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Justice – Audiences Covid : le plaider coupable a de plus en plus d’adeptes

« Je sais que c’est malhonnête ce que j’ai fait ». Les prises de conscience des détournements de grosses sommes se font jour chez les commerçants... les situations individuelles d’activités non déclarées aussi.

A raison de slaves d’une quarantaine de commerçants jugés pour escroquerie au Covid, avec pour chacun une somme avoisinant les 40.000 euros, ce sont des audiences à plus d’1,5 million d’euros qui se tiennent au tribunal judiciaire, des sommes que doit récupérer l’Etat.

Nous avions suivi les décisions de justice tombant sur des petits commerçants qui avaient joué les aides Covid avec plus de garanties de gains que des machines à sous, tant que ça tombait, ils ressayaient. Sauf que la mention « jouer comporte des risques » ne s’affichait pas. Pour l’avoir ignoré, ils étaient condamnés pour l’essentiel d’entre eux à 6 mois de prison avec sursis, et l’obligation de rembourser les sommes encaissées. C’est là que ça se corse.

Que ce soit Aoulati, Touraya, Baraka ou Mizani, le profil est quasiment le même. Pendant la période Covid, le gouvernement avait ouvert sa bourse « quoiqu’il en coute » à destination des entreprise qui connaissait un effondrement de leur chiffre d’affaires. Ce sont alors des centaines de commerçants à Mayotte qui s’engouffrent dans la brèche financière, « je pensais que c’était des aides proposées par le gouvernement », risquait l’un d’entre eux. Mais pour l’obtenir, ils ont tous gonflé leur déclaration de chiffre d’affaires sur 2019, pour mettre en évidence un effondrement de l’activité ensuite… sauf que la plupart n’avaient en réalité rien déclaré aux impôts en 2019.

En clair, il s’agissait d’obtenir des aides sur un effondrement fictif d’un commerce non déclaré. Inutile de dire qu’aux impôts, ils n’ont pas aimé.

Les affaires avec avocats étaient jugées en premier

Petit cours de compta à la barre

C’est Baraka qui obtient ainsi 42.500 euros sur deux ans, 2020-2021, sur 22 demandes d’aide en ligne dont 14 ont été satisfaites. Elle n’avait pourtant déclaré aucun chiffre d’affaire pour son douka en 2019. On a vu qu’un argument pouvait attendrir les juges, c’est le réinvestissement de la somme dans l’outil de production. Comme une aide au développement en quelque sorte. Ce pourrait être le cas de cette commerçante, « je suis allée aux Comores, puis à Dubaï pour acheter de la marchandise ». « Où sont les factures ? », s’enquiert le juge Rousseau. Silence.

S’en suit un long échange sur le b.a.-ba de la tenue d’une comptabilité. « Combien gagnez-vous par mois ? »- « Ça dépend si c’est les vacances ou pas »-« Mais un bon mois et un mauvais mois, c’est combien ? » – « 1.000 euros ou rien du tout » – « Et combien il reste dans votre poche ? »- « Ben, 1.000 euros ou rien du tout » -« Bon, si vous vendez pour 100 euros de marchandises et que vous en rachetez pour 100 euros, il vous reste combien ? » – « Rien » – « Bon, vous comprenez le fonctionnement ? » Non, Baraka ne comprend pas, elle explique qu’elle rachète des produits au fur et à mesure qu’elle vend, sans tenir de comptabilité.

Multitâches

Mizani arrive à la barre à son tour, « c’est malhonnête ce que j’ai fait ». Il a formulé 21 demandes et obtenu 32.500 euros. C’est un bon début pour le juge, surtout qu’il propose de rembourser 300 euros chaque mois, « ça fait un prêt sur 15 ans ça ! », s’étouffe le juge Rousseau. « Ok, 500 euros alors ? » – « Le barème, c’est pas mon étonnement à vos déclarations ! », s’insurge le président d’audience. Le cas se corse quand il cherche à savoir à quoi a servi l’argent pour ce commerçant en textile qui n’a déclaré aucune activité en 2019. « A des travaux pour les chambres que j’ai louées ». Étonnement de l’autre côté de la barre, la collégialité de juges comprend peu à peu que celui qui a déclaré par la suite des salaires pour être employé chez Sodifram, sous-louait des chambres pour le compte d’une propriétaire, et qu’il avait même réussi à obtenir un crédit d’impôt de 15.000 euros pour les travaux effectués en tant que locataire avec les 32.500 euros escroqués aux impôts ! « Je pense que le procureur va s’intéresser à votre propriétaire ! », glisse Benoit Rousseau.

La facilité d’obtention des aides Covid, une nouvelle qui avait vite circulé parmi les commerçants (Image d’illustration)

De nombreux dossiers suivront à la barre, avec une évolution dans leur traitement. Depuis le début des audiences dites « Covid », les commerçants ont compris que les dénégations ne servaient à rien, et ce jeudi, ils étaient encouragés à retrouver le procureur pour initier une procédure de plaider coupable. Ce qu’ils firent en grande majorité pour les 44 dossiers inscrits à l’audience.

Pour ceux qui étaient jugés, quasiment la même condamnation de 6 à 7 mois de prison avec sursis, et en matière civile, le remboursement des sommes demandées par l’Agent Judiciaire de l’Etat des sommes détournées. Alors que la plupart étaient concernés par de la prison avec sursis simple, c’est à dire qu’aucune condamnation correctionnelle ne tombera s’il n’y a pas récidive de manœuvres frauduleuses, certains comme Mizani étaient condamnés à de la prison avec sursis probatoire, c’est à dire que la peine tombe s’il ne commence pas à rembourser.

Ce jeudi, il y avait foule au Bureau d’exécution des peines…

Anne Perzo-Lafond

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