Justice – Validation en appel de la destruction des cases de Talus 2

Les dés étaient pratiquement jetés depuis que le tribunal administratif, jugé depuis seul compétent dans cette affaire, avait validé l’opération de relogement des occupants sans titre des cases insalubres de Talus 2, à Majikavo Koropa. L'opération est prévue ce 22 mai.

Nous avions titré le 16 mai sur un probable feu vert pour la préfecture sur l’opération Talus 2. Elle avait été suspendue par la présidente du tribunal judiciaire, une juridiction peu habituelle pour les affaires opposant les citoyens à la préfecture, domaine du tribunal administratif. C’est d’ailleurs un des points abordés dans le jugement de la chambre d’appel détachée de Saint-Denis de La Réunion, qui pointe l’incompétence du tribunal judiciaire dans ce domaine, annulant le recours à venir pour « voie de faits », argument qui avait été brandi par les avocats des requérants occupants des cases insalubres.

Il n’y avait pas grand suspens dans ce jugement tombé mercredi soir, en appel les avocats des deux parties étant tombés d’accord : l’annulation quelques jours auparavant par le tribunal administratif de la suspension de la démolition d’une vingtaine de cases libérait les pelleteuses pour casser l’ensemble du bidonville. « Le préfet a un titre exécutoire », indiquait même une avocate des occupants.

Néanmoins, le président Ozoux a tenu dans ce jugement d’appel à préciser plusieurs points : d’une part, le tribunal judiciaire n’est pas compétent donc pour ce type d’affaire, car il aurait pu prendre la main s’il y avait eu « voie de fait », c’est à dire atteinte grave à la propriété ou aux personnes. Or, les occupants n’ont « justifié d’aucun élément qui permette d’établir la réalité du droit de propriété qu’ils estiment atteint ». Mais également, le « contradictoire », c’est à dire les droits de la défense, n’a pas été respecté puisque ce sont 300 pièces qui ont été présentées à la conseil de la préfecture, non avant le jugement mais sur le tas, qui n’a donc pas eu le temps d’en prendre connaissance.

Les avocats du préfet n’avaient pas eu beaucoup à batailler en appel. De gauche à droite : Me Abdel-Lattuf Ibrahim, Me Olivier Tamil et Me Alain Rapady

« Attitude pusillanime et ambiguë »

Trois points, compétence, absence de titre de propriété et de contradictoire, qui vont certainement freiner les recours aux tribunaux dans l’avenir. Qui n’auront jamais été autant sollicités que depuis que les opérations de démolition portent le label « Wuambushu ». C’est donc un combat également politique qui se joue. Soulignons que les requérants avaient demandé un dépaysement de l’appel à La Réunion, ce qui a été refusé, et sans doute mal vécu par les juges de la chambre détachée à Mayotte.

Un « harcèlement judiciaire » dénoncé par le député Mansour Kamardine qui se félicite à l’issue de ce jugement que « le volet reconquête du foncier et destruction de l’habitat indigne » de l’opération Wuambushu « va pouvoir enfin se déployer ».

Une nouvelle qui tombait quelques heures après une reprise timide des reconduites à la frontière, stoppées en raison du refus des autorités comoriennes de cautionner l’opération Wuambushu, et qui autorisaient un retour de personnes volontaires pour rentrer dans leur pays. Plus exactement, les consignes étaient données non pas par le président Azali, mais par la société comorienne des ports (voir la note ci-joint). Ce qui donnait lieu à une mise en scène ce mercredi à Anjouan, avec un débarquement à l’abri des regards d’une partie des passagers du Citadelle qui effectuait la liaison.

Mansour Kamardine incitait donc le Quai d’Orsay à « sortir de son attitude pusillanime et ambiguë ».

La note publiée par la Société comorienne des ports ce mercredi

Rappelons que jusqu’à présent, à Mayotte, les reconduites aux frontières se menaient quotidiennement, il y en a eu 25.380 en 2022, et que plus de 2.000 cases ont été détruites en 2 ans lors d’opération démolitions d’habitats insalubres. Pour l’instant, avec Wuambushu, ce n’est donc pas sur l’accélérateur qu’a appuyé le ministre de l’Intérieur, mais sur le frein.

En revanche, sur le chapitre des démantèlements des bandes criminelles et des réseaux d’immigration clandestine, le député mahorais indique que l’opération est menée « avec succès ».

L’opération de démolition de Talus 2 va donc pouvoir commencer, rappelons que le tribunal administratif a jugé conforme les relogements des occupants à proximité par la préfecture, sous condition de scolarisation des enfants qui seraient amenés à changer d’écoles.

Selon nos informations, la démolition de l’ensemble est prévue ce lundi 22 mai.

Anne Perzo-Lafond

 

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