Gérald Darmanin annonce la venue d’Emanuel Macron à Mayotte dans le cadre de l’évolution statutaire des Outre-mer

Davantage d’autonomie tout en restant dans le giron de la République, c’est sans doute ce que va proposer le gouvernement avec vraisemblablement un schéma « territoire par territoire ». Gérald Darmanin a longuement parlé de Mayotte aujourd’hui, invité à une conférence « Le Point Évènements », sans annonce d’envoi de renforts particuliers, alors que les habitants risquent désormais leur vie pour aller travailler. Un décalage incompréhensible.

La coïncidence était bienvenue : alors que le chaos s’installe à Mayotte, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, était ce 1er février 2024, l’invité de la journée de conférence du Point évènement « Les Outre-mer aux avant-postes »‘. On en attendait donc beaucoup. Surtout qu’il était interrogé par Etienne Gernelle, directeur de l’hebdomadaire Le Point sur la thématique qui nous touche de plein fouet : « Mayotte peut-elle sortir de l’insécurité ? La sécurité comme facteur de développement économique ? ».

Le ministre de l’Intérieur soulignait les difficultés gangrenant l’île, les mettant en perspective avec les potentiels, « Mayotte est un des plus beaux endroits de la République » : « A Mayotte, il y a toujours eu une immigration des Grands Lacs, mais là, il y en a davantage, et qui font venir leurs familles. » Il dit comprendre ceux qui fuient un régime politique, mais choisir cette île en accroit les difficultés, « il ne faut pas que l’immigration irrégulière utilise l’asile pour y rester car il y a déjà beaucoup de problèmes sur ce territoire ». Détaillant pour ses interlocuteurs parisiens l’engorgement de l’accès à l’eau, aux écoles, aux soins, à la sécurité, « il y a sur ce territoire très petit des difficultés issues des migrations qui dérèglent les services publics ».

Le Point Evenements, Etienne Gernelle
Gérald Darmanin interviewé par Etienne Gernelle sur Mayotte

Interpellé sur les solutions à mettre en place, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer lâchait « il faut changer le droit à Mayotte ». Il prenait comme exemple, sans le citer, les amendements Thani de dérogation d’accès à la naturalisation. Et allait plus loin : « Il faut changer la Constitution pour donner à Mayotte un sujet d’extraterritorialité pour qu’un étranger n’accède pas à la naturalisation comme un autre. » En s’appuyant sur les « 90% de naissances non mahoraises au CHM chaque année », et en rajoutant, « et les sapeurs-pompiers pratiquent 900 accouchements par an environ dans les bangas ».

Une « câlinothérapie » sanctionnée par une claque électorale

Deux outils d’évolution sont annoncés : « La loi Mayotte, évoquée par le Premier ministre, et les changements constitutionnels imaginés par le président de la République ». Rajoutant « je compte me rendre à Mayotte, et il se pourrait que le président de la République se rende dans les mois qui viennent à Mayotte pour l’annoncer. »

Or, ce jour même Emmanuel Macron transmettait sa lettre de mission à Frédéric Monlouis-Félicité et Pierre Egéa, le premier est entrepreneur et le second docteur en droit public, deux « experts » désignés pour mener la mission sur les évolutions statutaires en Outre-mer.

Il s’agit de ne plus faire des déplacements une « câlinothérapie » qui aboutit à placer Marine Le Pen largement en tête au second tour de la présidentielle dans la grande majorité des outre-mer, comme l’explique Nathalie Guibert dans Le Monde, mais de réfléchir à une « stratégie territoire par territoire » pour « négocier le nouveau pacte de développement avec les pays d’outre-mer ».

Pas d’annonce pour Mayotte malgré le contexte

Violences, Mayotte
La voiture d’un enseignant agressé alors qu’il se rendait à son lycée dans le Nord à Dzoumogne ce lundi. La population n’est plus protégée

Un constat que l’on peut faire aujourd’hui car Mayotte actuellement à feu et à sang, attend un signe de ce ministre précisément, une sécurisation immédiate des axes pris par les délinquants qui font risquer leur vie chaque jour aux automobilistes qui empruntent certains axes. Mais pour l’instant, rien. On pousse les habitants à se faire justice eux-mêmes, à faire naître les extrêmes.

En matière d’évolution institutionnelle, Gérald Darmanin lève une partie du voile sur l’intention : « Je ne suis pas pour l’indépendance mais on peut vivre en autonomie sur un territoire, avec plus ou moins de dérogations locales. Par exemple, le code de la construction appliqué aux territoires d’outre-mer, c’est une folie ».

Le ministre le confirme, « c’est l’année des changements constitutionnels », en plus de la Nouvelle-Calédonie, de la Corse et de l’IVG, les Outre-mer vont donc avoir leur mot à dire. Nul doute qu’à Mayotte, cela va alimenter les débats.

Anne Perzo-Lafond

Partagez l'article :

Subscribe

spot_imgspot_img

Les plus lus

More like this
Related

Point de situation de Manuel Valls sur les Fonds de secours pour les Outre-mer (FSOM)

Dans sa réponse publiée au Journal Officiel du 12...

Régularisation foncière : bientôt de futures avancées avec des solutions concrètes pour les Mahorais

A l’initiative du Conseil supérieur du Notariat, une délégation de plusieurs notaires s’est rendue à Mayotte dans le cadre d'une mission de deux jours pour faire le point sur la régularisation foncière dans le 101e département. La délégation va proposer des solutions afin que chaque Mahorais puisse enfin accéder à la sécurité foncière.

Anticiper et sensibiliser pour protéger efficacement les eaux mahoraises

La Conférence des Nations unies sur les océans se termine ce vendredi 13 juin, et si les eaux mahoraises sont encore bien préservées, les enjeux qui en ressortent touchent directement l'archipel. Pour ne pas répéter les erreurs et protéger efficacement ses écosystèmes, et notamment ses mammifères, Mayotte se doit d'anticiper et adapter sa réglementation. Un défi de taille au temps du développement économique de l'île et de l'Océan Indien.

À Saint-Pierre de La Réunion, Tahéra Vally ou la reconquête patiente d’un squat délaissé

À 73 ans, cette professeure à la retraite a repris l’établissement de son frère, décédé du Covid. Entre précarité, abandon institutionnel et résilience, elle raconte un combat à la croisée de l’intime et du politique.