Au regard du contexte, pour Jean-Mathieu Defour, « les recrutements de cardiologues restent compliqués »

Face au départ d’une médecin cardiologue du Centre hospitalier de Mayotte (CHM), ayant mis en cause « des tensions internes à l’hôpital »,  nous avons souhaité rencontrer Jean-Mathieu Defour, directeur de l'établissement. 

Monsieur le directeur, à l’occasion de l’évènement « Ma valve, mon coeur ! » organisé par le service de cardiologie du CHM les 12 et 13 décembre dernier, une médecin cardiologue, en poste à temps plein depuis 4 ans, a justifié son départ du CHM en raison de « tensions internes à l’hôpital », que pouvez-vous répondre à cela ? 

Jean-Mathieu Defour : J’ai été très choqué par ses propos, puisque la direction du CHM a toujours été soutenante à son égard. En 2023, nous avons créé le service de cardiologie à sa mesure, ex nihilo, nous avons recruté des infirmières, un cadre de santé, on a acheté du matériel, pour lui donner de vrais moyens. En 2024, on va créer le service de cardiologie interventionnelle ce qui veut dire que les patients qui auront des problèmes cardiologiques nécessitant des investigations plus poussées, n’auront plus besoin d’être évasanés à La Réunion mais seront pris en charge ici (sous-entendu au CHM). Une noria de médecins cardiologues va assurer la permanence des soins sur Mayotte pour faire fonctionner cette unité de cardiologie interventionnelle. 

Son départ va-t-il conduire à la dissolution du service de cardiologie du CHM? 

Atelier ma valve mon coeur
Dépliant ayant servi à des ateliers lors des journées « Ma valve, mon coeur » organisées par le service de cardiologie du CHM

Jean-Mathieu Defour : Non. J’ajoute également que nous travaillons d’arrache pied pour recruter des médecins cardiologues, qui sont une denrée extrêmement rare. Et en plus, vu ce qu’il se passe en ce moment à Mayotte, en termes d’insécurité et de crise de l’eau, il est encore plus difficile de recruter des cardiologues. Nous nous activons dans ce sens. Et en attendant, nous avons des  cardiologues qui viennent en mission depuis La Réunion, pour prendre en charge les patients. L’hôpital essaie de faire son maximum pour créer des services et soutenir son personnel. 

Est-ce que les patients de Mayotte qui nécessiteront d’être opérés en raison d’une maladie valvulaire pourront toujours l’être à La Réunion ? 

Jean-Mathieu Defour : Oui bien sûr, ces patients n’ont jamais été opérés à Mayotte, ces évacuations sanitaires vers La Réunion vont continuer. 

Lors de la visite de plusieurs services de votre établissement en présence de la Première ministre et du Ministre de la Santé et de la Prévention, il a été constaté que de nombreux services du CHM tiennent grâce aux renforts que vous avez permis, venus d’autres établissements de l’Hexagone, de La Réunion, des pompiers mais aussi des médecins du Service de santé des armées (SSA). Quel premier bilan pouvez-vous tirer de l’agence May Santé Recrutement, inaugurée le 29 novembre 2022 par le Ministre de la Santé François Braun, qui avait pour objectif d’améliorer le processus de recrutement et l’attractivité de Mayotte, tout en promouvant les ressources humaines internes ? 

François Braun, Santé, Mayotte, ARS, CHM, Hospimédia
Le Ministre de la Santé et de la Prévention, François Braun avait inauguré l’agence de recrutement du CHM sous le regard de Jean-Mathieu Defour, à gauche

Jean-Mathieu Defour : L’agence May Santé Recrutement est en cours de mise en place et de structuration. Elle permet de recruter de nombreux professionnels de santé du secteur para-médical, notamment des infirmiers, mais pour les médecins, cela reste compliqué. Mais cela commence à porter ses fruits puisque nous sommes parvenus à recruter un médecin hématologue, une vingtaine de sages-femmes à partir de janvier 2024, et une quinzaine de sages-femmes pour février 2024. 

Le niveau 2 du plan blanc activé le 1er juin dernier, est-il toujours en vigueur ?

Bus, caillassé, CHM
Un bus du CHM caillassé.

Jean-Mathieu Defour : Oui, il est toujours en vigueur. Nous rencontrons de grandes difficultés, notamment parce que les bus du CHM sont attaqués. C’est ce qu’il s’est passé depuis plusieurs jours, où en raison des violences sur les routes, les conducteurs de bus sont contraints de faire demi-tour et le personnel de jour arrive alors en retard au CHM. Cette situation nous oblige à demander aux professionnels de nuit de continuer d’assurer la permanence des soins jusqu’à l’arrivée de la relève de jour. 

Je souhaite également dire que la communauté hospitalière fait beaucoup d’efforts pour faire fonctionner cet hôpital, malgré la situation extrêmement difficile que connaît actuellement le territoire de Mayotte, le CHM fait front, malgré tout ce que l’on peut en dire. 

Propos recueillis par Mathilde Hangard.

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