourne vers les élus.

La zone Koungou-Majikavo est devenue le théâtre d’affrontements quotidiens entre jeunes et forces de l’ordre, une portion de haute consommation de grenades lacrymogènes. Les habitants ont tout le loisir de prendre en photo les bandes de jeunes sur les hauteurs, descendant notamment de Mavadzani où la mairie veut récupérer le terrain pour y installer un assainissement collectif. Leurs silhouettes se détachent sur la ligne de crête, avant de devenir des points multicolores attaquant le bitume et ses automobilistes. Les pierres et les bris de verre sont autant d’obstacles jonchant la chaussée pour les deux roues qui ne sortent plus à la nuit tombée. « Certains jeunes viennent même de Dzoumogne pour intégrer les bandes », nous signale un habitant qui travaille dans l’insertion sociale.

Des forces de l’ordre quotidiennement mobilisées sur le secteur, cela change des premiers jours de blocage de l’île, quand un enseignant du lycée de Dzoumogne habitant pointe de Koungou a été sorti de sa voiture, agressé à coup de fers à béton, sans possibilité de prise en charge par les secours, les pompiers ne parvenant pas à passer les barrages. Il s’en sortira avec un grave traumatisme crânien.

On ne s’en souvient déjà plus, mais lors de l’aggravation des coupures d’eau en septembre-octobre 2023,  les élèves de plusieurs écoles majeures de la commune n’avaient classe qu’un seul jour par semaine. Puis, ce fut leur fermeture pour raison d’insécurité en décembre. Rebelote depuis mi-janvier en raison des blocages. C’est donc une année blanche pour les élèves, une maman nous confiait qu’aucun devoir n’a été transmis par l’enseignant de son enfant en CP, « je n’arrive pas à le joindre au téléphone ». Comment peut-on penser qu’il va pouvoir enchainer sur une année de CE1 sans avoir appris à lire ?

Des épiceries pillées

Vendredi nous étions parvenus à photographier les aller-venues des délinquants (Photo : JDM)

Face à ce marasme, les habitants ont décidé de réagir. Nous avons été interpellés par l’un d’entre eux qui ne comprend pas le manque de réactivité de la mairie : « Nous nous réunissons à la mairie tous les vendredis avec la présence d’un conseiller municipal pour mettre en place des groupes de présence dans les différents quartiers et surveiller ces jeunes. Mais ils nous ont dit que c’était le rôle de la gendarmerie ». Malgré tout, certains résidents ont commencé à surveiller leur quartier, « parce que les jeunes descendent des hauteurs et pillent les épiceries du village et caillassent les voitures », mais manquent de moyens.

Nous avons contacté l’adjoint au maire chargé de la sécurité à la mairie de Koungou : « Je sais que des associations de Koungou essaient d’organiser une surveillance, mais j’attends qu’elles se structurent ». Il y a urgence, lui avons-nous fait remarquer, et la mairie a son rôle, comme l’a fait Mamoudzou avec les parents vigilants, « Nous sommes favorables à ces dispositifs », reprend-il sobrement. Les élus de proximité sont des alliés de choix dans la lutte contre la délinquance, leur rôle est d’accompagner de manière active ces groupements de citoyens, avec l’appui de la gendarmerie.

L’exaspération est à son comble face à la répétition des actes en réponse desquels les forces de l’ordre semblent démunies, puisque ce lundi après-midi, lors de nouveaux caillassages à Majikavo Koropa en face de la mosquée, et malgré une forte présence de gendarmes à proximité, un scootériste s’est fait dépouiller, y compris de son deux-roues. Des scènes similaires étaient signalées à Kahani et Combani.

Anne Perzo-Lafond

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