Décidément, le préfet de Mayotte, Thierry Suquet, ne doit plus savoir où donner de la tête et à quelle juridiction se vouer. Après la décision du tribunal judiciaire de Mamoudzou la semaine dernière d’interdire la destruction du bidonville Talus 2 à Majicavo, c’était au tour, il y a quelques jours seulement, de l’association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE), de l’association Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE), de l’association Groupe d’information et de soutien des immigrées (GISTI) et du Syndicat des avocats de France ( SAF), de saisir le juge des référés du tribunal administratif de Mayotte, Pierre-Olivier Caille, par une requête et un mémoire complémentaire concernant la légalité de certaines procédures de l’opération Wuambushu.
Plus particulièrement la légalité des cinq locaux de rétention administrative créés par le préfet pour faire face à l’afflux de personnes. A savoir les locaux de la brigade territoriale de gendarmerie de Pamandzi, les locaux de la brigade territoriale de gendarmerie de Mamoudzou, l’espace désigné zone d’attente au sein du centre de rétention administrative de Mayotte, les locaux du service territorial de la police aux frontières de Mayotte, soit l’espace dit « LRA STPAF », et dans les locaux du tri sanitaire de l’hôpital de Dzaoudzi.
Le préfet « sommé » de rectifier le tir
En effet, ces associations enjoignent le préfet de Mayotte de prendre les mesures nécessaires afin de faire « cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes placées dans cinq locaux de rétention administrative » et d’y faire respecter les lois de la République dans ces endroits, comme la conformité des lieux, l’accès aux soins pour les personnes ainsi que l’accès à un téléphone, la possibilité à ces personnes de pouvoir entrer en contact avec leur famille ou avec des représentants légaux, de pouvoir être visitées par des association d’aide humanitaire ou des instances internationales des droits de l’Homme, de procéder à l’affichage et l’établissement d’un règlement intérieur, mais aussi et surtout de cesser la pratique récurrente visant à « la création successive de locaux de rétention administrative prétendument temporaires » ne permettant pas un suivi efficace et régulier de ces personnes. Ce que reproche notamment les associations, c’est « La succession régulière de fermeture et de réouverture, à quelques heures d’intervalle, des mêmes locaux de rétention administrative est dépourvue de toute justification dès lors qu’aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n’impose la fermeture d’un local de rétention administrative en l’absence de personnes retenues ».
Le juge des référés, Pierre-Olivier Caille, ordonne donc au préfet Thierry Suquet : « De créer, à titre provisoire mais de manière continue, quatre locaux de rétention administrative dans les locaux de la brigade territoriale de gendarmerie de Pamandzi, dans les locaux de la brigade territoriale de gendarmerie de Mamoudzou, dans les locaux du service territorial de la police aux frontières de Mayotte, dans l’espace dit « LRA STPAF », et dans les locaux du tri sanitaire de l’hôpital de Dzaoudzi jusqu’au 23 juin 2023 à 19h00 et de reporter la date de fermeture du local de rétention administrative créé au sein du centre de rétention administrative de Mayotte dans l’espace désigné zone d’attente au 23 juin 2023 à 19h00. De prendre les mesures techniques nécessaires pour permettre aux personnes retenues dans les locaux de rétention administrative d’avoir accès à un téléphone leur permettant de passer au moins un appel de leur choix en France gratuitement ou à l’étranger pour un coût modeste. De se rapprocher de l’association Solidarité Mayotte pour évaluer avec elle les aménagements devant être mis en œuvre pour lui permettre d’exercer effectivement sa mission d’assistance dans l’ensemble des locaux de rétention administrative créés à Mayotte. De prendre des mesures pour l’exécution des injonctions prononcées aux mesures précédentes avant le 2 mai 2023 à 12h00, heure locale, sous astreinte de 15.000 euros par jour de retard ».
Dans un communiqué, la préfecture indique que « Le préfet de Mayotte prend acte de la demande d’harmonisation des conditions d’ouverture de ces locaux pour une période plus longue. Il s’engage à renforcer et à formaliser les conditions d’accès déjà existantes à un téléphone pour les personnes retenues. Les services de la préfecture tiendront prochainement une réunion avec les associations pour améliorer leurs conditions d’accès, également déjà existantes, aux LRA ».
B.J.