Après un précédent plan national de prévention et d’actions contre la pauvreté, qui s’étalait sur un calendrier 2019-2021 et qui avait pour efficiente volonté de tenir compte des spécificités et priorités locales, propres à chaque territoire, la signature de cette Convention édition 2023, s’inscrit donc dans la continuité des grands chantiers sociaux — ciblés également dans la prolongation 2022*— déjà entrepris, tout en y apportant des légitimes touches évolutives d’amélioration, relatives aux dénuements encore marqués de notre département.
Dans son discours très complet d’introduction, le président du Conseil départemental, Ben Issa Ousseni, a tenu à rappeler l’importance : « de mettre en place des programmes adaptés aux besoins locaux et aux compétences requises notamment pour les emplois disponibles, en plus de formations professionnelles à destination des jeunes ».
Les 3 axes majeurs à retenir
Dans notre contexte insulaire où 77% de sa population vit sous le seuil de pauvreté et où la qualification de territoire ’’le plus pauvre de France ET d’Europe’’ n’a de cesse d’être publiquement estampillée, il est certain que les défis administratifs, économiques et sociaux ( notamment en vue d’un plein alignement égalitaire national tant espéré, en plus de l’accroissement local de son PIB ) sont légion à Mayotte et ce, depuis plus d’une décennie. Des défis en lien aussi avec des attentes communes en comparaison d’autres régions françaises ultramarines et métropolitaines au regard d’une réalité sociale de plus en plus complexe, une inflation internationalement généralisée, notamment face au coût de la vie. C’est en ce sens qu’il a été définis une trame commune d’axes prioritaires bien précis, à destination des personnes les plus vulnérables, tout à fait d’actualité pour notre 101ème département français qui, pour ce faire, bénéficie d’une enveloppe totale commune État-Département, d’1,8 millions d’euros.
Présentation de ces axes :
- Le renforcement de l’accompagnement des bénéficiaires du Revenu de solidarité active en vue de leur insertion professionnelle. À Mayotte, seuls 10% des bénéficiaires RSA sont inscrits à Pôle Emploi, en comparaison d’une moyenne de 36% dans les autres DOM. Cet écart s’explique par une approche culturelle, comme nous l’explique Christian Saint-Étienne, directeur régional de Pôle Emploi : « Ici, à Mayotte, il est encore assez complexe, voire tabou, pour les gens dans le besoin, d’aller demander des aides sociales; c’est un peu la même chose pour les personnes en situation de handicap. Ils nous faut donc améliorer nos axes de mutualisation de moyens et de communication avec la CSSM, les CCAS et autres acteurs sociaux afin de faire évoluer les mentalités pour ne pas amplifier cette précarité déjà existante ».
- Améliorer la coordination et le circuit court de proximité pour informer et faciliter l’accès aux droits ainsi qu’au travail social. Comme ainsi évoqué précédemment, toute cette vision d’ensemble s’imbrique dans une logique de mutualisation des services, une fluidification des outils et moyens mis en oeuvre, en vue de développer une meilleure stratégie préventive et d’intervention contre la pauvreté.
- Favoriser la mobilité solidaire en appuyant les moyens déjà existants tout en développant d’autres mesures qui permettront ainsi de ne pas appréhender la distance tel un frein rédhibitoire face à des possibles chances d’accompagnement, de formation, facilitant ainsi, en ligne de mire finale, l’insertion professionnelle.
Anticiper les perspectives au moyen d’un appel à projet
Grace à « un wagon raccroché en 2022 »* selon les propres termes du préfet Thierry Suquet, où la complémentarité des moyens étatiques, par le biais des services de la préfecture, et départementaux de Mayotte, ont tout de même permis de lancer des réflexions et actions de lutte déjà concrètes en faveur des plus démunies et des personnes les plus éloignées de l’emploi, cette nouvelle signature de convention s’inscrit également dans la perspective du 1er janvier 2024 et de la mise en place du Pacte local des solidarités 2024-2026 qui, rappelons-le, prendra la suite de la Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Grace à un travail de concertation anticipé bien en amont et une forte mobilisation des acteurs concernés en matière de diagnostic territorial, un appel à projets relatif à la stratégie de lutte contre la pauvreté (en vue de ce Pacte des solidarités) sera lancé sur notre département, dès ce vendredi 9 juin 2023, visant donc les 3 orientations majeures précitées. Durant 1 mois, les associations, les CCAS ou bien même les intercommunalités, entre autres, pourront déposer leur dossier en vue d’exposer leurs idées d’amélioration du tissu économique et social de Mayotte.
Et si on ratissait encore plus large ?
Au même titre qu’il existe un Plan national pauvreté français, il en est également cas à échelle européenne et, pour le coup, vu que Mayotte est éternellement pointé du doigt comme le bon dernier de la classe de l’Union européenne, il serait bête de ne pas pleinement d’exploiter aussi cette enveloppe. Selon Maymounati Moussa Ahamadi, conseillère départementale de Dzaoudzi-Labattoir, ces deux axes forts pécuniaires, en faveurs de l’aide à la population de notre territoire, doivent prioritairement viser « une insertion par de l’activité économique » en plus de formations parallèles pertinentes répondant à des besoins sociaux forts, telle que la lutte contre l’illettrisme par exemple.
Cette perspicace et pratique approche qui relève aussi d’une vision sociale et solidaire de plus en plus saluée et ce, à échelle internationale , a permis d’élargir les forces de frappe économique du Gouvernement français et notamment de sa secrétaire d’État à l’ESS et la Vie associative, Marlène Schiappa qui vient de décrocher en partenariat avec la Banque des Territoires, une enveloppe de 300 millions d’euros, visant la mise en place de projets d’innovation sociale entre 2023 et 2025 : « Notre territoire de Mayotte s’est inscrit comme référence qualitative et innovante de l’Économie sociale et solidaire mais aussi associative et ce, à travers le Monde grâce notamment à la présence de référents internationaux en la matière à même notre territoire. Nous sommes donc déjà connus et reconnus pour cette efficacité prouvée. Sur cette enveloppe ESS globale, si nous pouvions ne serait-ce que capter 10 millions d’euros, cela permettait d’accélérer grandement les choses afin de nous attaquer à la base même des problématiques sociales qui engendrent ce cercle vicieux de précarité. Cela vaut vraiment le coup de tenter…».
Par cette vision d’ensemble, ces moyens mutualisés et complémentaires, ces actions de terrain et de modernisation de plus en plus notoires, notre département prouve sa combativité malgré les défis de taille et même s’il est question de pas de fourmi pour certains, il est important de regarder l’immense chemin déjà parcouru depuis sa départementalisation finalement très récente en 2011. Dans ce contexte où il reste encore tant à faire, parfois même avec un sentiment d’exaspération, il est à saluer tout de même, les courageux combatifs qui y croient dur comme fer et qui innovent chaque jour pour le devenir de notre île. Alors, esprits utiles et novateurs n’ayez pas peur de croire en vos idées, de les partager car c’est par la bienveillance et l’ambition que notre combat contre la pauvreté et notre émancipation socio-économique prendra aussi fin. Le chantier est grand mais les moyens se veulent au rendez-vous…
RDV dès ce vendredi 9 juin 2023 : Appel à projets Préfecture / Département
* En 2022, contrairement à l’ensemble des autres territoires français, la contractualisation entre les services de l’État et le département de Mayotte, dans le cadre du plan pauvreté, n’a pu être conduite du fait du déclenchement tardif des discussions.